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Lahire Dartiel

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Œuvres

Lahire Dartiel

Après la victoire militaire de l’armée Mauvellienne sur la province du Véhème, le gouverneur Koel fut nommé par la Mauvellie pour diriger la terre vaincue. Comme la Mauvellie n’avait absolument aucune troupe à accorder au soutient de Koel, elle lui donnait un peu d’or et quelques titres sur place.
Koel, en arrivant à pied à ce qui restait de la cour de Véhème, surpris par l’état de ses chaussures usées et de sa fatigue apparente. Sa venue levait les sourcils et non les armes, car le besoin de réparer les ravages de la guerre dépassaient le souci de s’acharner sur un émissaire aussi insignifiant. Au milieu des charpentières, charpentiers, maçons et maçonnes à l’œuvre, Koel, alors même qu’il n’était écouté seulement d’une oreille par quelques uns qui se reposaient entre deux taches, s’exprimait au non de sa propre nation : « La Mauvellie a vaincue par les armes, mais vous voilà déjà en meilleur état que moi, je pensais voir une terre de misère détruite par la guerre, mais je ne vois que des forces encore battantes s’atteler à la reconstruction. Ma nation a vaincu, certes, mais je m’aperçois que c’était stupide, car vous êtes encore fiers et glorieux ! » Les passant curieux s’était intéressé au gouverneur qui aurait eu l’air d’un pouilleux ou d’un fou s’il ne portait pas les symboles de la nation victorieuse, et, voyant qu’il était écouté, il rajoutait : « Voyez-vous, j’ai arpenté Véhème avant de venir jusqu’à vous, et j’ai vu votre force qu’une armée n’aurait jamais su réprimer. Nous avons eu – et puissent-ils reposer en paix – la vie de vos guerrières et guerriers, mais nous n’avons pas su vous convaincre de votre défaite. Rien n’est aussi stupide que de prétendre que nous vous avons vaincu ; la seule gloire que nous aurions pu avoir, mais que vous nous avez volée, voyez-vous… » Et brusquement, Koel s’arrêtait au milieu de sa phrase, comme s’il avait oublié le reste de son discours à la manière d’un orateur trop ambitieux alors que tout son auditoire attendait la conclusion de son propos. Un membre de son assistance plus vif, s’exclamait alors, du fond de la pièce : « C’est de convaincre ! » Toute l’assistance, et le gouverneur Koel le premier, applaudissait l’anonyme qui avait su trouver les mots justes. « Bravo ! » s’exclamaient les nobles de la terre vaincue. « Vive le Véhème! », « Gloire au Vaincu ! » étaient braillés dans toutes la capitale, puis bientôt dans tout le pays.

Koel, encore patriote, mais reconnaissant de sa défaite morale, proposait aux citoyennes et aux citoyens d’utiliser l’argent qu’il avait reçu de la Mauvellie pour reconstruire le Véhème, mais que pour tranquilliser les armées encore dans les pays voisins, il fallait se prêter à quelques jeux artificiels. Il n’était pas question de reconnaître la Mauvellie, et encore moins Koel, mais il fallait renoncer à prononcer le nom de leurs générales et généraux lors de la guerre. Koel insistait sur le fait qu’il ne fallait pas non plus les oublier et Véhème instaurait une minute journalière de silence durant laquelle les générales et généraux seraient remémorés, mais sans prononcer leurs noms. « Vaincre est stupide, le seul orgueil est pour convaincre. » répétait régulièrement Koel, et les habitantes et habitants du Véhème le reprenait pour ne pas oublier leur fierté. Bien sûr, les abus étaient nombreux, et bien souvent, Koel reprenait avec un sourire ceux qui y manquaient, sans rouspéter ni les sanctionner.
Le gouverneur Koel recevait plus d’argent de la nation victorieuse face à ce succès, et puisque les réparations n’étaient pas terminées, il donnait cet argent en échange d’une autre règle enfantine à laquelle il ne fallait pas se laisser prendre : désormais, il fallait ne plus parler de la guerre. « Mais ne pas l’oublier ! » insistait Koel. Pareillement, ce fut un succès de forme, car aucune habitante et aucun habitant du Véhème n’aurait pu oublier la défaite militaire, et tout leur acharnement pour ne pas en parler ne faisait que leur rappeler qu’ils se portaient mieux que le soi-disant vainqueur.

Il y eu, au fil du temps, d’autres arrivées d’argent, d’autres jeux auxquelles tout le monde se prenait par la force des usages : les jours fériés qui changeaient de nom, la réforme de la ponctuation et bien d'autres manies. Mais, à chaque fois, et Koel, bien qu'affaibli par les années, insistait toujours autant, personne ne devait oublier. La reconstruction du pays du Véhème fut si bien porté par l’esprit commun des citoyennes et citoyens rendus complices par leurs usage, que quelques dizaines d’années après, la province se portait mieux qu’avant la guerre.

Alors que l’argent avait cessé de venir de Mauvellie, et que plus aucune règle ne contraignait plus encore le Véhème, une ancienne noble véhèmienne, Tierann, qui avait vu arriver dans sa jeunesse Koel, allait voir le désormais vieux gouverneur qui avait su, comme un bouffon du peuple, garder son titre. Elle lui disait : « Vous avez vaincu.
– Vaincre… convaincre, répétait de sa voix faible Koel qui avait du mal à articuler après toutes ces années à répandre sa salive sur le sol.
– Vous avez convaincu, insistait Tierann, les jeunes ne parlent plus de nos héros d’antan et plus personne ne sait écrire correctement notre langue. Nous n’avons plus de blason, plus d’histoire, et bientôt votre patrie nous mangera comme une des nombreuses provinces qu’elle a mangé. Les gens ont simplement oublié, vous nous avez vaincu, puis vous nous avez convaincu. »
Tierann attrapait le gouverneur par le col de ses habits sales et en lambeaux en espérant obtenir des aveux de sa part, ou au moins une réaction. Mais le vieux Koel était désormais débile, incapable de construire une phrase correcte et encore moins de comprendre les paroles de la noble. Il était désormais trop fou pour être convaincu, peut-être même que le pantin de Mauvellie l’avait toujours été. Encore amère des mots qu’elle avait dit 40 ans auparavant, elle laissait tomber le vieillard, attrapait un rocher, et écrasait la tête de Koel sur le sol dans un bruit sec. Au cadavre, Tierann demandait : « Alors, convaincu maintenant ? »


Texte présenté pour un samedi écriture sur r/france en 2018
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Lahire Dartiel

Après une journée épuisante et une soirée enivrante, Helaïr était rentré tard à son appartement, situé au sixième étage d’un immeuble entre deux quartiers. Au moment d’aller récupérer son courrier du rez-de-chaussé – chose qu’il avait oublié de faire en montant, mais qui était nécessaire car il attendait des timbres rares pour sa collection – il s’aperçut que que l’ascenseur était bloqué au sixième étage, sans que la porte ne s’ouvre ni l’ascenseur ne se déplace. La lumière jaune claire passait entre les deux pans de la porte en métal pour éclairer d’une raie la cage d’escalier sombre et totalement silencieuse. Helaïr posait sa main contre la parois. Il était monté avec cet ascenseur, mais désormais, celui-ci était figé là. Il pensa qu’il pourrait descendre et grimper les six étages sans difficultés malgré la fatigue, et qu’il avait échappé de peu à rester bloqué dans l’ascenseur qui ne répondait plus aux appels. Helaïr ne se souvenait plus de si quelqu’un d’autre était monté dans l’ascenseur après qu’il l’ait quitté, et pour lever le doute, il s’adressait à la porte.
« Est-ce qu’il y a quelqu’un à l’intérieur ? Est-ce qu’il vous faut de l’aide ? » demandait timidement Helaïr en espérant ne pas nuire au sommeil de sa voisine avec qui il entretenait une relation cordiale et qui se levait tôt tous les matin. Helaïr riant un peu pensa que si quelqu’un avait été bloqué dedans à l’instant, celui-ci aurait été plus bruyant et que de toute façon, l’immeuble était désert passé minuit. Pourtant, Helaïr insistait, c’était peut-être quelqu’un qui avait un malaise et qui avait besoin d’aide, ou quelqu’un de saoul qui s’apprêtait à une nuit difficile. Alors Helaïr frappait plus fort en disant plus durement : « Sortez de là, vous ne pouvez pas rester ici. » C’était peut-être même l’enfermé qui avait bloqué l’ascenseur par erreur et qui n’attendait que d’être réveillé pour la débloquer, peut-être avait il été même conscient et l’inconnu avait il même cherché un abris pour la nuit. Helaïr ne se souvenait pas exactement de son retour dans l’immeuble, mais il était sûr que quelqu’un aurait pu profiter de l’occasion pour se faufiler derrière lui à son insu. « Sortez de là ! Ça va mal aller ! » criait Helaïr dans la fissure qui séparait les deux pans de la porte de l’ascenseur. Quelque soit la personne dont il s’agissait, un Fred, un Arnaud ou un Claude, on ne pouvait pas ainsi se moquer de Helaïr. Il pensa un instant à la voisine, mais c’était l’inconnu qui était responsable pour le bruit car il n’avait pas répondu à ses appels. Tant bien que même il n’y aurait personne, on ne pourrait pas permettre l’éventualité de laisser un vagabond saoul ou un pensionnaire avec un malaise dans l’ascenseur, ce que comprendrait parfaitement la voisine si elle venait à être réveillée. Elle avait de toute façon probablement le sommeil lourd car elle ne s’était jamais plainte des fêtes dans l’appartement de Helaïr.
« Je vais déverrouiller la porte. » annonçait Helaïr en tambourinant par saccades sur la porte de l’ascenseur. Il n’y pensait pas sérieusement, mais sûrement que l’éventuel inopportun se serait rendu s’il avait entendu les menaces. Soudain, Helaïr pensa à ses timbres qui pouvait arriver le lendemain et que pourrait s’approprier l’inconnu. Les boîtes aux lettres étaient fragiles, et il en allait de même pour la porte de son propre appartement. La porte du rez-de-chaussé était le seul rempart contre les cambrioleurs du quartiers et il était le devoir de Helaïr, qui était toujours le dernier couché, de s’assurer que tous pouvaient dormir en sécurité. Il était de plus clair qu’il n’y avait personne de bonne volonté à l’intérieur. « Je vais déverrouiller la porte, répétait Helaïr, et si vous êtes là, je ne sais pas ce qui peut vous arriver. » La porte refusait pourtant de se laisser ouvrir, malgré la force du locataire qui bondissant à l’étage du dessous, puis à l’étage du dessus pour appeler l’ascenseur dans l’espoir de le débloquer. Mais les boutons s’allumaient dans le vide et Helaïr n’entendait toujours rien au travers du pan de métal. «Je vais défoncer la porte, menaçait Helaïr pour se donner une consistance suite à son échec, et j’espère que tu n’es pas là, qui que tu sois, Fred, Arnaud ou Claude, car sinon, cela va mal se passer pour toi ! » Helaïr ne pouvait pas retourner se coucher avec ce doute, et il manquait cruellement de sommeil. Il continuait ses menaces en calculant la solidité de la porte : « Si j’étais toi, Claude, je m’étranglerais déjà, car je ne voudrais pas que tu m’arrives entre les doigts dans cet état. » Helaïr pouvait se permettre de payer le remplacement de l’ascenseur, il avait les moyens. Il pouvait remplacer ce vieil appareil en ruine qu’il aurait fallu de toute manière changer. Tout le monde lui serait reconnaissant de faire profiter la communauté de sa vigilance et de son argent.
« Claude, étrangle-toi toi-même ! Tu me feras gagner du temps ! » Il frappait d’un grand coup dans la porte, un coup de pied dont il était fier, et la porte s’enfonçait en se déformant. Il marqua un temps d’effroi face à sa propre violence, mais se rengorgeant de sa force exacerbée par la résistance de la porte, et constatant qu’il ne pouvait de toute manière plus reculer, il frappait à nouveau d’un coup plus violent, faisant résonner tout l’immeuble au travers de la cage de l’ascenseur. Avec rage, et alors que d’innombrables pensées se pressaient dans sa tête – la voisine, l’argent, le propriétaire et surtout Claude, le responsable de tout ça – il frappait encore et encore, maladroitement, s’accrochant au cadre et proférant des menaces de mort et des jurons.
En arrivant dans l’ascenseur, Helaïr put voir le visage immonde d’une silhouette menaçante qui s’y tenait. Il brandissait son poing et se ruait gauchement contre l’intrus mais tombait contre le miroir du fond de l’ascenseur. Dans la lumière, il n’y avait que lui, lui et son propre reflet.
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