Le gage

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Après le repas — frugal pour Yuja, car elle avait dû se contenter des restes : « seuls les chasseurs mangent la viande, les femelles incapables et les petits rongent les os », lui avait expliqué son ravisseur —, le chasseur était sorti fumer devant les étoiles, non sans avoir emmené ce qui restait de la viande pour Yirgho. Le wyrm avait droit à plus d’égards qu’elle. Il était moins « incapable », sans doute.

Recroquevillée dans son shynawil, Yuja s’apprêtait à passer un cycle de repos agité lorsque le chasseur revint dans la grotte.

— Je t’avais promis un gage, lui annonça-t-il en se plantant devant elle.

Yuja ouvrit des yeux ensommeillés sur sa haute silhouette. Il était en train de défaire son pagne.

— Quel gage ?

— Tu vas boire mon luith. Ça me permettra d’estimer tes capacités de trayeuse.

Alarmée, la jeune femelle se redressa.

— Boire ton luith ? Mais je ne l’ai jamais fait !

La main levée du chasseur mit un terme brutal à ses protestations.

— Tu apprendras. Je trouve ça incroyable qu’une femelle de ton âge n’aie jamais trait un mâle, mais enfin, certaines sont plus en retard que d’autres !

— Il n’y avait pas de mâle dans mon clan... commença imprudemment Yuja.

— Je ne t’ai pas autorisé à parler. Et tu ne m’avais pas dit plus tôt que vous aviez un ard-ael ?

— Si, mais il ne nous obligeait pas à faire ça !

Cette fois, Yuja vit le coup arriver. Elle réussit à s’y préparer et à l’esquiver, partiellement.

— Arrête de mentir et ouvre la bouche.

Yuja s’exécuta, les oreilles basses et les yeux brouillés. Elle se sentait horriblement honteuse, et avait aussi mal au cœur que si on lui avait donné un coup de poing dans la poitrine.

Elle dut attendre comme ça, dans cette position humiliante, que le chasseur ait fini de se déshabiller. Son membre était déjà sorti de sa gangue. Il se dressait vers elle comme un organisme doté de vie propre, luisant et gonflé. La vue des circonvolutions et des nodules qui l’ornaient lui donnait des haut-le-cœur : même les couleurs chatoyantes, plutôt ternes par rapport à ce que les femelles racontaient lui semblaient laides. Brutalement, lui revinrent les images de sa captivité dans le clan de Rhan, du viol de Nanal, de Sirath et de toutes les autres. Elle y avait échappé jusque-là, mais le moment avait fini par venir. C’était son tour, désormais. Telle était la voie des ellith.

Lorsque l’énorme membre envahit sa bouche, Yuja faillit refermer la bouche. Mais le mâle la lui maintenait ouverte d’une poigne de fer. De l’autre main, il avait agrippé ses cheveux. Son sexe semblait encore doubler de volume, et Yuja ne tarda pas à sentir le goût inconnu du luith sur sa langue. Nanal disait que cette substance avait bon goût, mais Yuja trouva ça juste horrible. Pire encore, il glissait de plus en plus loin dans sa gorge... avant d’entamer des mouvements de va-et-vient rythmiques qui lui donnèrent l’impression qu’on retroussait son œsophage pour le sortir par sa bouche. Les picots le long du pénis du chasseur lui griffaient la gorge et la langue comme une râpe, et, en dépit de ce qu’on lui avait raconté, le luith calmait à peine la douleur.

Je vais vomir, tenta d’articuler Yuja, mais le chasseur lui avait volé sa voix. Elle dut subir en silence, ses halètements et convulsions contrôlés par la poigne sévère du mâle.

— Détends-toi et respire par le nez, lui ordonna-t-il. Ne t’avise pas de mordre, ou je te casse les dents.

Lorsqu’il se retira enfin, Yuja laissa un cri de détresse franchir ses lèvres. Le luith avait envahi sa gorge, sa bouche, sa langue et son nez : son goût était partout.

— Pas la peine d’en faire un foin ! se moqua cruellement le chasseur. Même les femelles prépubères savent le faire, chez nous. Et je ne suis même pas en rut. Ce n’est rien par rapport à ce que tu aurais pris avec ton ard-ael, si tu ne t’étais pas enfuie. Pendant ses fièvres, un mâle produit plus de luith qu’il n’a de sang dans le corps.

En boule dans un coin du mur, Yuja tentait de reprendre sa respiration.

Jamais Naryl n’aurait fait ça. Jamais.

Une colère terrible monta dans sa poitrine dévastée.

— Même en rut, Naryl ne faisait pas ça, cracha-t-elle. Les femelles venaient à lui naturellement.

— Alors pourquoi t’es-tu enfuie, si ton ard-æl était si parfait ? gronda le mâle en réponse.

Yuja garda le silence. Elle ne voulait pas lui répondre : il l’avait déjà trop humiliée.

— Laisse-moi deviner... il ne voulait pas de toi, c’est ça ? Il te trouvait sans doute incapable et inutile. Il s’est choisi la plus belle elleth comme as-ellyn, et toi, tu t’es retrouvée comme le dernier fruit du panier !

Yuja se recroquevilla encore. C’était vrai, malheureusement.

— T’en fais pas, lui lança rageusement le chasseur en s’enroulant dans son panache déployé. Quand je t’aurai dressée, tu seras la femelle la plus désirée de la région. On reviendra voir ton ard-ael, et je le laisserai prendre une bouchée pour qu’il voie comme tu as progressé. Mais il n’aura le droit qu’à ta bouche et ta porte de derrière, comme le stipulent les lois de l’hospitalité ! La sortie des petits me sera réservée.

Horrifiée par le programme qui l’attendait ­— allait-il vraiment la distribuer ainsi, au gré de ses visites aux autres clans ? — Yuja mordit sa queue pour ne pas hurler. Tout ce qu’elle pouvait faire désormais, c’était regretter... et profiter de la première occasion pour s’enfuir.

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