Ça sent le café et les ragots. Les collègues dégustent leur latte macchiato sucré par les histoires croustillantes du week-end. La comptable raconte ses nuits blanches et la RH ses promenades dans les feuilles mortes. Mais moi, dois-je leur dire ce que j'ai fait du boss ?

Si la grâce était un sens, elle serait la douceur d'un regard
Mais elle serait aussi la force d'une main tendue
La grâce te porte comme le vent soulève une bulle
Et la grâce t'ancre à la terre comme un trésor antique enfoui sous le sable
La grâce est subtile mais attire l'œil
La grâce est riche de simplicité et pauvre d'excès
Sa couleur est entre puissance et pudeur
Une palette d'inspiration pour quiconque frôle sa raison.

Il est arrivé au sommet, fier sous son armure de fer, d'avoir survécu à l'assaut de haine. Son bouclier a protégé sa vie mais n'a pas épargné son âme. Il a tué l'obscur sans pouvoir éviter les balles perdues. Et c'est la lumière qui les a reçues en plein cœur.

Les histoires, je ne m'en souviens plus. Mais je sens encore ton parfum de tarte aux pommes et j'entends la douceur de ta voix légèrement tremblotante. Bien installée sur tes genoux, ma tête sur ton épaule. Je n'ai, depuis, plus retrouvé un endroit si rassurant. Quand j'ai peur, je me concentre fort, je nous revois et ce cocon m'enveloppe encore une fois.

J'ai ouvert la porte de la cathédrale, plongé ma main dans le bénitier, déposé l'eau sur mon front, et j'ai vu. J'ai vu la date, l'heure et un poignard qui me transperce le cœur. Je n'étais pas tant effrayée jusqu'à ce que je reconnaisse la main qui le tenait… La mienne.

Il pleut sur mon cœur. Oui, oui. Il pleut des vérités. Tu me gardais au sec grâce à un parapluie d'hypocrisie bien rodée. Mais ce parapluie est aujourd'hui usé par le temps et n'est plus imperméable à tes conneries.

Il laisse glisser son archet sur les cordes de son violoncelle. De note en note la vie s'éloigne un peu plus. Un do et sa peau s'efface, un si et sa chair disparait , un fa et ses os sont à nu. Un sol et son âme est la seule chose qui reste de ce qu'il a été.

Mon sang se confond avec le tissu rouge de mon manteau et la pleine lune ne suffit pas à éclairer ma blessure. Mais peu importe car ma douleur ne vient pas du sang qui se déverse. Elle vient de son sourire satisfait qui me déchire les tripes.

Quel est ton rêve le plus fou ? Respirer Mais tu es en vie donc tu respires. Ce n'est pas un rêve. Dis-moi vraiment quel est ton plus grand rêve ? Respirer. Respirer profondément, respirer vraiment. Expirer le poids des soucis et inspirer la légèreté des petits plaisirs de la vie.

Et si demain, c'était la fin. Mes doigts ne toucheraient plus ce stylo qui couche sur ce papier lisse mes pensées les plus cabossées. Et si demain, c'était la fin. Je ne sentirais plus ce parfum de la vie qui peut être à la fois si doux et si âcre. Mes mains moites s'assécheraient car mes émotions disparaîtraient comme mon corps qui n'aurait plus besoin de me porter. Les gouttes de pluie qui cachaient mes larmes ne feraient plus que rafraîchir la terre qui me surplombe. Et si demain, c'était la fin. Je roulerais ce soir sans savoir où je vais. Car j'aurais enfin cette liberté de profiter du voyage sans le poids d'arriver à destination. 

Je sens la fin au plus profond de mes tripes. La lumière est belle. Elle éblouit mon regard sur le passé et éclaire le moment présent. Je le sens, ce moment présent. Quand hier encore, je le passais à ruminer la veille et anticiper demain. Ce soir je ne ressens que ce qui est. J'entends le chat des voisins réclamer ses croquettes, une voiture passer à toute vitesse faisant vibrer la bouche d'égout, le vent qui pousse mes rideaux à danser. 
Justement, danser. Mon corps qui est si raide des devoirs du quotidien, s'assouplit de l'instant qui ne sera plus. Il ressent l'impulsion de virevolter dans cet instant, de passer d'un rythme effréné à des mouvements souples et lents. Mes vêtements de fer sont devenus soie car mes formes ne sont plus un poids. Elles se sont allégées de mon acceptation de moi.
J'accepte que demain soit la fin. Car je n'ai plus faim de demain. J'ai été tellement gourmande de la vie, que je n'ai pas goûté toutes ses saveurs. J'ai englouti les heures jusqu'à en avoir mal au ventre. 
Mais maintenant que mon âme sera libre de mon corps. Je pourrai me gaver de bonheur sans regrets ni culpabilité.