Chapitre 2 : Meadow

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Meadow - Forêt de Blinkster, 2003.


Je marche dans cette forêt, la nuit guide pas. J’ai un peu froid, mais je ne ressens pas de peur. Cinq ans que mes oiseaux m’aident à trouver ma nourriture, à me cacher des dangers. Je peux faire sortir des flammes noires du sol, elles obéissent à mes ordres. Balder et Halfin, mes deux corbeaux me parlent, et avec eux je ne me sens pas seule. Ils me disent de rester cacher, de ne pas me faire voir des autres humains, comme moi. Parfois, ils parviennent à prendre forme humaine, mutant de volatile à humain. Ils m’ont tout appris, tout montré. Je n’ai connu qu’eux, et ce sont les seuls qui restent à mes côtés.

J’ai décidé de me balader, de respirer l’air de la nuit. C’est si bon de se sentir un peu plus libre, même si cela reste dangereux. Je n’en peux plus de constamment vivre dans la peur. Une peur que je peine à ressentir, car elle n’a jamais été réelle. Je n’ai jamais été attaqué, poursuivi, ou encore menacé. C’est donc une méfiance que je peine donc à réaliser.

Je désobéis aux ordres, profitant qu’ils sont partis à la chasse. Ils n’en sauront rien, je serais revenue avant eux.

Mes pieds nus sont chatouillés par l’herbe fraîche, ce qui me fait sourire. J’ai l’impression que ça fait beaucoup trop longtemps que ça ne m’est pas arrivé.

Mes joues en sont douloureuses.

Un bruit m’alerte, des bruissements de feuilles font accélérer mon cœur. Et si c’était vrai ? Si j’étais réellement en danger ? Non, ce sont des mensonges. Pourquoi est-ce que l’on me voudrait du mal.

Les bruits continuent, devenant de plus en plus inquiétants et la panique commence à m’envahir. J’ai envie de courir, de fuir, mais mes membres se refusent à bouger.

Des pas approchent, peu à peu vers moi. Je sens mes mains se mettre à trembler, les ombres commencer à s’agiter face à mes émotions. Elles ont toujours réagi en résonance.

Mon souffle se coupe lorsque les pas semblent bien trop proches de moi.

— Bouuuuh !

Mon cœur frôle de s’arrêter lorsqu’une voix féminine résonne dans mon dos et qu’un corps atterrit droit sur moi. Je n’ai pas le temps de réagir que les ombres le font pour moi. Maintenant dans les airs cette fille qui ne semble pas plus âgée que moi.

Elle éclate de rire, et je ne vois d’elle que sa tignasse rousse complètement en bazar. Je la contemple, totalement incrédule. Elle est là dans les airs, entourée de volutes noires, et reste morte de rire.

— C’est trop drôle ton tour, tu m'apprendras à faire la même chose ?

C’est la première fois que je rencontre une autre humaine et en prime du même âge que moi. Un millier de questions se bousculent dans ma tête, toutes celles que j’ai refoulées jusqu’à maintenant.

Mais la première qui me vient en tête n’est autre que « Comment t’appelles-tu ? ».

— Léna ! Et toi ? me répond-elle à mesure que mes ombres la descendent au sol avec douceur.

Une fois au sol, elle s’approche de moi avec une vitesse que je n’avais jamais vue.

— Meadow, lui dis-je.

— C’est joli, mais c’est quoi ses yeux chelous que tu as ? Ils ne sont pas de la même couleur c’est dingue ! me demande Léna.

— Je ne sais pas, ils ont toujours été comme ça, je suppose, lui répondis-je.

— J’adore tes cheveux noirs, on dirait un corbeau ! Moi, ma louve est rousse comme moi !, me dit le moulin à paroles devant moi.

Sa louve ?

— Tu as un loup ? lui demandai-je.

— Mais non idiote, elle est en moi, me dit-elle en posant sa main sur son ventre.

De plus en plus étrange.

— Et toi, dis-moi comment tu fais pour faire pousser de la buée noire ! C’est trop cool ! Et c’est quoi ton animal ? je n’arrive pas à le sentir, me demande-t-elle.

— Je n’en ai pas, à part deux corbeaux. Et pour les ombres, c’est comme ça depuis que je suis bébé, lui répondis-je d’une voix faible.

— Mouais tu es quand même très bizarre comme fille, tu as même une marque sur le front, me dit-elle en pointant mon front de son doigt.

- J’ai cette marque depuis toujours… mais toi aussi tu es étrange ! lui répliquai-je, me sentant de plus en plus étrange face à elle.

Un silence s’installe entre nous, nous nous observons et curieusement j’aime ça. Elle a l’air drôle, j’aimerais m’amuser avec elle plus souvent. Elle me montrerait sa louve et je lui présenterais Balder et Halfin.

Je m’apprête à lui parler, à lui dire ce qui brûle ma langue. Lui poser toutes mes questions, qui sont restées sans réponse, peut-être qu’elle pourra y répondre.

Mais un grognement menaçant m’interrompt. Le feulement semble arrêter mon cœur, et en une fraction de seconde un immense animal me saute dessus, me plaquant au sol. Ma noirceur s’agite de nouveau pour le repousser, mais peine à le faire. J’ai peur, terriblement peur. C’est un loup gigantesque qui trône au-dessus de moi, menaçant, montrant les crocs.

Mon corps tremble intégralement, tant que je peine à le maîtriser. Je ne veux pas mourir, je ne veux pas me faire dévorer.

Soudain, je pense à Léna, elle aussi doit être effrayée. Je ne la vois plus et j’ai peur qu’elle soit elle aussi attaquée. Je reprends un peu courage, et tente de repousser ce monstre plein de poils. Des flammes noires jaillissent autour de moi, me protégeant et je tente de leur dire de trouver ma nouvelle amie, pour la protéger. Elles m’obéissent et j’en suis ravie.

— Stop, sorcière.

Une voix jaillit du corps du loup, qui se transforme peu à peu. Un homme en prend vite la place, un homme nu. C’est la première fois que je vois un autre humain sans vêtement. Les garçons sont donc si différents de nous les filles ? Mais l’homme qui se trouve au-dessus de moi est plein de muscles, et d’une taille impressionnante.

Sa main se place sans que je le sente venir sur ma gorge, je peine à respirer.

— J’ai dit arrête ça, ou ta vie je la prendrais dans la seconde.

Il souhaite que je laisse Léna à sa merci, mais jamais je ne le ferai.

— Plutôt mourir que de la laisser se faire manger par vous !

Les doigts autour de ma gorge se figent comme stoppés en plein mouvement. Sa tête se tourne vers la petite rousse entourée de mes flammes de protection.

— Ça va papa, ça ne brûle pas, lui assure-t-elle en passant la main sur les flammes avec amusement.

Papa ? Ce monstre est-il son père ?

La main qui entravait ma gorge se retire et le mastodonte me regarde d’un air étonné. Il regarde autour de lui, semblant sentir l’air, humer quelque chose.

— Que fais-tu seule gamine ? Où est ton clan ?

Un clan ? Peut-être une famille ?

— Je n’en ai pas, je vis seule dans cette forêt avec mes deux corbeaux.

— Tu vis seule ici ? Je ne t’ai jamais vu pourtant.

— C’est que vous ne savez pas bien regardé, monsieur.

Il se redresse, me laissant plus d’espace. Le cercle que j’avais confectionné s’évapore, je ne peux plus le faire tenir plus longtemps.

Léna en sort en trombe pour venir s'asseoir à côté de moi. Avec elle à mes côtés je me sens un peu mieux. L’autre balaise ne cesse de m'observer et ça me met mal à l’aise.

Il interrompt le silence, en se raclant la gorge.

— Je suis désolé de t’avoir attaqué. Nous les métamorphes, détestons les sorcières et j’ai cru que tu menaçais mon enfant.

Je comprends, c’est comme ça alors qu’agit un père pour protéger sa fille. J’aurais aimé connaître cela. Ma gorge se noue un peu à cette pensée.

— Et si tu venais avec moi ? Je n’aime pas savoir une enfant seule dans les bois.

— Mais papa, tu ne dis pas d’habitude que les sorcières sont comme de la peste ?

— Tais-toi, pour une fois on fera une exception. Cette enfant, malgré sa nature, me semble avoir une âme digne des loups.

— Trop bien, viens Meadow, je vais te présenter mon monde !

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