Contre les gros blocs de pierres froide de ce château, allongé sur le sol, le vieil homme à la longue barbe blanche me regarde. Il se bat pour une dernière parole. Je l’écoute attentivement.

Quelle est la raison qui vous a poussé à arriver là ?

Dans le château résonnent encore quelques bruits de combats. Les Tangles se battent bien, jusqu’à la mort, mais ils n’ont aucune chance. Je suis seul dans la salle du roi. Le roi des Tangles, Edgard le Trèfle, reste assis sur son trône, il ne dit pas un mot, et pour cause. Je l’ai tué. Le vieil homme est son conseiller : Lucien d’Edenne. Plus connu encore que le roi, le sage Lucien d’Edenne a apporté ses lumières à 4 générations de roi Tangles. Quand il parle on l’écoute, ami ou ennemi. C’est pour ça que je l’ai écouté et que je lui ai répondu.

Les bruits de combats continuaient au loin, je pouvais m’asseoir et répondre. Après quelques minutes de réflexion rythmée par la difficile respiration du vieux sage je lui répondis.

-J’avais deux choix, la porte de gauche, ou la porte de droite. J’ai pris la porte de droite, et après quelques altercations, je me suis retrouvé ici, l’épée dans le cœur du roi et vous à mes pieds.

Je crois que ça l’a soufflé.

-Il n’y a pas de porte de droite en entrant dans ce château, pour arriver dans cette salle il faut aller impérativement tout droit. Prenez donc les dernières paroles d’un mourant au sérieux, répondez sérieusement.

-Vous n’avez pas compris ma réponse tout simplement vieil homme.

Je soupirai et lui expliquais plus en détail, je devais bien ça à ce sage homme.

Je suis né en Spanie, sur la côte, la seule du pays. Un jour un cavalier est entré dans notre ville avec un message important, réquisition de jeunes hommes pour la guerre contre les Tangles qui menaçaient nos frontières. Deux semaines plus tard j’avais rejoint la plus proche grande ville, Romadid, pour commencer ma formation de soldat. Je n’avais jamais voulu être soldat moi, j’étais attiré par l’océan et ses merveilles.

-Et ses terreurs, les courants marins de cette région sont imprévisibles, seul un devin peut prédire quelle direction prendront les vents et les courants. L’avenir nous le dira, n’est ce pas la phrase marquée sur chaque bateau de Spanie ?

-Oui vieil homme, lui répondis-je, mais garde ton souffle. J’ai ses capacités, mais à cause de la guerre je n’ai jamais pu m’y former complètement. Je voulais être devin de Marine, perché dans la vigie d’un bateau, de pêche ou de guerre cela m’était égal, je voulais me plonger dans les vagues des futurs.

Toujours est-il qu’à Romadid je me suis rendu au centre de formation. Le capitaine nous a fait attendre devant le camp. Pour seules instructions : « Citoyens, entrez et prenez la porte, nous ferons de vous de braves soldats de Spanie ! ». Je laissai entrer mes collègues en premier.
Ils passaient tous par la grande porte du camp et se dirigeaient vers la gauche, tous.
Mais vous l’avez compris, quand fut venu mon tour, je franchis la grande porte et me retrouvais dans une antichambre en quelques sorte, une porte sur la gauche par laquelle venait de passer mon dernier camarade, et une porte sur la droite. Mon instinct, peut être mes dons de devin, ou mon esprit de contradiction et de rébellion m’ont poussé à prendre la porte de droite.

Il n’y avait rien d’intéressant derrière cette porte, mais quand le lieutenant m’a retrouvé, je lui expliquais qu’il n’avait pas précisé quelle porte prendre, il m’a collé au trou.

Cela m’a sauvé la vie, des espions Tangles avaient empoisonné la nourriture du camp de formation. Je m’en suis tiré indemne, un peu affamé évidemment. C’est là que j’ai compris, il fallait que j’écoute mes sensations, elles me parlaient. Les comprendre n’était pas toujours possible mais je prenais le risque.

Grâce à elles, je n’ai jamais été blessé gravement sur un champ de bataille, grâce à elle j’ai évité la mort de centaines de mes compagnons, grâce à elle je suis là et vous, vous êtes à mes pieds.

-Belle histoire, je n’avais pas prévu un autre devin dans mes plans.

-Es tu satisfais de ma réponse vieil homme ?

-Non, tu m’as donné les événements qui t’ont amené ici, mais pas la raison, la vraie Raison. Tu dois trouver la voie, sans quoi, tu te feras trancher la tête. Les événements ne sont pas la raison, rentre le dans ton crâne sans quoi tu ne seras à jamais qu’esclave des événements.

La raison… Oui, je crois que je voulais être soldat après tout, j’ai aimé ça. J’ai aimé utiliser la divination, ce ne sont pas les événements, mais mon désir de pouvoir.

-Maintenant que tu sais ce qui t’as mené ici, ce qui te motive, tu es désormais maître de toi, roi en mon château.

Puis le vieil homme s’éteignit en chantonnant quelques dernières paroles :

« Must be the reason why I'm king of my castle
Must be the reason why I'm free in my threshole
Must be the reason why I'm king of my castle
Must be reason why I'm making examples to you. »

Cette conversation avec le vieux sage me permit de devenir roi de Spanie et de Tangles. Mais c’est une autre histoire. Je n’oublie pas ces sages conseils.

Ps : à quiconque lit ce récit, j’ai trouvé ces symboles dans un vieux livre, je n’ai jamais su les traduire, peut-être y arriverez-vous ? https://youtu.be/lbQCf8F1JsE