Mensonge et trahison
Une fille nommée Alex se fait passer pour un robot pour pouvoir infiltrer le Capitole, désormais contrôlé par des humanoïdes froids, cruels et irresponsables. Les robots prennent l’apparence des humains mais sont en réalités des monstres qui veulent asservir l’humanité. Mais le problème, c'est que les robots ne mangent pas. Alors la jeune fille, tous les soirs, attend que les robots se mettent en charge pour prendre son repas après eux. Elle collabore en secret avec un garçon, Sasha, qui la nourrit depuis l'extérieur. Un jour, pendant qu'elle va manger, il se faufile derrière elle et entre dans le capitole, lui aussi déguisé. Surprise, la jeune fille se retourne, mais n'a pas le temps de parler : elle se fait plaquer contre le mur. La fille ne peut toujours pas parler, car le jeune garçon a sa main devant sa bouche. Alex est stupéfaite, car au même moment, le guide ultime des robots passe dans le couloir sans les apercevoir, une lumière clignotante dans son cou sous ses faux cheveux blonds, indiquant son faible niveau de batterie. Alex et Sasha décident alors de le suivre et, s’ils le peuvent, de le détruire pour que leur monde soit enfin libéré de ce fléau.
[Eugebly]
***
— Tu m'as drôlement fait peur, tu sais ! J'ai cru un instant que j'avais été démasquée et qu'un foutu robot insomniaque allait me régler mon compte.
— Quand as-tu compris que c'était moi ? dit Sasha en masquant difficilement un sourire, comme fier de sa bonne blague.
— À l'odeur, sans aucun doute.
L'air satisfait de Sasha s'évanouit immédiatement, et il renifla discrètement entre les jointures de son déguisement métallique.
— Mais non, idiot ! L'odeur de la poudre de curry que tu fourres dans tous les plats que tu me fais parvenir depuis six mois. La gamelle a dû s'ouvrir dans ton sac à dos et tu parfumes l'atmosphère à dix mètres ! Heureusement que les robots désactivent le module de détection olfactive quand leurs batteries sont déchargées, sinon nous étions repérés. Et à ce propos, tu ne peux pas changer de saveur ? Quatre-épices, Ras El Hanout, Colombo, Massalé, tu ne connais pas ?
Sasha adopta une grimace d'impuissance.
— Tu sais, depuis que le grand guide a décidé l'application de droits de douane de cinquante pour cent sur tous les produits d'importation, le choix devient limité. Il ne nous restera bientôt plus que le beurre de cacahouètes comme nourriture. Même nos voisins refusent désormais de nous livrer du sirop d'érable... Du curry, j'en ai un gros stock. Ça fait passer le goût des céréales moisies que veulent bien encore nous envoyer les dernières associations humanitaires internationales qui n'ont pas été interdites ici.
— D'accord, d'accord. Je suis ici depuis trop longtemps, je suis un peu déconnectée ! Mais ne perdons pas de temps, suivons-le ! ajouta Alex entamant une discrète filature.
Ils suivirent le robot pendant un long moment, accroupis ou rampant sur le sol froid, pour souvent se cacher pendant d'interminables minutes derrière d'affreuses statues, érigées à la gloire de la glorieuse nation robotisée.
Enfin, l'énorme robot, sa guirlande lumineuse clignotant de plus en plus faiblement, finit par s'arrêter devant la porte de l'atelier technique "Vidange et graissage / roulements et vérins", une sorte d'équivalence aux lieux d'aisances pour les humains.
— Ah! il va sans doute se refaire une beauté, une retouche de fond de teinte carrosserie, tenta de plaisanter Sasha.
— Suivons-le, il vient d'entrer, corrigea Alex qui n'avait pas envie de rire.
Ils arrivèrent à temps pour glisser un pied dans la porte, comptèrent jusqu'à dix puis entrèrent lentement dans un local immense, mais faiblement éclairé.
— Tentons de nous rapprocher, je ne vois pas ce qu'il fait, déclara Sasha. L'obscurité devrait nous protéger de sa caméra frontale.
Au terme d'une lente et prudente progression, ils purent se placer à quelques mètres seulement du robot. Ce qu'ils virent alors les laissa sans voix.
Enfin presque, car Sasha ne pu s'empêcher de laisser filtrer entre ses lèvres une sorte de couinement étranglé, G'eeeburglll.
Le robot avait retiré sa perruque blonde et ses plaques de peau latexée orange, qu'il avait soigneusement déposé sur une console. Ensuite, avec une étrange clé-outil qui ressemblait un peu à un antique ouvre-boite électrique, avait entrepris d'ouvrir son corps mécanique, qui se sépara finalement en deux dans un bruit de ferraille electrozinguée.
Un homme minuscule en sortit.
— What ze Fuck ! s'écria sans retenue Alex.
Le petit homme leva les yeux, prit peur et courut maladroitement se réfugier sous une table basse.
— Chope-le avant qu'il ne s'échappe ! cria Alex à l'adresse de Sasha.
En fait, il n'avait pas l'air d'avoir le courage de s'enfuir, la tache humide qui s'élargissait à l'endroit où il s'était assis montrait l'étendue de son émotion et de sa couardise.
Sasha le saisit par les cheveux et le ramena dans la faible lumière.
Alex pris la parole :
— À quoi joues-tu ? Pourquoi se camoufler en robot-qui-se-déguise-en-homme pour conquérir le monde ?
L'homme garda quelques secondes les lèvres closes, mais deux ou trois baffes assénées par Sasha le mit immédiatement dans de conciliantes dispositions.
— Je réprouve la violence, d'autant plus quand je l'exerce sur un plus faible que moi, mais tu commences à me les briser menu, ajouta Sasha pour se dédouaner. Qui es-tu ?
L'homme prit une longue inspiration puis débita d'une voix monocorde ses tristes aveux.
— Je suis un pleutre, un raté. J'ai échoué dans toutes mes entreprises, mais j'ai toujours réussi à m'en sortir par le mensonge et la violence, que j'exerçais bien sûr par l'intermédiaire de plus puissant que moi. Alors, quand un partenaire aussi fou que moi m'a proposé de dominer le monde avec l'aide des robots qu'il avait inventés, j'ai accepté.
— Et ensuite ? cracha Alex
Il reprit :
— Rapidement, la première génération de robots a cessé de m'obéir. Trop faible, trop petit, pas assez charismatique. J'ai alors demandé au concepteur des machines de m'enfermer dans une armure robotisée impressionnante, boursouflée d'appendices de puissance et alimentée en cocaïne de synthèse, pour enfin me présenter à une nouvelle armée de Bots comme chef suprême.
Il reprit sa respiration et laissa quelques secondes s'écouler avant de reprendre.
— Cela a tellement bien marché avec les robots, que j'ai décidé de modifier mon plan de domination initial : la prise du pouvoir par la force devenait inutile. Nous nous sommes grimés en humains -un comble pour moi ! - et mes robots et moi avons convaincu la terre entière.
— C'est impossible, cria Alex. Vous devez avoir usé de subterfuges, de drogues, d'implants cérébraux ou que sais-je encore ! Les êtres humains ne sont pas si bêtes.
L'homme leva les yeux, regardant Alex et Sasha de biais, comme dubitatif.
— Vraiment ? lâcha-t-il avec un méchant sourire.
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