Il n’existe pas une approche unique pour nommer ses personnages. Tout comme pour les questions de style, chacun peut développer ses propres techniques. Dans ce cadre, découvrir les choix d’autres auteurs peut enrichir vos méthodes d’écriture !
La revue littéraire américaine Paris Review est reconnue pour la qualité des entretiens qu’elle mène avec des écrivains depuis les années 1950, mettant l’accent sur leur processus créatif. Lors de ces échanges, la question du choix des noms de personnages fut abordée avec Simone de Beauvoir, Jorge Luis Borges et Aldous Huxley.
Comment nommer ses personnages ?
Au hasard
Simone de Beauvoir est celle s’embarrassant le moins avec une telle décision. Comme elle l’exposait à la Paris Review, elle ne « considère pas cela comme vraiment important ». Sa Xavière de L’Invitée fut ainsi nommée car elle n’avait croisé dans sa vie qu’une seule personne portant ce prénom.
Ses pratiques de recherche soulignent la légèreté de l’exercice :
« Lorsque je cherche des noms, j’utilise l’annuaire ou tente de me souvenir des noms d’anciens élèves. »
Entretien avec Simone de Beauvoir, The Art of Fiction, n°35
Pour offrir l’immortalité
Jorge Luis Borges explique dans son entretien à la revue (The art of fiction, n°39) qu’il puise dans les noms de ses grands-parents et arrières-grands-parents. La raison en est simple : leur accorder une forme d’immortalité permise par la littérature.
Pour créer un effet précis
Dans le même entretien, l’auteur de La Bibliothèque de Babel expose une seconde méthode : trouver un nom percutant, « frappant ». Il explique alors que l’un de ses personnages s’appelle Yarmolinsky… car « c’est un mot étrange, non ? »
Lorsqu’il mit en scène un tueur, il lui donna le nom de Red Scharlach, soit « rouge écarlate ». L’essence du personnage est renforcée par son nom : c’est un tueur « doublement rouge » selon Borges.
Pour faire référence
Aldoux Huxley accorde beaucoup d’importance aux noms dans ses œuvres. Il faut que chaque nom puisse évoquer quelque chose par la référence ou dispose d’une signification cachée. Un jeu se construit alors entre les références de l’auteur, du lecteur et le récit en lui-même.
Lors de son entretien, Huxley détaille ses choix pour les personnages de son roman Jouvence. Il explique ainsi à quel point leurs noms ont été travaillés en amont.
« Prenez Virginia Maunciple. Ce nom m’a été suggéré par le manciple [des Contes de Canterbury] de Chaucer — qu’est-ce qu’un manciple, après tout ? Une sorte d’intendant — c’est le type de nom qu’une starlette de film se choisirait dans l’espoir qu’il soit unique, taillé sur mesure. Elle s’appelle Virginia parce qu’elle apparaît si virginale à Jérémy, et elle ne l’est évidemment pas, en fait, mais aussi pour sa dévotion à la Vierge Marie. »
Entretien avec Aldous Huxley, The art of fiction, n°24
Cette volonté de donner un sens à chaque nom est d’ailleurs particulièrement présente dans son œuvre la plus connue : Le Meilleur des Mondes. Huxley se passe alors de toute finesse dans les références ! Entre autres, il nomme ses personnages Marx, Lénina, Engels, Bakounine, Ford, Rothschild ou même Bonaparte.
Une grande liste de presque tous les prénoms, dans laquelle je pioche, au hasard, en espérant trouver celui qui sonnera le plus juste quant au personnage imaginé. Je n’ai jamais pensé à l’annuaire…
De toute façon, cela fonctionne rarement du premier coup.
Pour les noms, les cartes routières sont pratiques. Il suffit de zoomer sur une zone qu’on ne connaît pas. Il y a toujours un lieu nouveau à découvrir…!
🙂
Pour un roman, j’ai épluché le catalogue Ikéa et quand je trouvais un mot sympa, je le déformais un peu pour en faire un nom. D’autres fois, je cherche un mot que j’aime bien en français (forêt par exemple) et je le traduit dans une langue un peu exotique. J’aime beaucoup les consonances nordiques. Pour les prénoms en Fantasay, je regarde la liste des prénoms irlandais et leurs significations. J’essaye de trouver une signification qui se rapproche de la personnalité de mon personnage.
Annuaire, boites aux lettres, camionnettes d’artisan sont autant de sources de patronymes pour moi… Pour les prénoms, qu’ils soient français ou étrangers, merci Google !
Les cartes sont de véritables trésors pour les noms de famille. Pour les prénoms, j’utilise un dictionnaire étymologique. Mais j’ai deux maîtres dans le choix des noms: comme don Quichotte je voudrais des noms qui soit « harmonieux, singulier et significatif ». Et j’apprécie aussi beaucoup les auteurs qui choisissent des noms comme des références intertextuelles: je pense en particulier à Muñoz Molina qui a souvent choisi ses prénoms féminins pour les intégrer dans une tradition de portraits. (Par exemple, l’un de ses personnages qui aide le héros à trouver sa voie, s’appelle Nadia, comme l’héroïne de Michel Strogoff qui guide celui-ci lorsqu’on le croit aveugle). Je trouve que ça donne un sens supplémentaire au texte.
Je suis comme huxley j’aime bien que les noms aient un sens mais au final c’est surtout à l’oreille. Certains noms ne cadrent pas avec le perso sans qu’on sache pourquoi. Je m’inspire aussi beaucoup des personnes que j’ai connu et de l’impression qu’elles m’ont laissée. C’est pas très rationnel mais c’est ce qui me porte le plus ^-^-
Après plusieurs romans et pas mal de nouvelles, je peux dire que j’emprunte à chacun des auteurs cités. Tout dépend du poids de ces noms dans l’histoire. D’ailleurs, il faut signaler que Beauvoir ne fait pas si au hasard qu’elle le dit, puisque c’est un prénom rare qu’elle a retenu.
Pour une longue nouvelle sur deux amies d’enfance confrontées à des passés et un changement de vie qu’elles vont réaliser chacune à leur façon, j’ai choisi des prénoms de l’époque évoquée (Marion, Sandra)
Il m’est arrivé aussi d’utiliser les noms de famille de ma grand-mère. Mais avec un but : je préparais le tome 2 (je ne peux en dire plus, ce tome 2 est sur le feu) ; quant à l’affaire d’immortalité ? Je ne suis pas Borges !!!
Bref, les prénoms et les noms ont du sens, et le hasard ne l’est pas vraiment… cf. Beauvoir.
Tout dépend de l’époque de ma narration. Les prénoms changent… des lieux aussi ont une influence. Il faut des noms simples à mon avis, facile à lire donc à retenir.
Pour ma part, l’annuaire fait très bien le travail. Mais, il m’arrive aussi de puiser quelques noms et prénoms tirés de romans que je lis ou des émissions de télé que j’interchangent et entremêle.
Ah c’est marrant, ça !
Moi, je manque totalement d’imagination, pour les noms, les prénoms, les lieux (et plein d’autres choses…)
Du coup, mes personnages ne circulent jamais que dans des endroits où je suis allé, si j’ai à les décrire.
Leur prénom sont choisis parmi les gens que je connais, mais je fais une table de concordance sur Excel pour éviter de me planter, parce que là encore, je ne sais décrire, très succinctement, que des personnes que j’ai déjà croisé et j’intervertis pour que les gens ne se reconnaissent pas !
Parce que je ne suis pas tendre, parfois.
Quant aux noms, je les prends dans un répertoire des rivières : Pas envie d’exploiter ceux de personnages connus (d’ailleurs, quand ils le sont et que le lecteur doit les reconnaître, j’intervertis les syllabes et « trafique » un peu l’orthographe, par exemple j’utilise « Krasoski » ou « Tiersmirant », « Rackchi » ou « Landau » pour quelques présidents français connus et reconnus), ni celle des Villes ou des noms communs qui sont en général retenus et significatif d’une « origine » ou d’un métier.
Et je vérifie sur Internet que ça n’existe pas déjà.
Car il m’est arrivé une drôle de chose : Un jour, j’ai besoin d’un nom pour la patronne d’une usine de poudres et munitions que je situe dans l’Ardèche.
Je regarde mon dictionnaire et tombe au hasard sur « Nivelle », une rivière du sud-ouest.
Sans me rendre compte qu’il s’agit du patronyme d’un général (de mauvaise réputation) de la première guerre mondiale !
C’est un lecteur « assidu » qui me l’a fait remarquer…
Hasard pour le moins heureux : Ladite patronne devient illico presto l’héritière de ladite famille !!!
Ce n’est que depuis que je plonge dans Internet, pour éviter les bourdes.
Personnellement, je laisse faire le hasard.
Aussi, j’aime trouver des noms « peu usuels », comme Kendall, Gwidel, Solveig, Judith ou Delwyn °^°