chapitre 8

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Un murmure parcourt l’Assemblée et je jette un coup d’œil interrogateur à m. Russo qui n’a pas l’air de bien comprendre la situation non plus.

- Je vais essayer d’aller voir ce qu’il se passe. je reviens vite.

A l’instant où l’avocat s’en va, un policier s’approche de moi pour me parler.

- M. Lo Piccolo souhaiterai vous voir.

- Euh oui bien entendu.

Je suis alors le policier qui m’emmène dans la pièce où a été mis le supposé criminel.

- Vous souhaitiez me voir ?

- Oui. J’avais une question.

- Je vous en prie.

Il détourne les yeux un instant avant de reprendre.

- Enfin deux questions.

- Je vous écoute ?

- Savez-vous pourquoi la dame blonde, la grande là avec son rouge à lèvres, a évoqué des tests qu’on m’aurait fait ?

- Euh non, vous n’avez pas subi de test ?

- Aucun.

- C’est assez étrange en effet. J’essaierai de me renseigner à ce sujet.

Eros Lo Piccolo baisse la tête et passe une main dans ses cheveux.

- Vous aviez deux questions n’est-ce pas ?

- Ah oui.

Je fais un regard interrogateur et il relève la tête pour me regarder dans les yeux. Il esquisse même un sourire.

- Quand je sortirai de prison…

- Si vous en sortez.

- Oui. Mais quand je sortirai, est-ce que vous me feriez le plaisir d’aller prendre un café avec moi ?

Mes yeux s’écarquillent et j’avoue ne pas trop quoi savoir répondre à ce moment-là.

- Allez, vous n’avez pas pu satisfaire ma première question, alors rattrapez-vous sur la deuxième.

- Eh bien, nous en reparlerons quand vous sortez de prison…

- Si j’en sors un jour oui je sais. me coupe-t-il dans mon élan.

- Bien, alors si vous n’avez plus de questions, je vais vous laisser seul.

D’autant plus que m. Russo rentre dans la pièce à ce moment.

- Ah vous êtes là mlle Colombo. J’ai une information importante pour vous.

- Oui ?

Il se penche pour chuchoter à mon oreille.

- M. Lo Piccolo, le père je veux dire, a été assassiné à l’instant par une autre mafia.

Je mets mes mains pour cacher ma bouche.

- Nous allons alors pouvoir plus facilement libérer notre criminel.

- C’est assez cruel de dire ça, mais ça m’a l’air d’être une bonne nouvelle.

- En effet, cependant, quelqu’un devra l’annoncer à m. Lo Piccolo, le fils, après la fin du procès. D’ailleurs, pourquoi êtes-vous ici ?

- Il a demandé à me voir. je lui réponds en sortant de la pièce avec lui.

- Et pourquoi donc ?

- Justement, je voulais vous en parler. Il dit ne pas avoir subi de test sur le gène dont la femme blonde a parlé.

- Aucun ?

- Aucun.

- J’aborderai ce point avec m. le juge dès que possible.

Nous nous rasseyons à nos places et le procès reprend son cours. M. Russo est le premier à parler.

- Pour répondre à mme Biance, j’aimerai souligner le fait que ce gène, bien que présent dans une infime partie de la population, ne se manifeste que rarement, malgré la situation dans laquelle un enfant peut évoluer. Par ailleurs, m. Lo Piccolo a déjà traversé toute son enfance sans aucune dérivation. Comme l’a dit mlle Colombo, son dossier est propre, et je pense qu’il mérite d’être libéré.

Le procès a encore duré une trentaine de minutes puis le juge l’a mis en pause pour délibérer et après nous annoncer sa décision.

- Bien, je pense que nous avons fait du bon travail. Je ne sais pas si nous gagnerons ce procès mais je peux déjà vous féliciter, vous vous êtes très bien débrouillée.

- Merci. je lui réponds limite en rougissant.

- Eh ! on entend une voix nous appeler en face de nous.

Je relève la tête en même temps que m. Russo et découvre que c’est notre client qui nous appelle. Nous nous levons alors tous les deux du même train.

- Non, juste elle, pas vous.

Je regarde m. Russo pour attendre son approbation et il agite positivement la tête.

- Allez-y. Et s’il-vous-plait, dites-lui pour son père, je n’ai aucune envie de le faire.

- Ok. je réponds simplement.

L’avocat se rassoit et je suis un policier qui emmène Eros Lo Piccolo dans une pièce à côté.

- Vous avez encore une question ?

- Oui. Est-ce que vous pensez que je vais retrouver ma liberté ? Ça fait 3 ans que je n’ai vu personne, et j’avoue avoir envie de retrouver mon père, c’est la seule famille qui me reste.

Mon sourire automatique s’en va d’un coup de mon visage. C’était sa seule famille. Et la seule personne qui lui restait est morte.

- Eh bien, justement, en parlant de votre père…

- Quoi ?

- Il…

- Aller accouchez.

- Il s’est fait assassiner tout à l’heure.

Je vois son visage se décomposer en un instant et il manque de tomber à la renverse. Son bras agrippe la table juste à côté et Eros Lo Piccolo, à présent le seul de ce nom, tremble de tout son corps. A ce moment, j’éprouve une certaine compassion pour lui et je ne peux m’empêcher de poser une main sur son épaule. A ma grande surprise, il ne la repousse pas mais relève juste la tête vers moi et, les larmes aux yeux il me dit simplement :

- Qui ?

- Je n’ai pas d’information précise, une autre mafia, c’est tout ce que je sais.

Eros prend une chaise et s’assoit. L’information est trop importante pour lui. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il ressent. Je n’ai jamais connu mon père, et ma grand-mère a été assassinée suite à un conflit avec une mafia sicilienne. Elle n’avait rien demandé. Et moi non plus. Alors je suppose que, quelque part au fond de moi, je comprends ce qu’il ressent.

- Vous voulez un verre d’eau ?

- Je vous en prie, tutoyez-moi.

- Bien, alors, « tu » veux un verre d’eau ?

Le mot « tu » résonne étrangement dans ma bouche.

- Euh, oui je veux bien, merci.

Je fais un signe à un des policiers qui part de suite. Eros fixe le sol, il a l’air… perdu. Je décide alors de prendre une chaise et de m’assoir en face de lui.

- Vous savez… tu pardon, tu sais, je n’ai jamais connu mon père, et je me trouve très bien sans. Certes, la situation est complètement différente, mais je sais qu’on peut apprendre à vivre, peu importe la situation.

- Jamais ?

- Non, jamais.

Eros baisse une nouvelle fois sa tête et il porte une de ses mains à son visage. J’ai l’impression qu’il pleure.

- Vous pleurez ?

- Non. dit-il en s’essuyant discrètement les yeux et en relevant la tête.

Ses yeux sont rouges et il renifle légèrement. Je suis heureuse de voir que la personne qui a passé 3 ans en prison sans aucune interaction sociale reste un humain malgré tout.

- Je vous ai dit de me tutoyer. lance-il directement.

- En effet. Tutoyez-moi aussi alors.

Il esquisse un léger sourire et son regard se plante dans le vide.

- Mlle Colombo, me dit un policier, il est temps de retourner dans la salle.

- Bien, m. Lo Piccolo, nous allons entendre votre jugement. Je croise les doigts pour vous.

Il ne répond rien mais suit un des policiers. Je retourne à ma place à côté de m. Russo et entame la discussion avant le commencement du procès.

- Je lui ai dit pour son père.

- Comment l’a-t-il pris ?

- Mal, de toute évidence. Mais c’est compréhensible. J’aurais réagi pareil… bien que je n’ai pas de père.

- Oh, vous…

- Eh non.

Le juge prend place et nous nous taisons instantanément.

- Je vous annonce que, après discussion avec la Cour, nous avons pris une décision.

Mon cœur bat très fort. Il ne s’agit pourtant pas de ma peine, mais de celle d’un homme que je ne connais pas. Mais je pense que mon stress est dû au fait que ce procès aura une note qui comptera beaucoup dans ma moyenne. Mes mains tremblent légèrement et je me risque un regard à Eros, assis sur son siège la tête baissée et jouant avec ses doigts, bien que ses mains soient menottées. Cet homme est incroyablement beau. Non, non, non, je ne peux pas penser ça. Je me ressaisie au moment où le juge recommence à parler.

- M. Eros Lo Piccolo, condamné il y a 3 ans pour trafic en tout genre, je vous annonce que vous êtes à présent déclaré innocent.

Il ne bouge pas d’un poil.

- Vous serez donc libéré au plus vite.

M. Russo me regarde, joyeux, et me serre la main. Une larme coule sur ma joue. Ce procès était très stressant et il est enfin fini. Il me reste encore quelques jours en Sicile et je compte bien en profiter.

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