Suivez, soutenez et aidez vos auteurs favoris

Inscrivez-vous à l'Atelier des auteurs et tissez des liens avec vos futurs compagnons d'écriture.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
Image de profil de 531050927842825

MAYORGA

MAYORGA


Dis papi, tu veux me raconter une histoire ?
Oui, ma chérie ! Attends ! Je crois que celle-là elle va te plaire ! Ecoute…
…Il était une fois un petit garçon, d’à peine huit ans, qui vivait dans une très grande maison. Il habitait au quatre-vingt-dixième étage, très haut, près du ciel.
Tous les matins, il voyait de sa chambre le soleil se lever au travers des autres grandes maisons. Et la première chose qu’il disait, sais-tu ce qu’il disait en premier ?
Non, papi, je ne sais pas !
Eh bien, il disait « je m’ennuie »
Déjà ? A peine levé du lit. Et alors ?
Alors ? Tu ne vas pas me croire, mais du plafond, sur le mur juste en face de son lit, descendait un écran de télévision.
Trop fort !
Oui, un écran de télévision et des images, beaucoup d’images apparaissaient. Le petit garçon s’asseyait sur son lit et restait les yeux rivés sur l’écran.
« Rivés » ça veut dire quoi, papi ?
Ça veut dire qu’il ne pouvait pas voir autre chose que l’écran.
Comme hypnotisé ?
C’est ça ! Exactement !
Et alors ?
Il regardait jusqu’à ce qu’une sonnerie retentisse et qu’une voix qui venait de l’écran lui dise « c’est l’heure du petit déjeuner ». L’écran s’éteignait et remontait se cacher dans le plafond. Le petit garçon, se levait et allait s’assoir à une table. Du mur, une trappe s’ouvrait et un bol avec des pépites de céréales venait se poser juste entre ses deux mains.
Et alors ?
Il prenait son petit déjeuner jusqu’à ce qu’une autre sonnerie l’avertisse que c’était l’heure de la garderie. Une armoire s’ouvrait et lui déposait les vêtements sur le lit.
Il s’habillait et se présentait devant la porte d’entrée de son appartement. A huit heures pile, elle s’ouvrait et le petit garçon pouvait sortir prendre l’ascenseur qui le descendait une dizaine d’étages plus bas où il retrouvait d’autres enfants qui habitaient l’immeuble comme lui.

Mais papi, ils sont où ses parents ? On les voit pas dans ton histoire !
Holà ! Ses parents, ils n’avaient pas le temps de voir leur fils ! Ils se levaient très tôt le matin pour aller travailler et rentraient très tard le soir.
Alors qui s’occupait de lui ?
La maison, c’est la maison qui le distrayait quand il s’ennuyait, qu’il lui donnait les vêtements pour s’habiller, qui le nourrissait et qui le gardait.
C’est triste Papi !
Oui, c’est triste !
Alors, pourquoi tu me racontes cette histoire ? J’aime pas les histoires tristes et en plus il se passe rien !
Attends ! Tu vas voir ! C’est là que ça devient intéressant !
Ah bon ! Allez, Papi dis-moi !
Eh bien, un matin, le petit garçon en regardant le soleil se lever, vit apparaître au loin un petit point noir qui zigzaguait entre les maisons.
Un petit point ? Eh qu’est-ce que c’était ?
A ton avis ?
Un oiseau peut-être ?
Exactement ! Un oiseau et pour le petit garçon c’était incroyable. Des oiseaux, il n’en avait vu que sur son écran de télévision. Dans la vie, ça n’existait pas.
Ah bon ? Et pourquoi ?
Parce que l’air dehors depuis très longtemps n’était plus respirable.
Alors les gens ils pouvaient pas sortir, Papi ?
Oui ! Ceux qui voulaient sortir devaient mettre des masques pour ne pas s’asphyxier. Dehors il n’y avait que des robots, c’étaient eux qui travaillaient.

Elle est hyper triste ton histoire, Papi, tu vas finir par me faire pleurer ! Arrête !
Non, non ! Attends !
Mais comment il a fait le petit oiseau pour respirer ?
Voilà la bonne question ! C’est fou, non ? Je continue ! Le petit oiseau allait très vite s’écrabouiller contre la vitre. Le petit garçon le voyant grossir de plus en plus se cacha les yeux avec ses mains pour ne pas voir le massacre. Il attendit un petit moment. Rien, pas de bruit. Il ôta ses mains des yeux, les ouvrit et vit le petit oiseau qui voletait juste devant lui, le regardant, un petit bout de bâton dans le bec.
Un petit bout de bâton ?
En fait non ! C’était un crayon !
Un crayon ? Oui, et alors ?
Il faut que tu saches que le petit garçon n’avait jamais vu de crayon !
Je te crois pas, papi ! C’est pas possible !
Je te dis qu’il n’avait jamais ni écrit ni dessiné de sa vie ! C’était l’écran qui le faisait à sa place. Il n’avait qu’à lui demander et il était servi !
Le pauvre, je le plains !
Attends ! Donc le petit oiseau voletait devant la vitre et tapotait avec son bec sous le nez du petit garçon qui s’était avancé pour voir cet étrange animal. Le bruit du tapotement se transforma peu à peu en musique et sans savoir comment, la vitre disparut dans le plafond. Le petit garçon pris de panique, mit ses mains sur sa bouche pour étouffer un cri. Il plongea se réfugier sous les draps tant lapeur de mourir asphyxié était forte.

Il allait mourir Papi ?
Non !
Et pourquoi ?
Parce que l’air, dehors, était redevenu respirable, il n’avait jamais été aussi pur. Les êtres humains vivaient enfermés depuis tellement longtemps qu’ils ne s’étaient pas rendus compte que la nature avait repris le dessus. Dehors, la vie existait !
Enfin, quelque chose de gai dans ton histoire ! Alors que va-t-il se passer avec l’oiseau ?
Eh bien, c’est là que ça devient intéressant !
Tu l’as déjà dit, Papi ! Le petit garçon se cache sous les draps et alors ?
Le petit oiseau décolla du rebord de la fenêtre, se mit à voler dans la chambre, se posa sur le lit et gratta le drap avec ses pattes juste au-dessus de la tête du petit garçon.Celui-ci, souleva doucement le drap ce qui fit fuir le petit oiseau qui alla se poser sur la table où il se mit à picorer des poussières de céréales. Le petit garçon se leva, essaya de respirer une fois, deux fois, rien ne se passa, il était toujours vivant. Il éclata de joie, courut à la fenêtre et là à plein poumon respira l’air frais du matin. Il sentit comme une douce chaleur envahir ses poumons. Sa tête se mit à tourner, il se rendit compte qu’il allait perdre l’équilibre et revint s’assoir sur le lit. Le petit oiseau s’envola de la table et atterrit sur ses genoux où il posa le petit bâton, le crayon si tu veux !

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda le petit garçon. »
Le petit oiseau poussa le crayon vers la main du petit garçon.
« Qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ? » lui demanda le petit garçon.
Le petit oiseau impatient, trépida des pattes, regarda à droite, à gauche et s’envola vers le mur face au lit, à l’emplacement de l’écran, et se mit à picorer le mur.
« Quoi, le mur ? demanda le petit garçon. »
Le petit oiseau fit des allers-retours entre le mur et la main du petit garçon qui tenait le crayon.
« Oui, je sais le mur ! Le mur ? Ah non ! C’est pas le mur, c’est l’écran, oui, lui il va pouvoir me dire ce que c’est que ce truc ! Ecran, descend ! »
L’écran apparut.
« Tiens ! C’est maintenant que tu m’appelles ! Tu n’as pas dit que tu t’ennuyais aujourd’hui, c’est exceptionnel ! lui dit l’écran.
- Oui ! Tout à fait ! Tu peux pas savoir à quel point c’est exceptionnel ! Regarde la vitre !
- Holà ! Il faut vite fermer, c’est dangereux ! Il faut que j’agisse sur l’alarme !
- Non ! Surtout pas ! Regarde, je suis vivant ! Je peux respirer, c’est formidable, nous allons pouvoir sortir !
- Mais comment est-ce possible ?
- Ça je sais pas ! Mais dis-moi c’est quoi ce truc ? Le petit garçon lui montra le crayon.
- Tu peux le tourner, je ne vois pas très bien ?
- Ça va comme ça.
- Oui! Eh bien, ce que tu tiens dans ta main et je ne sais pas comment tu as pu te le procurer, c’est un crayon.
- Un quoi ?
- Un crayon ! »
Les six lettres apparurent à l’écran « C R A Y O N ».
« Un crayon et à quoi ça sert ? dit le petit garçon.
- A écrire, à dessiner, Monsieur. Qu’est-ce qu’il fait cet oiseau dans la chambre ?
- Ben, justement c’est lui qui me l’a apporté ! Je comprends pas, c’est quoi écrire, dessiner ? »
Sur l’écran défilèrent des images, les murs d’une grotte tapissés de peintures rupestres, des papyrus, des plumes traçant des textes anciens, une machine crachant des feuilles de papier couverts de caractères mystérieux, une autre machine avec une espèce de clavier et un écran et puis plus rien.
« C’est quoi tout ça ? dit le petit garçon. Et ça sert à quoi d’écrire ?
- Vaste question ! lui répondit l’écran. Je te propose de le découvrir par toi-même ! Vas- t’assoir ! Je m’occupe de tout. « Table papier ! » dit-il.
Au-dessus de la table, sortit par la trappe une pile de feuilles qui avança et s’arrêta entre les mains du petit garçon. Celui-ci leva le crayon et regarda l’écran l’air interrogateur.
« Oh, c’est vrai, il faut tailler le crayon. « Table, taille crayon ! » dit l’écran. »
Une petite boîte transparente sortit de la trappe.
« Enfonce le crayon dans le trou au-dessus de la boîte ! dit l’écran. »
Ce que fit le petit garçon, la petite boîte se mit à vibrer et fit un bruit bizarre.
« C’est rigolo ! Ça fait de la musique et ça bouge, dit le petit garçon.
Vite ! Enlève le crayon ! Tu vas complètement l’user !
C’est joli, c’est pointu, c’est avec ça que j’écris ?
Oui ! Vas-y !
Mais qu’est-ce que j’écris ?
Ce que tu veux !
Table, comment ça s’écrit ?
Regarde ! T A B L E ! Tu vois ? Allez, recopie. »
Le petit garçon posa la mine du crayon sur le papier et traça, d’une main tremblante, les cinq lettres T A B L E.

Des faisceaux lumineux jaillirent de chacune des lettres. Ils tourbillonnèrent devant le regard médusé du petit garçon et de l’écran par la même occasion, s’entremêlèrent et formèrent une boule de lumière multicolore. La boule monta jusqu’au plafond et revint s’écraser sur la table où elle disparut pour laisser la place à …

A quoi, Papi ?
A une table minuscule, identique à celle que le petit garçon avait devant lui. Il n’en croyait pas ses yeux.
C’est magique ! C’est ça écrire ? dit le petit garçon.
« Euh ! Pas tout à fait ! Je te jure que je n’ai rien à voir avec cela ! répondit l’écran.
Ah, bon ? »
Le petit oiseau, heureux comme un pinson, sautilla sur place, se rapprocha de la petite table lui mit un coup de bec. Celle-ci disparut aussitôt.
« Oh ! Pourquoi as-tu fait ça, vilain petit oiseau ? dit le petit garçon.

Pour que tu écrives autre chose ! lui dit l’écran.
Qu’est-ce que je pourrais écrire ?
A toi d’imaginer ! »
Ainsi le petit garçon passa toute la journée à coucher sur le papier des mots qui se matérialisaient et que le petit oiseau faisait disparaître aussitôt.

Il en oublia de manger et de faire tout ce que la maison avait prévu pour lui. Ce fut la panique dans l’appartement et même dans l’immeuble. La table, au lieu de donner le petit déjeuner remballa tout et embouteilla toute la chaîne de distribution.
La porte d’entrée, à huit heures pile, s’ouvrit mais ne voyant pas le petit garçon sortir se referma puis se rouvrit et fit ce mouvement de va et vient toute la journée. La porte de l’ascenseur en fit de même.
Plus bas dans les étages, la porte de la garderie resta ouverte appelant sans cesse le petit garçon. Les enfants de la garderie, voyant la porte ouverte en profitèrent pour sortir et se promener dans les couloirs.

Le petit garçon, lui, sur son lit, n’arrêtait pas de remplir des pages d’écriture. La chambre était pleine d’objets, d’animaux, plus étranges les uns que les autres, qui éclataient comme des bulles de savon à leur contact avec le bec du petit oiseau.
L’écran finit par se lasser, le soir tombait.
« Tu ne veux pas t’arrêter un peu ? Tu continueras demain. Dit-il au petit garçon.
Oh non ! C’est trop marrant ! C’est la première fois que je m’amuse autant ! lui répondit-il.
Oui ! Mais si tu continues à ce rythme, ça risque de s’arrêter très vite !
Et pourquoi ?
Regarde ton crayon, tu as déjà utilisé la moitié !
Oh, c’est vrai ! Et comment je ferai quand il y en aura plus ?
Ben, ce sera fini !
Non, non, c’est pas possible, je peux pas vivre sans écrire ! Comment je vais faire ? Ah ! Je sais, il suffit que j’écrive « crayon » pour qu’il apparaisse.
Oui mais le petit oiseau te le feradisparaître !
C’est vrai !
J’ai peut-être une idée, mais je ne sais pas si ça peut marcher, lui proposa l’écran. C’est peut-être dangereux.
Je m’en fiche ! Allez, dis-moi.
Et bien, il te suffit d’imaginer un endroit où tu penses que tu peux trouver des crayons et en même temps où tu aimerais aller. Tu l’écris sur un papier et peut-être tu y seras transporté.
Tu es sûr que ça peut marcher ?
Non, mais on peut essayer. Alors, à quoi penses-tu ?
Je ne sais pas moi ! Attends, laisse-moi réfléchir ! … L’autre jour, tu m’as montré un film. C’était en Afrique, il y avait des lions, des éléphants. Et puis j’ai vu un village avec des enfants qui dansaient. Il y avait une petite maison. Les enfants étaient assis et faisaient comme moi, ils écrivaient. C’est ça, ils écrivaient, je m’en souviens. Ils avaient donc des crayons, beaucoup de crayons. C’est là que je veux aller ! dit le petit garçon.
Tu es sûr ?
Sûr !!!
Bon, allons-y ! »
L’écran s’éteignit puis se ralluma, des lettres et des chiffres apparurent. Le petit garçon ne comprenait rien à ce qu’il faisait. L’écran était en train de fouiller dans sa mémoire. L’affaire semblait difficile. Le petit garçon commençait à douter. Puis le flot de lettres et de chiffres se mit à ralentir et s’arrêta.
« Bingo, j’ai trouvé. » dit l’écran.
Des mots apparurent, LION, ELEPHANT, ENFANTS, VILLAGE, AFRIQUE, MOI, PETIT OISEAU, ECRAN … tout ce que le petit garçon lui avait dit. Celui-ci recopia les mots sous le regard affolé du petit oiseau qui battait des ailes comme pour l’en empêcher.
Lorsque la dernière lettre fut écrite, celle-ci s’illumina emportant les autres dans le même tourbillon multicolore mais là, le petit garçon, le petit oiseau et l’écran furent emportés aussi.

« Mais qu’est-il arrivé au petit garçon, papi ?
Je te le dirai demain soir, ma chérie ! Maintenant, il est l’heure de dormir. Bonne nuit mon cœur ! »
0
0
0
36
MAYORGA
La vie peut être d'une banalité affligeante. C'est une évidence! Et souvent tellement chiante. Désolé!
Et pourtant, à y regarder de plus près, ...
3
2
0
74
MAYORGA
Smurf, en errance dans l'espace, depuis des milliers d'années lumières, suite à des problèmes mécaniques, finit son vol … dans le champ du père Durand.
D'abord, terrorisé par l'affreuse apparition, Smurf, essaie de communiquer avec le vieux paysan. Il apprend à le connaître lui et les êtres étranges qui l'entourent, un chien et un chat.
Mais s'invitent à la réunion d'autres créatures, un taureau, une girafe, deux lapins et un curaillon aveugle suivi par un diablotin diabolique (normal).

Je tiens à préciser que ce texte loufoque est le résultat d'une consigne, lors d'un atelier d'écriture. Il s'agissait d'utiliser littéralement des expressions (par exemple: poser un lapin).
1
0
0
8
MAYORGA
Une consigne lors d'un atelier, décrire une rixe avec comme personnages, une prostituée, un dealer, une bourgeoise, un maladroit, une bourgeoise chieuse et une SDFnet mon imagination s'est emballée. Cinq ans plus tard, j'édite mon roman "La proie à la bordelaise".
Ce récit retrace le cheminement bizarre de la construction de ce roman.
2
0
0
18
MAYORGA
William, un écrivain en mal d’inspiration, se voit enfermé dans un cabinet de psychiatrie avec un professeur qui l’a humilié durant toue sa scolarité. Il décide de se venger en se faisant passer pour le psy. Il lui prescrit des séances de thérapie originales. La première : un baptême de l’air « acrobatique ». Or, le professeur prend le contrôle de l’avion, s’échappe tout en lui transmettant les vidéos de son voyage. Une folle épopée mène le vieux professeur de la ville de Bristol, au sable brûlant du désert algérien, vers une ile, au large d’Oran. Puis l’avion disparaît. William apprend, avec stupeur, que le professeur est mort depuis peu et que l’avion n’a pas quitté Bristol.
Qui est l’homme qui a usurpé l’identité du professeur ? Comment l’avion a-t-il pu faire ce voyage extraordinaire sans quitter sa base ?
0
0
0
132
MAYORGA

8h30- GMT- Italie – Venise - Campo San Angelo.
Michelangelo de la Pasta, croquemort de son état finit de s’habiller. Chemise noire, cravate noire, veste noire, pantalon noir, chaussures noires et chaussettes de la même couleur avec un petit cœur rouge juste là sous le liseré. Il fait bien attention de rabattre son pantalon pour ne pas montrer cette excentricité aux clients. Ce qui pourrait les distraire de leur deuil et il n’y tient pas.
Michelangelo doit être invisible. Un enterrement c’est un mort et des gens qui le pleurent et personnes d’autres. Il ne lui viendrait pas à l’esprit même si quelques fois il en meurt d’envie, de débouler au milieu de la cérémonie avec sa guitare et chanter comme Caruso.
Michelangelo a une voix extraordinaire qui enchante ceux qui ont le privilège de l’entendre quand le soir, juste après le repas, il ouvre grand ses fenêtres et se met à chanter. Il n’est pas rare de voir sur la place, des touristes lever la tête, s’assoir et rester à l’écouter. Certains laissent, en partant quelques pièces dans le béret que Michelangelo a demandé à Paolino, son neveu, de poser à l’entrée de l’immeuble. Quand le récital est terminé, celui-ci s’empresse de le lui remonter sans avoir au préalable perçu son salaire.
Michelangelo, aujourd’hui est soucieux. Il a rendez-vous avec l’agent de la compagnie d’Électricité qui doit venir poser un nouveau compteur. Un nouveau compteur, quelle idée ! Michele Angelo, n’en n’a pas besoin, il a déjà un et il est très bien.
On sonne à la porte. Ça doit être l’agent de la compagnie d’Électricité. Bonjour, Monsieur !
— Bonjour, Mo… Madame.
L’agent est une femme. Michelangelo est surpris, doublement surpris car il connait cette femme. Il la connaît très bien, c’est Catalina, son amour d’enfance. La petite blonde avec des boucles et un petit nez coquin qui le snobait en permanence déjà à la maternelle. Combien de fois a-t-il tenté de lui dire ses sentiments et combien de fois est-il resté assis au beau milieu de la cour ?
Catalina est devenu une très belle femme. Sa tenue d’agent de la compagnie générale d’Électricité qui lui serre au corps la rend superbement sexy. Beaucoup plus que dans ses derniers souvenirs.
C’était au lycée. Là il n’était même pas question qu’il s’en approche. Elle avait toujours autour d’elle une nuée d’admirateurs. Pourtant, il ne se souvient pas l’avoir vu fricoter avec l’un d’eux. Elle était très mystérieuse en ce temps-là.
— Bonjour madame, vous êtes…
— Catalina Florenzi. Je viens pour remplacer votre compteur.
— Oui et pourquoi donc ? Et, combien ça va me couter ? Rien j’espère, parce que je vous avertis, je n’ai pas l’intention de payer la moindre lire.
— Non monsieur, c’est gratuit !
— Très bien mais pourquoi vous me le remplacer ? Celui que j’ai, il n’est pas vieux, il a à peine dix ans.
— Parce que les nouveaux sont électroniques. Ils sont plus pratiques. La compagnie d’Électricité n’aura plus besoin d’envoyer un agent pour faire le relevé de votre consommation. Vous ne serez plus embêté, ça se fera automatiquement.
— Ah bon ! Et c’est tout ?
— C’est tout !
Catalina commence à déposer le compteur existant.
— Mais vous êtes sûre que ça ne va rien me coûter ?
— Oui, même si…
— Même si quoi ?
— La compagnie peut…
— Elle peut quoi, la compagnie ? Non, ce truc ça sent l’embrouille ! J’ai déjà un compteur, il est à moi. Je ne vois pas ce qui peut m’obliger à le remplacer. Je paie déjà assez cher. Il n’est pas question que je dépense une lire de plus. Je vous dis !
— Mais monsieur, j’ai déjà démonté votre compteur !
— Je m’en fiche ! Vous le remontez, c’est tout ! Allez, zou !
— Fais chier ce con de Michelangelo ! grommelle-t-elle entre ses dents.
— Pardon, vous avez dit ?
— Rien, monsieur ! Je pensais tout haut !
— Et c’est possible de savoir à quoi vous pensiez ?
— Simplement que c’est bizarre comme le temps peut passer et que les choses ne changent pas.
— Les choses, vous êtes sûres ?
— Non, vous avez raison, pas les choses, c’est vrai. Mais les gens par contre …
— Et vous pensez à qui en parlant des gens ?
— À vous par exemple !
— À moi ?
— Oui, à vous ou je devrais dire à toi, Michelangelo, le petit garçon orgueilleux qui ne disait jamais bonjour, qui tournait le regard dès qu’on voulait lui parler…
— Pardon ?
— Oui, tout à fait !
— Je ne sais pas de quel passé vous … tu veux parler Catalina mais dans le mien, je vois plutôt une petite fille, qui fait la belle, qui passe devant les gens le nez en l’air sans même leur jeter un regard. Je parle de la petite fille mais je pourrais aussi de parler de l’adolescente, une vraie pimbêche qui semblait s’amuser de voir les garçons tourner autour d’elle.
— N’importe quoi !
— Oué, c’est ça ! En attendant, t’as un compteur à rebrancher.
— Bien sûr !
Catalina retourne à son chantier et s’affaire à remettre l’installation électrique dans son état initial. Michelangelo part puis revient avec une chaise. Il s’assoit à quelques pas d’elle et suit son travail d’un œil critique. Elle est nerveuse, elle n’aime pas être surveillée.
— Excuse, ça te dérangerait pas de me laisser travailler tranquillement. Je suis désolée mais je ne suis pas à l’aise quand on me regarde.
— Tiens donc ! Ce n’était pas l’impression que j’avais quand tu te pavanais dans la cour du lycée.
— Mais qu’est-ce que tu vas chercher ! Je ne me suis jamais pavaner où que ce soit. Je ne sais pas mais tu dois avoir un problème avec les filles. Je donnerais ma main à couper que tu n’as pas de petite amie. Je me trompe ?
— Ben, heu…
— Évidemment ! Et que tu n’en as jamais eu … C’est ça !
— Quand même ! Bien sûr que j’en ai eu, même si …
— Même si quoi ?
— Non rien ! Et toi, par contre, tu dois en avoir des tonnes, j’imagine !
— Pas du tout !
— Tu rigoles, gaulée comme t’es ! Ho, pardon, je ne voulais pas …
— Non, gaulée, ça me va. Même si c’est pas trop romantique, je prends. Ça fait toujours plaisir.
— Donc, tu n’as personne dans ta vie ?
— Personne !
— Et tu n’as jamais eu personne ?
— Faut pas exagérer ! Bien sûr que j’ai eu des mecs, quoique …
— Quoique quoi ?
— Non, rien !
Étrange cette conversation, très étrange. Michelangelo semble vouloir dire quelque chose à Catalina qui semble vouloir lui dire la même chose, mais quoi ?
— Allez, s’il te plaît, laisse-moi finir ! Sors de la pièce, tu seras gentil.
— Si tu le dis si gentiment !
Michelangelo quitte la pièce et va s’assoir dans la cuisine. Le travail terminé, Catalina range ses outils, viens le rejoindre et lui tend une feuille de papier.
— Si tu veux bien signer. C’est une décharge de responsabilité. C’est uniquement pour que tu confirmes bien que tu as refusé la pose du nouveau compteur.
— Ça aura des conséquences ?
— Non, mais tu sais, dans trois ans tu n’y couperas et là tu devras casquer.
— Qu’est-ce que tu me dis ? Je devrai payer ?
— Que ce soit maintenant ou que ce soit dans trois ans, tu paieras. Tu gagnes trois ans, c’est tout !
— C’est déjà ça !
— Bon, je te laisse. J’ai été très contente de te revoir. Ça m’a fait remonter des souvenirs de moments très agréables. Enfin...
— Pareil ! Ce serait bien que l’on se revoit ! Non ? J’aime bien quand on s’engueule !
— Dans trois ans quand je viendrai t’installer le compteur.
— Tu es dure avec moi !
— Je plaisante ! Je n’habite pas loin, rue dei Orbi.
— C’est vrai, c’est juste à côté ! Eh bien, on ne manquera pas de se croiser !
— A bientôt, donc !
Michelangelo lui tend la main mais Catalina la refuse, lui se braque et elle lui présente sa joue.
— Quand même ! On est de vieux potes, non ? dit-elle.
Le contact des lèvres de Michelangelo sur sa peau produit une sensation qu’elle n’a pas ressentie depuis bien longtemps, qu’elle n’a jamais ressentie d’ailleurs. Pourtant des baisers elle en a reçus, des baisers maladroits, languissants, torrides mêmes, laborieux parfois, écœurants souvent. Mais là, c’est un simple contact sur sa joue. Un simple contact, pas une langue qui envahit la bouche, enveloppe la sienne comme un boa constrictor. Non, un simple contact, une caresse, une brindille de soleil qui se pose sur elle et lui réchauffe l’âme. Une caresse qui, le temps d’un souffle, la transporte au paradis.
Catalina ferme les yeux et ne se rend pas compte que les lèvres de Michelangelo l’ont quitté. Quand elle les ouvre à nouveau, son regard reste en suspens quelques secondes accroché à celui de Michelangelo. Puis elle baisse la tête, ébauche un sourire gêné tourne les talons et sort.
Ou ce gars est un sacré séducteur et il est très fort ou il y a quelque chose, c’est pas possible ! Puis elle se ravise. Bah, ça doit être le courant électrique, les ondes, oui c’est ça, les ondes. Allez, c’est qui le prochain client ? songe-t-elle.
Elle descend lourdement les cinq étages avec à chaque marche l’envie de plus en plus prégnante de revenir sur ses pas, de se jeter sur cette homme et le couvrir de baisers et bien plus si affinité.
Les ondes, tu parles d’ondes, elles ont beau jeu les ondes, on les rend responsables de tous les maux de la terre. T’as la diarrhée, c’est les ondes, t’es constipé c’est les ondes, t’es de mauvais humeur c’est les ondes. Rien à faire des ondes !
Catalina comprend tout à coup qu’elle est en train de tomber folle amoureuse de cet homme et qu’elle l’a toujours été. Mais elle ne peut pas revenir, c’est impossible, elle a sa dignité. Elle parcourt le long couloir obscur qui mène à la rue, tourne la poignée et au moment de sortir entend une détonation descendre des étages.
« Michelangelo, le compteur ! » hurle-t-elle.
Elle remonte, escalade les marches quatre à quatre, ouvre la porte. Une fumée âcre la prend à la gorge. Elle traverse la cuisine et voit sortir du cellier des flammes provenant du tableau électrique. Des étincelles jaillissent de toutes parts, les fils comme des serpents affamés se tortillent et semblent vouloir se jeter sur elles.
Michelangelo est couché au sol, inanimé, les vêtements brûlés. Les flammes tout d’abord limitées au tableau lèchent maintenant son corps. Catalina se couche au sol, rampe jusqu’à lui, le prend par la manche de sa veste et le tire hors du cellier.
Elle avise près de la porte un extincteur accroché au mur. Elle s’en empare et étouffe le feu avant que celui-ci ne se propage.
La pièce est toujours plongée dans un nuage opaque et acide de fumée. Catalina commence à manquer d’air, elle se sent défaillir. Elle se laisse choir, cherchant au sol un peu d’air. La fumée y est moins dense. Elle rassemble ses forces et tire Michelangelo hors de la pièce.
Sitôt sur le palier, elle prend son portable pour appeler les secours mais se ravise et préfère contrôler si Michelangelo respire. Elle approche sa joue de sa bouche, regarde si sa cage thoracique se soulève. Rien, aucun mouvement. Et le cœur est-ce qu’il bat ? Non plus.
Elle n’a pas le temps, les secours ne seront pas arrivés qu’il sera mort. Elle plaque sa bouche contre celle de Michelangelo et souffle fort. Trois fois puis pose ses deux mains croisés sur sa cage thoracique, juste au-dessus du cœur et appuie fortement, dix fois, vingt fois, elle ne se souvient plus.
Qu’importe, elle s’active de plus en plus, souffle de plus en plus fort, n’appuie plus sur la cage thoracique mais de rage frappe violemment du poing.
— Tu vas te réveiller, putain de bordel de merde ! s’écrie-t-elle, surprise de dire autant de gros mots en si peu de temps. Réveille-toi, Michelangelo et je te promets la plus belle nuit d’amour de ta vie.
Le corps de Michelangelo, tressaille, se soulève puis retombe. Sa bouche s’ouvre comme pour chercher de l’air. Il tousse, ses yeux s’ouvrent et se referment fatigués. Michelangelo respire, son cœur bat. Elle le redresse et le prend dans ses bras. Ils rouvrent les yeux, leur regard se fondent l’un dans l’autre, Catalina penche sur lui sa tête, leurs lèvres s’appellent, se rejoignent.
Le reste, je ne le dirai pas. Cela fait partie de leur intimité. Ce que je peux vous dire, par contre, c’est que l’appartement, un peu plus tard dans la journée, dévasté par les pompiers se trouvera n’être plus qu’un champ de ruine.
Michelangelo, à la rue, n’aura d’autre recours que de passer la nuit chez Catalina qui n’aura même pas besoin de lui proposer puisqu’elle continuera à le prendre par le revers de sa veste et l’y trainera.
Michelangelo récupèrera très vite.
Il passera effectivement la plus belle nuit de sa vie.
3
1
0
9
MAYORGA

(Extrait du roman "La proie à la bordelaise)

Jeanne pénétra plus avant dans l’église et prit place près d’un pilier, un peu à l’écart du public. Cela faisait longtemps qu’elle n’y avait pas mis les pieds. Elle trouva les lieux changés, pire que ça, défigurés. En effet, l’église était vide. Tout, pratiquement, avait disparu : disparus les tableaux de maître ; disparues les statues ; même le christ qui trônait au beau milieu du chœur avait laissé la place à une simple croix. L’église n’était pas seulement vide de ses objets mais également de ses paroissiens.
Il n’y avait pas grand monde, hormis les indécrottables bigotes qui s’étaient empressées de s’installer au premier rang et qui déjà avaient les yeux rivés sur l’abbé.
Quelques rangs en arrière, cinq hommes en grande conversation attirèrent l’attention de Jeanne. Il y avait là une vieille connaissance, le docteur Napellus.
Bizarre, je n’aurais jamais cru que le docteur soit croyant et dévot à ce point, se dit-elle.
De l’autre côté de la travée, cinq individus, serrés les uns contre les autres, ne semblaient pas heureux de se trouver là. Au vu de leur tenue et de leur origine, des africains apparemment, ils avaient l’air d’être des usagers de la Tambouille, un bâtiment accolé à l’église qui faisait office de soupe populaire. Deux mastodontes aux mâchoires d’acier les encadraient.
L’église est pratiquement vide, ils doivent être là pour faire le nombre, songea-t-elle.
Elle remarqua qu’à plusieurs reprises, les hommes autour du docteur Napellus s’étaient retournés et les avaient regardés. Deux rangées à peine devant elle, Jeanne reconnut les trois hommes qui avaient agressé Jo, du moins le pensait-elle, puisqu’ils étaient vêtus à l’identique.
Derrière l’abbé Louis, quatre enfants de chœur, le crâne rasé, vêtus d’une robe rouge couverte d’une aube blanche, attendaient patiemment ses ordres.
L’orgue entonna ses premières notes.
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. L’abbé Louis commença ainsi son prêche.
— Amen, répondirent les bigotes. »
Le groupe du docteur Napellus poursuivait son conciliabule, sans même porter attention aux premières paroles du prêtre.
« Amen !!! » tonitrua L’abbé.
Un silence glacial se fit et laissa résonner un « Amen » coupable des cinq hommes.
« Nous sommes les enfants de Dieu, reprit l’abbé, sur le même ton, mais rien ne nous empêche de grandir un peu et je constate que ce n’est pas le cas de certains. N’est-ce pas, messieurs ? »
Les cinq hommes honteux comme des gamins pris en flagrant délit de bavardage, baissèrent la tête.
« Mais cessons-là et préparons-nous à l’eucharistie. Donnons grâce au Tout-Puissant et reconnaissons que nous avons péché.
— Je confesse à Dieu tout-puissant… marmonnèrent les bigotes, demandant à la Vierge Marie, aux anges et à tous les saints de prier pour elles. »
Ces grenouilles de bénitier doivent avoir un tombereau de péchés pour solliciter tant de gens.
Napellus et ses amis, eux, ne dirent mot alors que les pauvres malheureux bougeaient leurs lèvres sans qu’aucun son ne sorte de leur bouche. Quant aux trois sbires, ils connaissaient bien leur texte, ils étaient au diapason avec les punaises de sacristie.
Un des enfants de chœur prit une bible sur la table et la donna à l’abbé. Celui-ci l’ouvrit, tourna quelques pages, s’arrêta, leva la tête et fixa du regard un point au fond de l’église, là où l’abbé Jacques se trouvait. Il referma le livre, baissa le regard puis d’un coup sec, le jeta sur la table.
Le choc produisit un bruit qui résonna dans l’église comme un coup de tonnerre.
« Eh bien, non ! Aujourd’hui, vous n’aurez droit ni à une épître de Jean, ni à une parabole, ni à un quelconque texte liturgique. Aujourd’hui, vous n’aurez que mes mots, des mots que je garde depuis trop longtemps en moi. Aujourd’hui, je vais vous les donner.
— Béni soit le Seigneur, Père parmi les pères et bénie soit la Vierge Marie… poursuivirent en chœur les bigotes.
— Vous allez vous taire, que diable ! Le diable, justement, c’est lui qui nous met à l’épreuve, qui s’insinue dans la moindre de nos pensées, qui perfide, se pare de vertus pour tromper les plus candides. Nous devons chasser le diable. Chassons le Diable ! »
L’abbé se tut, baissa la tête à nouveau, attendit quelques secondes et reprit : « Eh bien mesdames, vous dormez ? »
Les pauvres bigotes se regardèrent interloquées et murmurèrent « Béni soit le Seigneur, Père parmi…
— Merci, plus fort ce serait mieux. Ah, le Diable qui nous caresse l’âme et nous porte vers le péché, le péché de mensonge, le péché d’orgueil.
— Béni soit le Seigneur, Père parmi…
— Qui nous pousse vers le pire de tous, le péché de chair, celui qui fait de l’Homme un simple animal asservi par ses sens. Et plus encore, je voudrais ce matin parler de ces hommes ou de ces femmes qui vendent leur corps pour que d’autres assouvissent le péché de chair. Je veux parler des prostituées. Nous devons les chasser de notre vie. Chassons les prostituées !
— Béni soit le Seigneur, Père parmi…
— Nous ne devons plus être des bergers prévenants à l’égard de nos brebis, mais des soldats, des soldats de Dieu, capables de débusquer le Diable et de l’anéantir. Chassons les prostituées !
— Béni soit le Seigneur, Père parmi… »
L’abbé poursuivit son prêche et fut de plus en plus virulent. Jeanne vit que l’auditoire avait du mal à le suivre sur ce terrain. Hormis les bigotes au premier rang, toutes les personnes présentes semblaient scandalisées par les propos du prêtre. Elles n’étaient pas au bout de leurs surprises.
« Mais notre combat serait vain si nous nous satisfaisions d’éradiquer ces âmes impures. Il est un combat bien plus important que nous devons mener. Nous devons traquer tous ceux qui, se cachant sous l’apparence de la vertu, en profitent pour instiller dans la tête de nos enfants les pensées les plus malsaines. Je veux parler de ces prêtres – et il en est qui officient dans notre paroisse – qui, au lieu de se consacrer à la catéchèse, préfèrent les divertir, les détourner de la parole de Dieu, dit-il en fixant des yeux l’abbé Jacques.
— Béni soit le Seigneur, Père parmi… »
Plusieurs personnes se levèrent, scandalisées et s’en allèrent. L’abbé ne broncha pas. Il poursuivit en criant « Chassons les impies ! », mais son invective ne trouva pas d’écho autre que celui des « mères la morale ». Quand il eut terminé, chacun se leva et sortit de l’église dans un silence glacial.
Cette matinée a été vraiment riche d’enseignements. Il n’est pas besoin de Tya pour voir que l’abbé Louis a perdu la raison et que c’est lui qui est à l’origine de l’agression sur Jo. Maintenant, il va falloir le prouver, se dit Jeanne sur le chemin du retour.
0
0
0
5
MAYORGA
Une escapade

Mon nom est Marguerite de la Pointe. Je suis, enfin j’étais la doyenne d’une horde, le mot n’est pas exagéré, qui n’attendait qu’une chose : que je quitte le plus vite possible ce pauvre et triste monde et qu’elle hérite de mon immense fortune.
Au sommet de la chaîne alimentaire régnait et règne encore Martin, un de mes fils. Pour imaginer ce que je nomme la horde, il faut savoir que mon fils Martin et ses frères se sont reproduits abondamment et que leurs progénitures en ont fait autant. Une horde, donc.
Une horde pour laquelle je n’étais d’aucune utilité, hormis celle de signer leur foutus papiers. En effet, détentrice de la majorité des actions de l’entreprise familiale rien ne pouvait se décider sans mon accord. Malgré mes 92 ans, j’avais la tête sur les épaules et je menais tout ce beau monde à la baguette. Jusqu’à ce que le susnommé Martin, commence à émettre des doutes sur ma santé mentale.
Un accident à un rond point, tout bête, un froissement de tôles, lui suffit pour déclencher une réunion familiale et décider de me confisquer mon permis de conduire et vendre ma Mercedes. Alfred, un de mes petits-enfants, en rajouta une couche en proposant de m’implanter une puce GPS pour me tracer. Une puce, le salaud. Comme si j’étais un chien.
Là, c’en était trop. Je décidais de mettre les voiles, le plus vite et le plus loin possible. Il me fallait donc trouver un véhicule et surtout un chauffeur.
Le chauffeur s’imposa de lui-même : Julien, un autre de mes petits-fils. Ha ! Julien ! C’est le mouton noir. Mon préféré. Un artiste. La honte de la famille. Le seul à avoir refusé de suivre le sillon tracé par mon funeste et défunt mari, Ernest, Ludovic, Léopold de la Pointe, vingtième et unième du nom. Un chevalier d’industrie. Pour dire !
Julien barbota la voiture de sa mère et nous traçâmes la route jusqu’à l’océan. Arrivés au bord de la plage, mon petit fils adoré eut comme une angoisse.
— Mamie, tu vas pas te néguer, quand même ? me dit-il, la mine défaite.
Le pauvre, comme si j’allais mettre fin à mes jours. Il devrait savoir qu’à mon âge, on a qu’une seule envie : vivre, tout simplement ; savourer chaque minute comme une bonne glace à la vanille. Pas en la croquant à pleine dent — vu que de dents, on n’en n’a plus bésef — non, en la léchant doucement, voluptueusement, impudiquement même.
Mais, quand je me dévêtis, enfilai mon maillot de bain, étendis ma serviette de plage et chaussai mes lunettes de soleil, il comprit que je n’avais pas de pensées suicidaires.
Je m’étendis sur le sable. Julien planta le parasol, s’assit près de moi, retira la crème solaire de mon sac à main et me badigeonna le dos. J’étais aux anges.
Quand j’estimai sa besogne terminée, je le congédiai.
— Mamie, je peux pas te laisser ! s’insurgea-t-il.
— Casse-toi, petit. Je veux rester seule. Je t’appellerai quand j’aurai besoin que tu viennes me chercher.
— Comment tu vas faire ? Tu n’as pas de téléphone.
— Donne-moi le tien. J’appellerai sur le fixe à la maison.
— Mais Mamie !
— Casses-toi !
Le pauvre s’en alla, penaud, sans même broncher. Sur le moment, je me sentis coupable de lui avoir parlé ainsi. Un peu seulement, car je comptais bien jouir de ce petit moment de liberté arraché à mes geôliers.
L’océan était calme et comme un fauve qui dort, il ronronnait au diapason de la houle. Le rouleau incessant des vagues m’hypnotisa. Le vent frais caressant mon visage fit le reste. Je plongeai dans un sommeil profond.
Voilà, c’est tout !
Je vous ai raconté une petite escapade à la plage. Rien de bien folichon. Je savais très bien que ma bru, cette rombière, la mère de Julien, sitôt rentrée à la maison, se serait rendu compte de ma disparition et auraient vite fait de tirer les vers du nez de son candide moufflet. Mon escapade aurait immédiatement tourné court.
Et bien, ça ne s’est pas passé et c’est là que l’histoire commence.
Je dormais tranquille et apaisée. J’aurais pu me noyer dans le miroir de Morphée, effleurer du doigt un pétale de pavot, garder les yeux fermés et ne plus me réveiller. Une bien belle mort. Sur le sable, à l’ombre d’un parasol.
Mais la vie en décida autrement. Une piqure au cou, juste au-dessous de l’oreille me sortit de mon sommeil. Une piqure à peine plus douloureuse que celle d’un moustique. J’ouvris les yeux, une ombre se pencha sur moi et puis plus rien.
Le trou noir.
Un drôle de cadeau

À quelques dizaines de kilomètres de là, dans le laboratoire de biologie d’un centre universitaire,…
Il était tard. Depuis bien longtemps maintenant, les lumières des autres labos de l’étage étaient éteintes. Pablo, un étudiant, blouse blanche et cerveau en ébullition, faisait les cent pas.
Sur une paillasse, étaient éparpillés toutes sortes d’appareils de laboratoire : agitateurs magnétiques, spectromètre de masse, chauffe ballons. Ainsi que des bocaux dans lesquels baignaient des masses spongieuses — des cerveaux de souris, de chats, de chimpanzés. Chaque bocal était raccordé par des tubes à un réservoir en verre rempli d’un mélange physiologique. Un faisceau de fils électriques connectés à chacun des cerveaux acheminait les informations vers un ordinateur.
Il suffisait à Pablo d’appuyer sur le bouton « ON » du banc d’essai et il verrait couronner ses trois ans de travail ou …
Non, il n’osait l’imaginer. Il fallait qu’il réfléchisse encore quelques minutes. Il fallait qu’il se pose.
Il sortit du laboratoire et longea tranquillement la coursive centrale pour rejoindre le distributeur de boissons. Il était sept heures du soir et il ne restait pratiquement plus que lui dans le bâtiment, à part peut-être, Eugène, le gars du laboratoire « découpe ».
Depuis le matin, Pablo devait en être à son vingtième café. Une chance s’il restait encore des gobelets. Il s’assit et dégusta ce qui était sans nul doute son dernier breuvage de la journée. Il retourna ensuite à ses bocaux, sûr de lui, cette fois.
Il contrôla une dernière fois le raccordement des électrodes, le fonctionnement continu de la pompe et d’un index tremblant enclencha le disjoncteur général du banc d’essai. L’ordinateur s’alluma immédiatement. Ses doigts tels ceux d’un pianiste coururent sur le clavier.
La masse spongieuse s’ébranla. Sur l’écran, une image se dessina. Trouble, grise. Elle vibra puis se stabilisa. C’était l’image d’une souris. Le petit animal tourna sur lui-même comme s’il cherchait quelque chose. Quand il fit face à Pablo, il le fixa d’un regard haineux et comme un fauve se jeta sur lui. Puis l’image disparut. Dans le bocal, la masse spongieuse avait cessé de vibrer.
Pablo était abasourdi. Non seulement, il avait réussi à transmettre une information mais cette information avait été traitée par le cerveau et celui-ci avait réagit. C’était incroyable.
On frappa à la porte. Pablo submergé par l’émotion ne répondit pas. On frappa encore plus fort. La porte s’entrouvrit timidement.
— Y’a quelqu’un ? balbutia une voix grave.
Pablo ne répondit toujours pas.
— Pablo ? Tu es là ?
— Oui, oui ! Excuse-moi ! Entre, répondit celui-ci.
— Je te dérange ? T’es peut-être pas seul ?
— Non, non, je suis occupé. Mais toi qu’est-ce que tu fais à cette heure ?
— Je finissais une découpe. Je pouvais pas laisser des morceaux en pagaille, c’est pas correct.
Avant d’aller plus loin, il faut que je vous explique le travail de … Eugène, celui qui comme Pablo reste tard le soir.
Le travail d’Eugène est particulier, il coupe, … des corps. Oui, je sais ce n’est pas très ragoutant, mais il faut bien que quelqu’un le fasse et ce quelqu’un c’est Eugène.
« Donner son corps à la science », vous connaissez l’expression. Eh bien, ce n’est pas qu’une expression, c’est une réalité. La science a besoin de corps, comme l’hôpital d’ailleurs et chaque fois qu’une personne décède et qu’elle a émis le souhait de, justement léguer son corps à la science, elle finit son périple mortuaire au troisième sous-sol du bâtiment E3 de la zone nord de l’université.
Dans son « laboratoire », Eugène est un véritable boucher. Une grande partie de la journée, il coupe, tranche, arrache, éviscère à tour de bras et soigneusement range les résultats de son travail dans des caisses réfrigérées. Ensuite, les services de l’université le contactent et lui demandent de les leur livrer.
— J’ai un cadeau pour vous, dit-il avec une certaine appréhension.
— Merci, mais je suis sur un truc énorme et je crois que je vais y passer la nuit.
— Mon cadeau ne vous intéresse pas ?
— Pas le temps vous dis-je !
— Regardez au moins et vous me direz après.
Eugène posa le carton sur la paillasse et commença à l’ouvrir précautionneusement. Il souleva un tulle de soie écarlate qui couvrait le cadeau.
— Quelle horreur ! Et vous dîtes que c’est un cadeau ? Une tête humaine ! J’avais des doutes vous concernant mais là vous êtes vraiment glauque.
— Attendez !
— Non, non ! C’est vraiment pas possible. Enlevez-moi ce truc de ma vue !
— Ecoutez-moi ! Regardez !
Eugène découpa les quatre côtés du carton révélant ainsi le visage. Il posa la main sur les cheveux, les caressa ; les yeux s’ouvrirent et la bouche esquissa un rictus. Saisi d’effroi, Pablo eut un mouvement de recul.
— C’est quoi, ça ? Un de vos gags morbides ?
— Non, je vous jure. J’ai reçu un corps ce matin. Je l’ai découpé et voilà.
— C’est horrible !
— Quand j’ai séparé la tête du corps, elle a ouvert les yeux et m’a jeté un regard, je vous dis pas. Ça m’a foutu les jetons. Et depuis, dès que je lui caresse les cheveux elle me sourit. Enfin si on peut appeler ça un sourire. Il fallait que je vous la montre.
Pablo s’assit, effondré. C’était une chose de disséquer des souris, des chats. Les chimpanzés, c’était limite, mais une tête humaine. Quelle horreur ! Et si ?
Une idée diabolique traversa son esprit. Il posa un regard effrayant sur sa table d’expérimentation.
— Peut-être que ? marmonna-t-il entre ses dents, les yeux écarquillés d’exaltation.
— A quoi pensez-vous ?
— Peut-être que ça pourrait marcher !
Pablo songeait à l’image issue du cerveau qui s’était matérialisée sur l’écran d’ordinateur. Mais là, c’était tout autre chose. Pourrait-il maintenir cette tête en vie ? L’expérience qu’il avait menée avec des cerveaux d’animaux pourrait-elle réussir avec celui d’un être humain ?
Y’ a quelqu’un ?

Une heure plus tôt…
J’entends le bruit d’un moteur de voiture, des coups de klaxon. On roule. Je suis enfermée dans une caisse. C’est quoi ça ?
La voiture s’arrête. Le chauffeur descend. Il claque la porte et s’éloigne. Je n’entends plus les bruits de pas. Je crie mais aucun son ne sort de ma bouche.
Les bruits des pas se rapprochent. Le chauffeur est de retour. Une grille de portail grince. La voiture avance et s’immobilise. À nouveau le bruit de la portière avant. Le coffre s’ouvre. Le chauffeur n’est pas tout seul.
— Va falloir porter le cercueil jusqu’à votre atelier ?
— Non, merci, vous pouvez le laisser là. J’ai un transpalette, dit une voix rauque qui m’est absolument inconnue.
— Désolé, je dois récupérer le cercueil, répond brusquement l’autre voix que je ne connais que trop bien.
— Vous pourrez le récupérer demain. J’ai du travail …
— Non, il faut absolument que je le prenne maintenant.
— D’accord, d’accord ! Attendez-moi ici, j’en ai pour un petit moment.
Plus tard, dans le laboratoire de Pablo, …
Sous le regard ahuri d’Eugène, Pablo s’activait fébrilement à coiffer de sondes et de tubes la tête de cette pauvre Marguerite. Il savait qu’il n’avait devant lui que quelques minutes pour maintenir ce morceau de corps miraculeusement en vie. Ensuite, il en serait fini de l’extraordinaire opportunité qu’il avait la chance inouïe de vivre.
Après avoir mis sous tension le banc d’essai, Pablo pianota les touches du clavier.
— Voilà, c’est fait ! Il n’y a plus qu’à attendre.
— Si vous plaît, vous pourriez m’enlever ces bigoudis. Ça pique ! s’exclama Marguerite dans la stupeur générale.
— Madame, … comment ? Vous pouvez parler ? balbutia Pablo.
— Apparemment ! Vous pourriez me sortir de ma caisse et me dire où je suis.
— Vous n’êtes pas dans une caisse Madame mais dans une boîte.
— Une boîte, comment ça une boîte ?
— Excusez-moi, puis-je ? fit Eugène en enlaçant délicatement le visage de Marguerite et en l’extrayant avec mille précautions de son carton.
— Madame, j’ai l’immense regret de vous dire que vous n’êtes plus qu’une …
— Une tête ! Je vois ! Quelle horreur !
Pauvre Marguerite … Quoi que !

Voilà, vous savez tout. Enfin presque. Vous allez voir. La fin de l’histoire est plutôt croustillante.
J’étais apparemment condamnée à finir mes jours dans un des bocaux du labo. Mais les jours passant, Pablo, je ne sais pourquoi, s’enticha de moi. Je sus plus tard que mes yeux vert lagon, quoique bien délavés, l’avaient envouté dès le premier regard.
Frustré de n’avoir qu’une tête à aimer, il s’enquit auprès d’Eugène d’un corps plus jeune — une bien belle femme, d’ailleurs — que je remis en route sans aucun problème.
Ils débauchèrent ensuite un chirurgien un peu fêlé qui trouva le rafistolage passionnant. Un autre chirurgien, celui-là esthétique, dut reprendre mon visage peu raccord avec le reste de mon anatomie. L’image que reflétait mon miroir était celle maintenant de ma prime jeunesse.
Je croyais mes ennuis derrière moi et pensais filer le parfait amour avec mon rat de laboratoire quand une vieille connaissance refit surface dans ma vie : le célèbre commissaire Mathieu Tartelin.
Ce policier brillant, à la retraite maintenant, avait eu à son actif des milliers d’enquêtes résolues. Sauf une, celle des crimes de « la bouchère de Montmartre ». Crimes commis par votre humble serviteuse, dans les toutes premières années de sa vie.
Passée la stupeur et l’incompréhension face à l’improbable, — il m’avait pris au début pour une descendante de moi-même — il se convainquit que j’étais Moi. Des tests génétiques le lui confirmèrent.
Je fus donc appréhendée. À mon procès, Pablo témoigna et révéla l’incroyable expérience. Et cet ainsi que je fus acquittée. Pour la première fois de l’histoire, la justice se trouva dans l’impossibilité de condamner un corps pour des actes qu’une tête avait imaginés mais qu’il n’avait pas commis.
Cet intermède désagréable dans ma nouvelle vie me rappela que j’avais moi-même été victime d’un assassin.
Le fin mot de l’histoire

Après ma mort, le notaire, en lisant le testament, révéla que pratiquement toute ma fortune allait à mon adorable petit-fils Julien. Martin, toujours le même, soupçonna celui-ci d’un mauvais coup. Il mena une enquête et découvrit que le père de Julien n’était pas mon fils.
C’est la triste vérité. Je dois avouer que durant une période de ma vie, j’étais incapable d’avoir un enfant. Selon d’éminents spécialistes, j’étais stérile. Nous décidâmes alors, mon mari et moi d’adopter Gustave, le père de Julien.
Julien sut très vite la vérité sur la naissance de son père. Quand celui-ci décéda, il se sentit orphelin, malgré tout l’amour que je lui portais. Il est vrai qu’il vivait dans un panier à crabes.
Sentant ma fin proche et craignant d’être déshérité, il élabora un plan machiavélique. En bon artiste qu’il était, il imita à la perfection mon écriture et rédigea un testament olographe et une déclaration de don de mon corps à la science. Puis, il me fit passer de vie à trépas le jour de la fameuse escapade. Et enfin, la veille de l’enterrement, il subtilisa le cercueil et le transporta chez Eugène pour s’en débarrasser.
Quelques temps plus tard, Martin exigea des tests ADN pour confirmer ce qu’il avait découvert et pressenti. Lorsqu’on ouvrit le cercueil, il était vide.
Martin fou de rage se jeta sur Julien. La bagarre tourna mal. Julien buta contre la stèle de ma tombe et mourut sur le coup.
Je dois dire, qu’assistant à la scène au bras de mon cher Pablo, j’eus du mal à retenir une larme. J’en versais donc une,… une seule.
0
0
0
11
Vous êtes arrivé à la fin
0