
Coquelicot
J'aimerai pouvoir vous livrer ici une touchante déclaration d'amour à l'écriture, mais ça n'arrivera pas.
Cet espace est le mien, et je vais y compter mon histoire. Et dans mon histoire, on y trouve des choses drôles, on y trouve aussi des choses moins drôles. Des choses douloureuses.
On y trouve la fantaisie de mon père, sa drôlerie même, on y trouve aussi sa lutte acharnée pour trouver un sens à la vie, cette lutte qui a fini par devenir la mienne aussi. On y trouve les drôles d'expressions de ma mère, sa façon de me regarder, mais on y trouve aussi sa solitude.
On y trouve mes paradoxes, mon amour des mots et de leur torture, on y trouve mes tristesses d'adolescente qui ne finissent pas, on y trouve des larmes, du sang, de l'encre. On y trouve beaucoup d'encre.
On y trouve l'absence. On y trouve le vide. On y trouve des enfants qui s'ennuient et des adultes qui prennent aux enfants des choses qu'ils ne peuvent pas leur rendre.
J'écris parce que quelqu'un m'a dit un jour que jaillissaient des plaies les plus profondes d'inouis feux d'artifices.
A défaut de feux d'artifice, il y a quand même eu une étincelle. Une étincelle qui a fait jaillir ces mots. Une étincelle qui a fait jaillir la douleur en un geste chirurgical, précis, saillant. Une étincelle qui a enfin permis à la douleur de trouver son chemin, de l'arpenter, d'en définir les ombres, les contours, de comprendre là où elle commence et où elle finit. Surtout où elle finit.
Cette étincelle est une ode, un cri du coeur, qui vient de la gorge alors qu'elle n'émet plus aucun son, un remue-tripe alors qu'il n'y a plus rien à vomir, un tremblement de terre au milieu du ciel. Cette étincelle est ce cri silencieux que plus personne ne veut entendre. Celui du circulez - ya plus rien à voir. C'est un point final, une non-negociation. C'est une fin de non-recevoir. C'est aussi une réconciliation. Un cessez-le-feu.
Un drapeau blanc.
Cet espace est le drapeau blanc que je m'offre à moi-même.
Œuvres
Dans cette étendue, de coquelicot, il n'y a qu'un,
De roux vêtu, maquillé de noir, sans pareil,
Jouant tour à tour, avec la lune et le soleil,
Dans ses contours, les papillons attirés par ce parfum,
En un souffle, se posent, s'envolent puis disparaissent,
Laissant derrière eux le bruit de la caresse,
La fleur s'amuse de ce jeu qu'elle maîtrise à merveille,
Jusqu'au jour où, en son sein, se pose une abeille.
Chahutée par les vents, à bout de souffle, apeurée,
La belle combattante restait, toute d'or parée.
Prise dans le tourbillon, elle cherchait un chemin,
Et dans cette étendue, de coquelicot, il n'y a qu'un.
Alors, dans un élan de vie, un dernier soubresault,
L'abeille avait fait de son nid, cette rouge fleur de pavot,
Et dans l'alcôve de ce coeur flamboyant,
Elle y apprit, peu à peu, à apprécier l'instant.
Ivre du nectar de cette fleur saisonnière,
devenait sauvage, l'abeille autrefois prisonnière.
Ainsi, matin après matin, l'enlaçant de plus belle,
La terre réussissait enfin, à réparer le ciel,
Le coquelicot, jadis téméraire, par cet insecte, ému
se sentait désormais, d'audace tout dépourvu,
La fleur conquise, désarmée, par l'auguste présence,
S'était mise à rêver, d'un monde dans l'autre sens.
La belle naufragée, blessée par l'hivernale saison
devenait à son tour, son refuge, sa maison.
Ainsi, matin après matin, dans un geste éphémère,
le ciel tendrement, illuminait la terre.
La florale amoureuse perdue dans sa rêverie,
A la lueur des étoiles et bercée par la nuit,
avait prié en vain, avec force, imploré,
que ne sonne pas à minuit le début de l'été,
ne soit pas emportée, la douceur du printemps,
cette histoire balayée, par les pluies, par les vents
Mais la malheureuse complainte n'avait trouvé d'échos
et d'aucun n'entendit le chant du coquelicot.
A toi, petite fille nichée au creux du ventre,
qui meurt si jeune, si tôt, d'être vivante,
qui ne rêve déjà plus quand enfin elle s'endort,
Je t'écris de plus tard, d'après, du pas encore,
cette lettre, cette missive, ce nécéssaire présage
pour t'aider comme je peux à traverser l'orage,
Pour adoucir cette peine dont tu ignores la cause,
comme une main alliée, qui tendrement se pose,
pour qu'enfin t'abandonne cette idée mortifère,
que tu dessines l'été, blottie contre ta mère,
A toi, qui sous la robe à fleur, dû enfiler l'armure,
qu'aucuns ne voient jamais l'horreur de ta blessure,
Privée de corps, de mots, cherchant dans le miroir,
où commence vraiment cet infini trou noir,
combattant dans le vide, l'insoutenable reflet,
d'une douleur dévorante, d'une indiscible plaie,
Tentant de toutes ses forces, sans pitié ni répit
de vaincre le doucereux poison de la mélancolie,
Je te promets qu'un jour, pas maintenant, pas demain,
Tu goûteras le sel de l'azur, la passion du carmin.
Cette nuit que tu traverses, que tu penses éternelle,
n'a pas éteint de vie, ta fragile étincelle.
Tu te croiras dépouillée, au bord du précipice,
et ne verras pas poindre ce beau feu d'artifice,
tu ne sais pas que ce soir, dans le froid et la pluie
Jaillira pour toujours, la douleur de l'oubli.
A toi, qui affronte des ennemis bien plus grands
que le loup, la sorcière ou les moulins à vents,
Jetée dans la bataille, dans cet intime combat,
Au déshonneur de fuir, tu préfères le trépas
Munie de ton épée, pensant voir le démon
tu comprendras trop tard, qu'il n'est qu'une illusion.
Un mirage, un fantôme, un boût d'âme terrifiée,
serrant tout contre lui le souvenir oublié,
d'un ancien monde obsur et terrifiant,
où parfois les géants dévorent des enfants.