
Microgrammes
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C’était l’époque où je lisais la Bible et où j’avais décidé de devenir protestant. J’écrivais avec des feutres à micromine, dans des carnets minuscules, des inscriptions microscopiques traitant des Écritures, d’un jeune homme lisant la Bible et qui se décide à devenir protestant. Des narrations microscopiques, très courtes. Presque des haïkus. J’écrivais tard le soir. La nuit savait me porter conseil. Je me couchais plein de confiance. Je rêvai une nuit de l’achat d’une poire et de trois barquettes de surgelés (1 poire, 3 barquettes = circulation de la trinité, mystère de l’1 dans le 3). Une autre nuit je rêvai d’un déménagement dans une maison près d’entrepôts d’électroménager en zone semi-rurale, où seul un large triangle de champs et de chemins carrossables coincé entre deux tronçons d’autoroute et une route nationale me séparait d’une petite ville principalement constituée de lotissements. Était-ce un cauchemar ? Quel sens lui donner eu égard à ma quête de Dieu ? Je trouvais vite des solutions. Zone, triangle, électroménager, autoroute, champs, tout résonnait, resplendissait d’une lumière qu’on peut qualifier d’évangélique. Le découragement n’entravait pas ma spiritualité. La l
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Dans l’allée cavalière, il ne trouva personne à cheval mais des pommes, roulées d’un verger dont les branches dépassaient la clôture. Puis un portail, flanqué d’un numéro de voie et d’un prénom, Lucien, suivi d’un nom rendu illisible par les perles de condensation entre le plastique transparent et le papier imprimé. Il sonna. Des aboiements éclatèrent de part et d’autre du terrain, qui diminuèrent quand une silhouette en veste matelassée et bottes avocat affleura des écuries. Ayant reconnu Séverin, elle accusa un bref instant d’arrêt, alors seulement elle se reprit, le salua, traversa, talonné par ses chiens, l’étendue gravillonnée jusqu’au portail. – Tu as laissé la voiture en forêt ? demanda-t-il. – Oui. Je voulais marcher, prendre l’air. Un des chiens fouilla le gravier. Sous les petits cailloux il remuait une poussière grise. Lucien par souci d’ordre recouvrait, du bout de ses bottes, les déblais de son chien. L’opération se reproduisit plusieurs fois. Le chien fouillant, le maître recouvrant. Le tout dans un grand silence, excepté le bruit du gravier qu’on fouille et qu’on recouvre. Puis, comme tiré d’une rêverie : – Viens je vais t’expliquer la suite. Séver
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Depuis une heure il apercevait la commune de Morcerf où il serait déjà n’était la pestilence. Elle enrayait sa marche au point de l’arrêter toute les cinq-cents perches, sur le talus du chemin, pour vomir. Ses souliers de peau, constellés d’éclaboussures et de jus d’herbe, remplis d’eau, glissaient sur le chemin. Sa veste aussi était souillée. La route descendait en pente douce vers la vallée où se trouvait Morcerf. On ne croisait maintenant plus aucun mousquetaire. Personne qui n’aborde ici sinon voleurs de route et familles de charbonniers de retour vers leur hutte d’une récolte de lignite en forêt. L’odeur s’échappant des rives boueuses d’un étang, en aval, où deux cadavres gonflés de chevaux achevaient de pourrir, vous coupait les jambes avec la sûreté d’un amputeur. L'étang cachait mal la montagne de détritus que son effondrement remplissait en partie. Voilà reconstituée, avec une exacte fidélité, l’entame du discours que me tenait mon grand-père quand, enfant, je m’asseyais à ses côtés après un copieux repas dominical. Toute la famille à la fois grimaçait et craignait de devoir l’écouter encore. Moi seul exultait de ce qu’il accompagnât habituellement le récit des détails les
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