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Elora Nipova

Paris.
Elora Nipova
Mikaël a vingt ans ce soir-là. Et au lieu de les fêter en famille ou avec ses amis, il mange la poussière dans une vieille usine désaffectée où il a l'habitude de se battre. C'est une question de survie pour lui. Le jeune marseillais n'aspire qu'à une chose, aller à la fac et construire son avenir, mais pour le moment, il a d'autres préoccupations : gagner ses combats désespérés.

Mais quand il parvient enfin à intégrer la Sorbonne, l'espoir nait en lui, au détour d'une cigarette partagée avec une étudiante de sa promo.
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Elora Nipova
On compare souvent le cœur humain à une pendule, un ensemble de rouages parfaitement emboités qui forment une mécanique bien huilée.

Peut-être ce bruit lent et régulier, pareil au tic-tac de l'horloge, nous rappelle-t-il que le temps passe et que chaque seconde, chaque minute de la vie d'un Homme compte.

Pourtant, lorsqu'un seul élément n'est plus aligné, ou qu'un cran d'une roue est abimé, c'est tout le mécanisme qui s'arrête. Jusqu'au jour où on trouve un horloger qui le fera repartir. Et le tic-tac reprend, lent et régulier, rassurant.

Cette mécanique, c'est celle de Léna et de son coeur malade.
Cette mécanique, c'est celle de Matthias et de son ombre, Caly.
Cette mécanique c'est celle de Ben, l'horloger.
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Elora Nipova
Si seulement j'avais parlé, alors aujourd'hui, tout serait différent.

Si seulement...

Si seulement...

Mais il est trop tard.
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Défi
Elora Nipova
"Aujourd'hui, maman est morte" - L'étranger, Camus

Voici le sujet d'un atelier organisé sur le serveur dédié à l'écriture que j'ai créé. L'objectif ? Écrire un texte à partir de cet incipit si connu.

Voilà ma participation.
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Défi
Elora Nipova

L’aimer à en crever, sans détour
Ouais, l’amour nous joue parfois des tours.
Ça commence par un combat, une joute, un tournoi.
Salope, salope, j’ai pas les mots diplomates.
L’insolence prend l’pas sur l’adversaire
On joue une jeu dang’reux avec nos nerfs.
Dans l’ascenseur, tu pleures, échec et mat,
Mais rien à faire, mes pensées me combattent.
Dans la nuit, je ressasse mes menaces
J’crois que tu m’fui mais j’suis tenace.
J’fais un blocage, j’te fais du mal
J’suis en cage, j’suis un animal.

Alors je cherche dans tes émeraudes
La réponse du désir qui m’taraude
Jamais très loin, ma névrose rôde
Je suis là, d’vant toi, je minaude.
À l’abri du silence, c’est à toi qu’je pense
T’sais pas comme tes lèvres m’obsèdent
Tu m'énerves, j’rêve que tu me possèdes.
Une première approche pleine de haine
Fais couler l’désir dans mes veines
L’espoir fou d’être zen pour la prochaine
J’le sais, c’est complètement insane.

Ouais, on m’avait prév’nu
“Fais attention à Vénus
Ses yeux révèlent sa vraie nature
Son sourire frôle la caricature
Comme Méduse, elle crache son venin”
Si j’résume bien, croise pas son ch’min
Car l’amour n’est jamais très loin.
Un r’gard, un baiser volé, la colère remonte
J’repars, dans mes pensées sommaires, mais j’renonce
Franchir le pas, plus difficile à dire qu’à faire.
Piquante et pleine d’épine, j’ai peur des ronces

Y a cette odeur, le whisky sur tes lèvres m'enivre
La stupeur à minuit, quand j’suis dans ton lit, sur la défensive
Sans sentiment, tu mènes la danse
À deux doigts de l’extase, tu réveilles mes sens
Je me sens esclave quand tu me mens
Puis j’me rappelle le règlement.
Pas d’amour, pas de caresses, pas de discussion,
Mais toujours la tendresse et l’obsession.

Quand j’y r’pense maint’nant c’est différent
Ta résistance m’laisse pas indifférent
On s’était dit qu’c’était mécanique
Pour moi c’est plus que ça, tu paniques
La tendresse pour seule maîtresse
L’amour pour seul principe
J’te promets pas la Lune, mais j’peux tenter
Pour toi, mon amour, à jamais.
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Défi
Elora Nipova

Dans la nuit noire, un grincement résonne, strident et sourd à la fois. Le bruit est lent, il semble ne jamais s’arrêter. Puis tout à coup le silence. Et le bruit du loquet qui se verrouille.
C’est une porte massive, en bois d’ébène serti de fer forgé qui vient de se fermer. Comme tous les meubles de la vieille bâtisse, elle est d’origine et doit dater du XVIIIe siècle. Le panneau est fendu en son milieu et ne tient que grâce au métal épais. De la poussière s’accumule depuis des années dans chaque rainure, de longues traces de rouille coulent des gonds.
C’est une porte massive, comme celles qu’on voit dans les films d’horreur et qui signent votre arrêt de mort, parce qu’elles ne se rouvrent pas. Ce couinement affreux qu’elle a produit, c’est le dernier son que tu entendras.
C’est une porte massive vers les rives du Styx. Derrière elle, un feu ardent brûle et réchauffe la pièce. On voit même la lumière rougeoyante au-dessous. Le diable t’attends. Tu es là, dans cette pièce close, la seule sortie est cette porte. La dernière à franchir dans ta vie. Après tout ce que tu as fait, c'est bien normal. 
Bienvenue en enfer.
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Défi
Elora Nipova
Time - Hans Zimmer

Voici le sujet d'un atelier organisé sur le serveur dédié à l'écriture que j'ai créé. L'objectif ? Écrire un texte à partir de cette musique.

Voilà ma participation.
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Défi
Elora Nipova

Allongée dans l'herbe, les yeux plantés dans les nuages, je soupirai lorsqu'une ombre me cache le soleil. Prête à pester contre cet empêcheur de tourner en rond, je me redressai vivement et rencontrait le menton d'un homme. Sa barbe amortit quelque peu le choc, mais pas assez. Je frottai ma tête en grimaçant. Ça va, mon amour ? pouffa-t-il. Comment veux-tu que ça aille ?
Je tentai de le fusiller du regard, mais bien vite les éclairs disparurent. Je me ramollissais à son contact. C'était comme ça depuis ce jour où il m'avait attendue à la sortie du travail, un paquet de bonbons dans la main. Il en grignotait toujours. Je n'arrêtais pas de lui dire d'arrêter. C'était mauvais pour la santé. Il ne m'écoutait pas et haussait juste les épaules.
Ses lèvres s'écrasèrent sur les miennes avant que ne puisse dire quoi que ce soit. Puis, il s'affala sur la pelouse, la tête appuyée sur mes cuisses. J'avais quitté les nuages. Ils se reflétaient dans ses iris noirs, comme un lac profond au beau milieu d'une nuit sans Lune. Son nez brillait un peu au soleil. Il avait eu chaud à courir pour ne pas arriver trop tard. Cela ne m'avait pas empêchée de trépigner d'impatience durant quinze bonnes minutes.
Un long soupir lui échappa. Il noua ses doigts aux miens et caressa la tache de naissance sur mon poignet, petite habitude qu'il avait quand on se lovait l'un contre l'autre. La chevalière qu'il portait à l'annulaire droit me fit mal. Alors il desserra sa prise. T'es belle, me dit-il simplement.
Je souris. Il avait le don de me faire sourire. Il lui suffisait de quelques mots, d'un regard, d'une caresse et je me sentais bien. Je me penchai sur lui et embrassai son front couvert de petits cheveux. Les cheveux de bébé, comme disait ma mère. Il en avait plein, ils frisottaient et il détestait ça. Moi, j'aimais bien. De toute façon, même sans eux, sa chevelure brune restait indomptable. Je bataillais pour qu'il passe chez le coiffeur, mais il refusait ardemment. Alors, il se retrouvait avec ces espèces de boucles brunes emmêlées sur sa nuque. Si nous n'avions été qu'amis, je ne l'aurais pas loupé. Mais amoureuse que j'étais, il m'arrivait de trouver cela mignon. Sexy même. C'était ridicule. Tu m'as manqué, soufflai-je.
Ses lèvres s'étirèrent. J'eus terriblement envie d'y goûter, après trois jours sans m'en délecter. Leur pulpe ferme rebondit sur les miennes. Sa barbe me griffa le menton. Peu importait, j'aimais ça, ce petit picotement qu'elle provoquait sur mon visage à chaque baiser.
Il était beau, mon amoureux. Il le savait. Quand on s'était rencontré, il en avait joué. J'avais juré ne pas tomber sous son charme ravageur. J'avais renchéri que je résisterai, même quand, après son entrainement intensif de boxe il s'était débarrassé de son t-shirt. J'avais dû gober quelques mouches à ce moment-là. Il avait eu ce rictus moqueur sur les lèvres, le même qui s'y dessinait à chaque fois qu'il me battait au Monopoly. Tu sais, j'aurais pas dû être en retard, me susurra-t-il, une main sur ma hanche. Sans blague, ironisai-je. Je n'ai pas arrêté de te le dire. J'ai pas pu faire autrement. Pourquoi ? m'étonnai-je.
Il recula, me dévora du regard, sa lèvre inférieure pincée entre ses dents. Il arborait un air espiègle qui ne présageait rien de bon. Il avait l'air bien trop fier de son coup. Un problème d'organisation avec mon frère. En attendant... Tu crois que tu serais prête à supporter mes retards pour le restant de tes jours ? bredouilla-t-il, manquant soudain d'assurance. Oui. Mais je vais quand même t'acheter une montre, juste pour que je ne mette pas fin à tes jours avant la fin des miens, ris-je, émue.
J'étais comme ça quand je ne savais pas quoi dire, quoi penser. Je racontais n'importe quoi. J'essayais de détendre l'atmostphère. C'était pas la meilleure idée de le faire alors qu'il me demandait en mariage. Mais c'était mon amoureux, il rit, m'embrassa et me rappela que c'était pour ça, qu'il m'aimait. Parce que je le surprenais toujours. Lui aussi, pour le coup.
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Elora Nipova

Ils sont tous là, réunis autour de moi dans leurs beaux vêtements sombres. Je les regarde tous un par un. Certains visages sont fermés, on ne peut lire aucune émotion sur leurs traits tirés. Ils sont juste là, leur regard vitreux fixant un point invisible derrière moi. Mais ils sont là, c'est tout ce qui compte. D'autres ont les larmes aux yeux, ils pleurent même parfois, quand les perles salées leur échappent. C'est eux qui me rendent le plus triste, ils ont l'air effondrés. Puis il y a ceux qui écoute l'homme debout devant moi, qui rient discrètement en se remémorant ces souvenirs dont il parle.
Cet homme, parlons-en. Il est grand, imposant, et pourtant sa voix est faible, mal assurée. Il parle depuis cinq bonnes minutes devant la salle bondée de monde. Il n'y a pas assez de fauteuil pour tout le monde, alors des gens sont debout au fond, sur les côtés, dans les allées entre les chaises. Il parle, encore et encore. Il raconte ses souvenirs. Il fait même une blague. Quelques personnes rient. Puis un sanglot retentit. Quelqu'un tousse. Quelqu'un renifle. Chacun réagit différemment et pourtant tous sont unis, ensemble dans cette épreuve. Ils ne font qu'un. Un seul et même cœur brisé.
L'homme attrape une guitare qu'on lui tend. Il joue un accord et s'arrête. Il réessaie. S'arrête à nouveau. Il prend une profonde inspiration pour ravaler les pleurs qui menacent de lui échapper. Puis il recommence. Un accord, un autre, puis encore un autre, et tout s'enchaine. La musique retentit. Du blues. Il commence à chanter de sa voix magnifique, rocailleuse, et en même temps douce.
Il retourne à sa place et c'est une femme, maigrelette, qui s'approche de moi. Elle pose la main sur mon couvercle dans un geste délicat, presque comme une caresse. Elle déglutit. Elle voudrait réussir à parler. Mais elle en est incapable. Alors une autre femme, un peu plus grande qu'elle, s'avance vers elle et la force à se rasseoir.
Le silence envahit la pièce. Personne n'ose bouger, parler, respirer même. Ils attendent tous de savoir ce qu'il va se passer. Une nouvelle femme, plus petite, se lève. Elle passe une main dans ses cheveux courts et frisés, replace ses lunettes sur son nez et se positionne devant l'assemblée. Ses mains, tenant un morceau de papier sur lequel elle a griffonné son discours, tremblent. Elle se racle la gorge et commence à lire le poème qu'elle a écrit. Tout le monde semble s'en émouvoir. Et le silence retombe en même temps que ses bras s'alignent le long de son corps. Elle recouvre sa place en titubant sous le poids écrasant de la peine.
Le défilé des orateurs semble terminé. Plus personne ne se lève. Une musique d'ambiance résonne dans la salle aux murs blancs, sobres. Un homme en costume noir prend la parole.
- Vous pouvez maintenant venir saluer une dernière fois Jean-Baptiste, dit-il. Déposer une fleur si vous le souhaitez, lui dire adieu et l'accompagner dans son dernier voyage.
Le calme retombe. Personne ne bouge. Il règne toujours cette ambiance pesante. L'air est saturé de tristesse, de désespoir et d'incompréhension. On entend quelques personnes renifler, se moucher, pleurer, gémir. D'autres sont toujours impassibles, incapable d'exprimer physiquement la douleur qu'ils ressentent intérieurement.
Soudain, la femme maigrelette se relève. Elle attrape une rose blanche dans son sac-à-main et s'avance vers moi d'un pas lent, réticent. Elle pose de nouveau la main sur mon couvercle en bois vernis. Puis elle se penche sur moi et dépose un baiser avant de déposer délicatement la fleur sur moi.
Se succèdent des dizaines de personnes à mon chevet. Certains prennent leur temps, me touchent, bafouillent quelques mots, pleurent. D'autres se précipitent. Ils déposent la fleur et s'en vont, préférant me soustraire à leur vue. Je me retrouve rapidement couvert de roses blanches, rosées, rouges. Certaines tombent au sol, vite ramassée par le maitre de cérémonie qui tient à ne froisser personne. Certains accordent une importance capitale à voir leur fleur, et pas une autre, accompagner Jean-Baptiste.
Ils regagnent leurs places en silence, tête baissée. Ils s'assoient, ils s'appuient contre les murs pales, ils cherchent un peu de soutien en ce moment difficile. Ils sont tristes, effondrés. Il était leur ami, leur proche, une connaissance, peu importe. Il était quelqu'un à leurs yeux et il ne le sera plus.
Je les regarde tous, un par un, immobiles sur leurs chaises ou debout là où il y a de la place. Ils tentent de comprendre, de réaliser ce qu'il vient de se passer. Et ils pleurent.
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Elora Nipova

Il était assis sur une chaise en métal, face à une table faite du même matériau, il se tenait droit, ses mains étaient jointes sur ses genoux, sa tête était haute, son regard fixé sur un point invisible, un léger rictus étirait ses lèvres fines. Il était fier de lui, il avait réussi son coup car bientôt, elle serait face à lui, il pourrait voir tout le mal qu'il lui avait fait.
Une porte claqua derrière lui, mais il ne cilla pas une seule seconde. Il sentait son parfum envahir la pièce, il l'aurait reconnu entre mille, c'était le même que celui de sa mère. Son sourire malicieux s'étira un peu plus lorsqu'il repensa à cette femme qu'il avait connu dix ans plus tôt. C'était une belle femme, sa chevelure brune, épaisse, retombait en une cascade boucles sur ses épaules, elle avait le visage parsemé de nombreuses tâches de rousseurs qui lui donnaient un air enfantin malgré les années. Cette femme dans la fleur de l'âge avait été sa première, il se souviendrait toujours d'elle. Et il aimait se dire que sa fille serait sa dernière. Il prendrait un malin plaisir à lui faire subir la même chose.
Une silhouette féminine se mut à côté de lui, l'effleura même, avant de s'asseoir face à lui sur une chaise identique à la sienne. Elle posa un dossier épais sur la petite table dans un fracas. Elle appuya ses coudes sur la surface métallique et se pencha vers lui, plantant ses yeux verts dans les siens. Elle avait le même regard brûlant de haine que sa mère. Ses iris verts seraient tellement beaux lorsque la vie les quitterait. Ça avait été fantastique avec sa mère, ça le serait d'autant plus avec sa fille.
- Vous savez pourquoi vous êtes ici ? demanda-t-elle.
- Bien sûr inspecteur, lui répondit-il d'une voix sûre.
- C'est terminé maintenant, lui assura-t-elle, une pointe de satisfaction dans le ton employé.
Il souriait toujours, il l'observait et le spectacle qui s'offrait à lui le ravissait. Il la détaillait sans ménagement, s'attardant sur chaque détail de son visage, de son corps. Elle avait la peau lisse, légèrement mâte, elle serait vraiment belle lorsqu'il en aurait terminé avec elle.
- Vous avez les mêmes yeux qu'elle, argua-t-il. Légèrement plus clair peut-être.
L'inspecteur fronça les sourcils, elle ne s'attendait certainement pas à cela. Il fut alors ravi de voir que son regard malicieux s'effaça soudainement. Il avait appuyé sur un point sensible. Elle était si prévisible, c'en était presque mignon.
- Je vous interdis de parler d'elle, gronda-t-elle, ses poings se contractant devant son menton.
Elle prit sur elle pour se calmer, serrant et desserrant ses poings à trois reprises comme pour se détendre les doigts et s'empêcher de le frapper. Il sourit. Il aimait constater l'effet qu'il avait sur elle. Il la mettait en colère, c'était bien, il aimait cela.
- Vous reconnaissez les faits ? demanda l'inspecteur de la police judiciaire de Paris.
- Bien sûr, répondit-il toujours aussi calmement.
La petite brune face à lui semblait ne pas le comprendre, son calme et son air satisfait la rendait vulnérable. Elle aurait aimé trouver en lui ne serait-ce qu'une once de culpabilité, mais elle se rendait compte qu'il était fier de ce qu'il avait fait subir à ces quarante-neuf femmes. Il était totalement inhumain, terrifiant.
- Vous êtes certaine de ne pas vouloir savoir comment se sont déroulées ses dernières heures ? demanda-t-il calmement. Ça pourrait vous donner un aperçu de ce qu'il vous arrivera quand je m'occuperai de vous, continua-t-il en la fixant toujours de son regard bleu, intense.
La jeune femme sembla perturbée l'espace de quelques secondes, mais elle se reprit bien vite. C'était bien, elle était forte, elle lui résisterait certainement plus que sa mère, c'était plus intéressant que de tomber sur une femme qui se laissait faire comme ça avait été le cas pour sa vingt-deuxième victime. Elle ne s'était même pas débattue tant elle était paralysée par la peur, il n'avait pris aucun plaisir à la tuer contrairement à toutes les autres. Ce qu'il regrettait le plus avec elle c'était qu'il n'avait pas pu capter le moment où elle perdait totalement espoir, parce qu'elle était déjà désespérée avant même qu'il ne commence à s'occuper d'elle.
- C'est fini pour vous, lui expliqua la brune. Vous allez finir en prison et répondre de vos actes devant un tribunal.
- J'en doute jeune fille, souffla-t-il. Il manque une victime à mon tableau de chasse, vous.
- Et comment comptez-vous faire cela maintenant qu'on vous a arrêté ? l'interrogea-t-elle brusquement.
- Ne vous inquiétez pas de cela, articula-t-il. Tout est prévu, voyons. Et d'ici quarante-huit heures, vous serez morte, tout comme votre mère, transformée en une magnifique poupée qui complètera parfaitement ma collection.
- Vous n'êtes pas aussi intelligent que vous pensez l'être, se défendit-elle. C'est terminé. Vous ne pourrez plus rien faire désormais.
- Nous verrons bien, continua-t-il toujours aussi sereinement.
Elle n'en revenait pas. Ce calme était effrayant, il avait l'air si sûr de lui. Mais comment pouvait-il penser pouvoir s'échapper et la tuer à son tour, comme il l'avait fait pour sa mère dix ans plus tôt ? C'était complètement insensé. Perdue dans ses pensées, elle réfléchissait à ce qui pouvait lui donner cette assurance, elle tenter de démêler le problème, mais il n'y avait rien à faire, elle ne comprenait pas. C'était impossible. Jamais il ne pourrait lui faire de mal. Ils l'avaient arrêté quatre heures plus tôt, il avait avoué les faits, il serait envoyé en prison dès sa sortie de la salle d'interrogatoire.
Un rictus malicieux toujours greffé au visage, l'homme âgé d'une quarantaine d'années observait encore la jeune femme, sa prochaine victime dont il se délecterait tant. Elle avait perdu l'éclat de rage qui brillait dans ses yeux lorsqu'elle s'était installée face lui, laissant place à un regard vide de sens, signe qu'elle était perdue, choquée par ce qu'il venait de lui dire. C'était très bien ainsi, il aimait savoir que ses victimes angoissaient son arrivée.
- C'est impossible, s'énerva-t-elle. Vous allez passer le restant de vos jours en prison de toute façon. Vous ne pouvez rien me faire, cracha-t-elle avec dédain.
- Vous n'êtes à l'abri de rien, inspecteur, ricana-t-il.
Furieuse, la jeune femme se leva et sortit précipitamment de la pièce. Elle ordonna aux deux policiers en uniformes, qui se trouvaient devant la porte, de conduire le criminel en cellule et s'éloigna d'un pas décidé jusqu'à son bureau. Elle avait tout un tas de dossier à terminer avant de rentrer chez elle. Pourtant assise devant la montagne de papier, elle n'avait pas la tête à cela, trop obsédée par ce que l'homme qui avait tué sa mère lui avait dit, par sa confiance effroyable.
Soufflant bruyamment, elle se leva d'un bond et sortit précipitamment du bâtiment mythique du 36 Quai des orfèvres où elle travaillait. Elle marcha d'un pas rapide jusqu'à un petit bar où elle avait l'habitude de se rendre lorsqu'elle avait besoin de décompresser.
- Journée difficile ? demanda le barman.
- Ouais, sers-moi un whisky sans glaçon s'il te plait, souffla-t-elle.
Elle but le liquide ambré d'une traite et tendit de nouveau son verre au grand brun qui se tenait derrière le comptoir. A contrecœur, il remplit de nouveau son verre et l'observa pour l'alcool plus lentement. Il savait qu'elle ne lui dirait rien, pour des raisons évidentes de confidentialité des enquêtes, mais il avait compris que quelque chose s'était passé.
- Aller, faut rentrer maintenant, dit-il en lui attrapant la main.
Comme d'habitude, lorsqu'elle venait dans son bar dans cet état, il la ramenait chez elle. Et comme d'habitude, ils terminaient la nuit ensemble, dans une symphonie de râles rauques et de souffles saccadés avant qu'elle ne lui ordonne de s'en aller.
Son téléphone sonna, mais épuisée par sa journée, par les nombreux verres qu'elle avait ingurgités, par la nuit qu'elle venait de passer avec son amant, elle ne répondit pas. Laissant le répondeur se déclencher.
- Inspecteur, c'est important ! dit une voix masculine à toute vitesse. C'est Garnier, il s'est évadé. Il a tué les deux policiers qui le conduisaient en cellule. Il faut vous mettre à l'abri. Nous vous envoyons une équipe pour vous conduire en lieu sûr, avec ce qu'il a dit cet après-midi, il vaut mieux prendre le moins de risques possible.
La jeune femme n'avait pas écouté le message, elle s'était endormie, plongée dans un sommeil profond par les nombreux verres d'alcool. Elle aurait pourtant dû. Si elle avait entendu cette information, elle serait encore vivante. Mais elle s'était endormie et il l'avait retrouvée.
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Elora Nipova

C’était un matin de décembre comme les autres dans la famille Winnberg. Quelques jours avant Noël, toute la famille était à pied d'œuvre pour organiser le grand réveillon qui réunirait près de trente personnes : entre les grands-parents, les parents, les enfants et, parfois même, les petits enfants, la soirée serait animée.
Ariel avait réussi à convaincre son père d’accueillir tout le monde dans la maison qu’il avait hérité de son père. Il y aurait assez de place pour loger tout le monde et un espace de jeu pour les enfants chahuteurs. Les quintuplets y avaient déjà aménagé quelques poufs, une télévision avec console et quelques jouets pour les plus jeunes.
— Papa ! Ils arrivent à quelle heure Pipa et Mima ? s’écria Éloi.
Le quadragénaire haussa les épaules. Les parents de sa femme, Naé, avaient prévu de les rejoindre quelques jours avant Noël, pour les aider à tout ranger. Malgré leur âge, ils faisaient preuve d’une détermination à toute épreuve. Calypso s’était même mise en tête de fabriquer un cheval à bascule pour sa dernière petite-fille.
— Et Papé et Bernie ? demanda Isis.
— Rooo, mais je sais pas ! T’as qu’à les appeler, tu vois bien que je suis occupé, s’énerva Ariel.
— Calme-toi, mon chéri. Je suis sûre qu’ils sont déjà en route, Is’.
— Tu crois qu’il me laissera faire un tour sur sa moto, cette fois ? bafouilla-t-elle.
— Hors de question ! gronda Ariel. Il devrait même plus en faire, avec ses problèmes de cœur.
— Allez, il est prudent. Si Bernie peut encore monter avec lui, moi aussi je peux.
— Alors là, ma grande, tu te fourvoies, rétorqua Ariel. Maman monte avec lui, parce qu’il lui laisse pas le choix. Elle a jamais aimé ça.
— Moi je suis sûr que si, intervint Éloi. Papé m’a dit que quand ils étaient jeunes, Bernie adorait leurs balades en moto.
— C’est pas ce qu’elle m’a dit, râla leur père. Bon au lieu de me faire chier avec vos enfantillages, vous voulez pas m’aider à descendre les tables de la grange ?
Les deux adolescents soufflèrent, mais suivirent tout de même Ariel hors de la maison. Ils bravèrent le vent cinglant de cet hiver rude, trainèrent les pieds dans la neige qui commençait à tenir au sol, mais réussirent enfin à ramener les trois grandes planches, accompagnées de tréteaux, qui leur serviraient de table pour diner.
Tout à coup, une pétarade retentit dans la cour, annonçant l’arrivée de Gabriel et Bérénice, sous l’oeil furieux d’Ariel.
— Papa, t’es chiant, putain ! Je t’avais dit de prendre un taxi…
— On est vieux, mais pas handicapés pour autant, grommela Gabriel, en lui tendant son casque de moto. Ils sont où les gosses ? Ah, les voilà.
Gabriel adressa un franc sourire à Isis et Éloi, qui embrassèrent tour à tour ses joues fraiches, tandis que sa femme, Bérénice, suivait Naé à l’étage pour installer leurs affaires. Gabriel en profita alors pour s’isoler avec son fils, parti chercher du bois pour le feu au fond du jardin.
— Comment va Naé ? lui demanda-t-il, soucieux. Je la trouve amaigrie.
— Elle a repassé des examens, il y a quelques jours, soupira Ariel. C’est pas bon… On l’a pas dit aux enfants encore, mais… ça pourrait être son dernier Noël.
Naé avait dû se battre, dans sa jeunesse, contre un lymphome, une sorte de cancer du sang qui avait déjà failli lui coûter la vie. À l’époque, Ariel était déjà avec elle, ils avaient dû affronter l’épreuve à ses côtés. Mais ils s’en étaient sortis, tous les deux, plus forts et amoureux que jamais. Seulement, plus les années passaient, plus les examens de suivi de Naé étaient mauvais. Elle avait fait trois rechutes, en vingt ans. Cette dernière lui coûterait cette fois la vie.
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Elora Nipova

C'est un sentiment grisant que celui de liberté. Ça vous prend au trippes et, bientôt, c'est tout votre corps qui fourmille, persuadé de pouvoir se laisser aller à tous ses désirs les plus fous. C'est d'abord dans votre tête que ça se passe. Vous vous sentez submergé par un afflux d'hormones, de bonheur, de l'envie, de la fatigue, de tout. Il se passe trop de choses pour que vous puissiez vraiment tout identifier. Tout ce que vous savez, c'est que votre tête est plus lourde, et à la fois plus légère. Votre esprit vagabonde au gré de ses envies, des odeurs, des sensations, de la vue. Et vous réalisez. Vous êtes libre. Libre. Tout peut arriver. Vous pouvez tout faire. Tout dire. Tout penser. Personne ne vous contraindra. C'est un sentiment grisant, mais étrange aussi, car nous y sommes peu habitués. Ainsi, nous ne savons jamais trop quoi faire de cette nouvelle liberté.
Aïcha était une enfant malheureuse, c'était indéniable. Toutes les personnes qui croisaient son regard triste n'en ressortaient pas indemnes. Elle avait ce pouvoir de vous transmettre son fardeau, sa douleur. Issue d'une famille pauvre, elle n'avait jamais vraiment connu l'impression de satiété après un bon repas chaud, elle n'avait jamais reçu de cadeau pour son anniversaire, elle n'avait jamais eu la satisfaction de posséder quelque chose, car elle n'avait rien. Mais rien, c'était déjà beaucoup plus qu'il ne lui fallait pour vivre une vie heureuse. Elle avait son imagination, ça lui suffisait bien, elle s'inventait des récits merveilleux, et elle s'en contentait. Non, si elle n'avait eu que « rien », tout irait bien pour elle. Le problème, c'était qu'en plus de ce « rien », il y avait les coups et les cris, ceux de sa mère quand son père la frappait. Alors Aïcha était une enfant malheureuse.
Un matin, alors qu'elle se préparait pour aller à l'école, on avait frappé à sa porte. Et sans qu'elle ne comprenne trop ce qu'il se passait, son père était parti, escorté par trois policiers en uniforme. Ce fut à l'instant où la porte claqua derrière eux qu'elle sentit les premiers symptômes de la liberté. Les doigts qui bougent sans raison, le fourmillement dans les lèvres et les jambes qui s'agitent trop vite pour marcher. Elle mit ça sur le dos de son impatience à retrouver sa classe, et sa maitresse. Ce jour-là, ils partaient tous à la mer, pour toute une journée.
Sur le chemin de l'école, elle avait couru à toute vitesse. Elle s'y rendait seule, comme toujours. Sa mère ne pouvait pas se déplacer, elle avait honte de son visage couvert de bleus. Dans la précipitation, avait traversé sans regarder et avait échappé de peu à un scooter qui roulait à vive allure. Et elle était arrivée, devant la grande porte en bois, essoufflée et rouge écarlate. Mais elle s'en fichait, tout ce qui comptait, c'était qu'elle ne soit pas en retard.
Puis, de nouveaux symptômes étaient apparus, dans le car qui les menait dans la Baie de Somme. Elle qui était d'ordinaire plutôt discrète et réservée, avait trop de choses à dire. Elle ne pouvait empêcher les mots de sortir à toute vitesse de sa bouche. Entre chaque phrase, elle donnait de grands coups de langue dans sa dent, sur le point de tomber, et elle reprenait son discours. Personne ne l'écoutait vraiment, elle avait fini par lasser tout le monde avec ses folles histoires de princesses aventurières et de dragons malades, mais elle n'en avait que faire. Elle avait le droit de parler et de raconter tout ce qui lui passait par la tête, autant en profiter.
— Aïcha, s'il te plait, ça commence à devenir pénible ce bourdonnement, se plaignit la maitresse.
Car c'était à cela que ressemblait son flot continu de parole. La fillette avait la voix grave pour son âge et ses paroles ininterrompues ressemblaient plus à une abeille butinant qu'à une véritable prise de parole. Alors, elle continua à voix basse, jusqu'à ce que le bus se gare, enfin.
Elle avait besoin de courir, encore. Ses pieds la chatouillaient et elle avait cette désagréable sensation dans les jambes, celle qui nous fait comprendre qu'il faut se défouler pour enfin pouvoir s'endormir paisiblement, ou réfléchir. Elle sauta de la dernière marche et traversa le parking désert à toute vitesse, puis revint au même rythme jusqu'à sa maitresse qui lui criait de ne pas s'éloigner.
« Ne pas s'éloigner ». Elle était mignonne, cette maitresse, mais elle n'avait pas la liberté qui la démangeait, elle. De toute façon, elle ne l'avait probablement jamais connue, cette sensation, celle qui nous donne l'impression de pouvoir voler parmi les oiseaux, les mouettes en l'occurrence. Elle était trop stricte pour ça. La pauvre, pensait alors Aïcha.
Ils arrivèrent sur une immense plage, déserte. La mer descendait lentement, le sable était encore un peu humide, tassé et donnait l'impression de n'être qu'une vaste étendue toute lisse et marron. La petite fille ne put résister. Son corps entier lui hurlait : « Tu es libre, libre ! ». Alors, elle dévala les escaliers depuis la jetée et sauta à pieds joints dans le sable doux.
Elle fut prise d'un fou rire incontrôlable quand elle longea l'eau en courant si vite que c'était comme si ses pieds nus ne touchaient plus le sol. Pour la première fois de sa vie, elle riait vraiment, à en perdre haleine. Et elle continuait à rire à gorge déployée. C'était un rire fort, bruyant, unique.
Puis, à bout de souffle, épuisée par toutes ces sensations nouvelles, elle se jeta dans le sable doux et s'y roula en fermant les yeux. Quand elle les rouvrit, elle vit le ciel, d'un bleu immaculé, à perte de vue. Pas un nuage ne venait le gâcher, seul le soleil brillait au-dessus d'elle. Elle le regarda un moment, entre ses doigts pour ne pas se brûler, et soupira. La douce chaleur de ce matin de juin réchauffait ses joues, ses bras, ses jambes. Elle aurait voulu plonger dans l'eau, juste parce qu'elle en avait envie, sans aucune autre raison particulière. Mais elle n'avait pas de maillot de bain.
Et puis après tout. Elle était libre. Alors, elle se releva et jeta un œil à sa maitresse qui surveillait les autres enfants sur la plage, occupés à jouer, à faire des châteaux de sable. Elle ne la regardait pas. Tant mieux parce qu'elle serait sûrement furieuse de la voir faire. Puis, cédant à sa nouvelle pulsion de liberté, elle alla à la rencontre des petites vagues.
Enfin libre. Libre, libre, libre.
Sentiment incroyable que la liberté, n'est-ce pas ?
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