Chapitre 9: Le presbytère
Même si les événements se sont passés vite, je veux partir une bonne fois pour toute. J’en ai marre de vivre dans un trou à rat et ne rien faire de mes journées. Je prépare mes affaires et vide mes canettes de bière dans des sacs poubelle et les lance à travers la porte. Je continue mon grand nettoyage en repensant à la drôle de conversation que j’ai eue avec cet homme.
Il me semble si gentil et si délicat… C’est la première fois qu’une personne prête une grande attention… Mais je ne sais pas très bien qui sait, ce Jésus-Christ… Certes, je commence tout juste à retourner à la messe et à parler de lui devant les petits, mais je ne connais presque rien de sa vie. C’est pour ça que je veux partir et découvrir qui il est et pourquoi est-il venu me chercher ? Je me pose plein de questions, mais j’ai hâte de pouvoir découvrir cette fameuse formation. Je fais confiance au père Adrien. Tandis que je termine de ranger mes affaires, Laurent siffle en voyant ma caravane propre.
— Hé ba, qui aurait cru que Gabriel nettoyerait sa caravane. T’as reçu une pierre en pleine gueule ou ça se passe comment ?
Je prends ma valise à roulette et la sors dehors en lui disant « je n’ai reçu aucun choc ».
— Ba, tu peux me dire où tu vas au moins ?
Je cherche ma clé pour fermer la caravane et la trouve dans un vieux pot à confiture.
— Je pars à Lille pour suivre une formation.
Mon ami est heureux et me donne une petite frappe.
— Je suis content pour toi. Enfin, t’as réussi à trouver du travail. Et c’est quoi cette formation ?
Je ferme la caravane et lance les clés en lui disant que c’est un cadeau. Il est tout content d’avoir un abri.
— C’est pour devenir prêtre.
Il commence à me rire au nez.
— Toi ? Devenir prêtre ? Tant que je suis, tu veux devenir pape ?
— Non non je te jure, ce n’est pas une blague. Le père Adrien m’a confié une mission à Aubagne, mais pour ça, il faut que je devienne prêtre… Mais, il m’a dit que j’étais prêt et que c’était la bonne décision.
— Tu t’y connais toi en formation de prêtre ? « Je vous bénis tous mes frères, au nom du père, du fils et du chais plus quoi ».
Il ricane très fort à mon goût.
— C’est ça, continue de rigoler, tandis que moi, je pars pour découvrir cette formation. Et puis tu sais, ce n’est pas définitif.
— « Je vous présente tous, le père Joël, un ancien droguer et chômeur ». Je pense surtout que tes paroissiens vont se foutre de ta gueule en se demandant ce que fait un clochard en tant que prêtre. À mon avis, tu n’es pas fait pour ça.
— C’est ce qu’on verra, dis-je en saluant et pars en direction de la gare.
* * *
Grâce au père Adrien qui m’a donné un peu d'argent, j’ai pu payer les billets de train. Il m’a donné l’adresse du presbytère. À vrai dire, je ne sais pas trop dans quoi je m’embarque. Avant oui, je ne ressemblais plus rien et je faisais n’importe quoi… Mais je suis prêt à changer en allant faire cette formation… Peut-être qu’ils vont se moquer de moi ? En pensant que c’est une blague ? Je ne sais pas à vrai dire, voir un ancien clochard, ça doit faire peur…
Mais je veux le faire pour lui : pour ce Jésus-Christ qui m’a sorti d'affaire. Depuis qu'il est venu me rendre visite pour me pardonner et me rassurer, je ne veux plus abandonner. Oui, je fais confiance à mon imagination. C’est plus fort que moi, je dois suivre cet instinct qu’il m’offre. Pour le moment, je dois en savoir plus sur lui. Tout ce que je sais, c’est que ce type est mort sur une croix pour nos péchés, mais après… Je ne connais pas la suite de son histoire… J’ai hâte d’en savoir plus…
* * *
Une fois devant une petite maison, je baisse la feuille et vois que je suis à la bonne adresse. J’attrape mes affaires et me dirige vers le presbytère, en sonnant. Une porte s’ouvre légèrement. Je vois qu’il s’agit d’un vieux monsieur et l’aide à l’ouvrir. Il me remercie en remettant ses lunettes et se déplace en fauteuil roulant.
— Vous êtes bien Gabriel ?
— Oui, c’est bien moi, mon père.
Heureusement que je connais un peu le langage religieux. Je remarque que l’endroit a l’air d’être agréable. Il y a une grande salle à manger derrière lui.
— Entrez, entrez, n’ayez pas peur. Nous allons un peu discuter.
Il y a d’autres hommes en aube blanche qui se tournent vers moi pour me saluer. Ils sont tous les deux en train de lire et se lèvent pour me dire bonjour.
— Bonjour, vous devez être Gabriel. Ravi de faire votre connaissance.
— Bonjour heu…
— Guillaume. Mon nom est Guillaume et voici Corentin.
— Ravi de vous connaître.
— Rassurez-vous, ils sont aussi nouveaux, rassure le vieux prêtre.
Nous nous asseyons dans un petit salon et très gentiment, le vieux prêtre nous sert à boire.
— Alors comme ça vous venez de Nice ?
Je secoue la tête en reposant la tasse sur une table basse.
— Pas tout à fait mon père, je viens de Lyon.
Les deux autres hommes sont surpris.
— Le père Adrien m’a dit que vous faisiez du bénévolat et que vous aimez beaucoup donner des cours de catéchisme.
— Oui, j’en ai donné, mais pas tant que ça… À vrai dire, je ne connais pas très bien cette religion… Je sais qu’il est mort sur une croix pour nous sauver, mais après, tout ce qui est histoire « d’amour » de « pardon », pas trop…
— Rassurez vous, vous allez tout apprendre. Tout d’abord, vous aurez des cours de pratique pour savoir comment il faut servir pendant la messe, puis des cours de mathématiques et de sciences et enfin, de philosophie et de théologie. Bien entendu, il y aura les prières du matin et du soir.
— C’est quoi la théologie ?
Je vois que Corentin rit derrière sa tasse, mais Guillaume fronce des sourcils.
— La théologie est un peu comme de la philosophie, mais avec Dieu, puisque le mot « théo » en grec veut dire « Dieu ».
Je secoue la tête. À mon avis, c’était peut être une mauvaise idée de venir ici… Je ne connais rien… Je suis un peu mal à l’aise.
— Et que faisiez-vous avant dans la vie ? J’imagine que le bénévolat était qu’une simple activité ?
Je ne réponds pas. J’ai la gorge qui se noue. Je ne veux pas en parler et me lève pour les remercier. Le vieux prêtre m’indique qu’il y a des chambres et que dès demain, à six heures du matin, nous allons adorer et prier ensemble. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais j’écoute et monte dans ma chambre pour déposer mes affaires. Elle semble petite et il y a une croix au-dessus du lit. Il fait nuit dehors et il y a quelques étoiles qui parfument le ciel. Je m’assois sur mon lit en réfléchissant dans quoi je me suis embarqué et garde le chapelet autour de ma main.
— Je vous fais vraiment confiance…
C’est la première fois que je le vouvoie et fais un tour dans la petite pièce avant de m'aperçevoir qu’il y a un bureau. Cela m’intéresse… Il y a une personne qui toque à la porte. Je reconnais ses lunettes et son visage : c’est Guillaume.
— Désolé pour mon ami… Je ne pensais pas qu’il allait se moquer de vous…
— Non non ne soyez pas désolé, après tout, il a tous les droits… Je ne suis qu’un débutant. Vous devez mieux connaître la religion que n’importe qui.
Il me sourit.
— Nous cela fait trois semaines qu’on est ici, donc c’est pour ça qu’on connaît mieux que vous. Vous vous habituerez vite, je vous le promets.
Cela me réchauffe le cœur d’avoir de la compagnie.
— Vous voulez dîner avec nous ou vous préférez dîner tout seul ?
— Nous avons le choix ?
— Absolument.
J’accepte son offre et nous descendons pour aller dîner.
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