Escapade nocturne

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Mars 2022 - 21 h — Langon en Gironde

Alors qu’Anaïs insère sa clé dans la serrure, son chat se faufile entre ses jambes. Elle sursaute dans la pénombre.

- Oscar ? Mais, que fais-tu dehors ? demande-t-elle en le caressant. J’ai dû oublier de fermer une fenêtre.

Elle entre chez elle, le salon s’illumine. Elle pose son sac à main sur le comptoir de la cuisine avant d’enfiler son pyjama ainsi qu’un peignoir chaud. Elle ouvre la porte de sa chambre et éclaire la pièce. Soudain, elle étouffe un cri et tressaille, paniquée, tandis que la chatte se cache en un instant sous le lit.

Un homme de couleur est assis sur le fauteuil, en face d’elle. L’individu se lève timidement en mettant ses deux bras devant lui comme pour se protéger d’une éventuelle attaque.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur, dit-il d’un ton hagard.

Anaïs ne meut pas, trop effrayée par la présence inexpliquée de cet étranger. Habillé d’un pantalon de jogging et d’un pull, il ressemble à Bob Marley avec sa silhouette fine et ses cheveux tressés. Ses yeux noisette reflètent un profond désarroi. Tétanisée, elle fournit un effort colossal pour rester des plus naturelle.

- Que faites-vous chez moi ? bégaie-t-elle.

- Je fuyais quelqu’un. J’ai couru un moment. Je crois que je me suis endormi.

L’homme se frotte la tempe et se rassoit. Il parait désorienté.

- Comment êtes-vous entré ?

L’individu regarde en direction de la fenêtre.

- Elle était ouverte. J’avais froid alors je l’ai fermée. Je suis juste resté ici.

Anaïs se maudit d’être aussi étourdie, tout comme elle regrette son célibat. Elle s’installe sur le lit sans quitter l’intrus des yeux. Son cœur cogne dans sa poitrine. Elle doit feindre la complicité pour s’en sortir.

. Elle demande d’une voix douce.

- Vous dites avoir fui, êtes-vous blessé ?

- Non. Vous avez l’air gentille, pas comme les autres, là-bas. Tout à coup, il s’agite sur le siège. Eux, ils sont méchants.

Anaïs perçoit sa détresse.

- Ne vous inquiétez pas, d’accord ? Je suis de votre côté. Qui sont les autres ?

- Les gens en blouse blanche, commence-t-il doucement avant de s’agacer. Ils me donnent des cachets pour me faire du mal. Parfois, j’arrive à les duper, ils me mentent tout le temps.

Soudain, les yeux de l’individu s’animent. Il se penche vers Anaïs.

- Chut… fait-il en mettant son index devant sa bouche. Je ne dois pas dire qu’elle existe. C’est un secret, chuchote-t-il à présent.

Anaïs comprend que son visiteur gît dans une institution médicale.

- Vous avez raison. Ces gens sont méchants.

Puis elle se penche à son tour et murmure :

- Vous pouvez me raconter. Qui n’existe pas ?

L’homme sourit. Il se frotte les mains joyeusement :

- C’est vrai ? Je peux vous le dire ?

Il retire une petite photo de la poche de son pantalon. Anaïs recule face à ce geste soudain.

- Regardez, elle est magnifique, n’est-ce pas ?

Anaïs saisit le cliché. Une femme métisse d’une quarantaine d’années, dont les cheveux noirs sont noués en une queue-de-cheval, enlace son partenaire.

- C’est votre épouse ?

L’homme reprend la diapositive pour y déposer un baiser.

- Oui, c’est Rosa. Je m’appelle Marvin.

- Moi, c’est Anaïs. Vous formez un beau couple. Je peux vous conduire chez vous. Rosa doit vous attendre.

Une larme roule sur les joues de Marvin.

- Non, ce n’est pas la peine. Rosa a disparu… Je me souviens maintenant lorsque je courais, Dieu m’a dit de venir chez vous… pour retrouver ma femme. Elle se cache quelque part, j’en suis certain.

Stupéfaite, Anaïs ouvre la bouche et écarquille les yeux :

- Je ne sais pas comment faire pour vous aider.

- Je peux faire des recherches sur Rosa, si vous voulez.

Anaïs se lève. Son corps est engourdi. Elle se dirige dans le salon, appuie sur l’interrupteur et attrape son ordinateur portable posée sur la table basse. Elle s’assoit sur un fauteuil de cuisine.

- Venez, Marvin, invite-t-elle d’une voix peu assurée.

Il obéit et la rejoint d’une démarche lente puis reste debout de l’autre côté du comptoir.

- J’ai besoin du nom de votre femme.

- Elle s’appelle Rosa Manpuya.

Anaïs se retient de hurler et se montre des plus coopérative. Ses doigts tremblent sur le clavier.

- Alors, vous avez quelque chose ?

- Je suis désolée, Marvin. Je n’arrive pas à me connecter sur internet pour effectuer les recherches. Il doit surement y avoir une panne technique chez le fournisseur.

- Il me faut ces informations. Il doit bien y avoir un moyen.

- Je ne travaille pas chez Orange. Seul un employé de la société peut intervenir.

Marvin, soupire, déçu.

- Je ne peux rien faire pour vous. Pourquoi vous n’allez pas voir la police ? Ils trouveront l’adresse de votre femme en quelques minutes.

- Mais vous ne comprenez pas ! Ils sont de mèche avec les autres, ils vont me renvoyer là-bas !

- Écoutez, je suis désolée pour vous, mais vous ne pouvez pas rester chez moi plus longtemps. Je compatis à votre désarroi, mais je ne suis pas la personne qu’il vous faut. Si vous le souhaitez, allez voir mes voisins. Comme chacun a un fournisseur différent, l’un d’entre d’eux sera certainement en mesure de vous aider.

Marvin marche d’un pas plus nerveux dans la cuisine. Il croise les bras.

- Je partirai quand je l’aurai décidé. Vous devez retrouver Rosa d’abord, Dieu me l’a promis ! dit-il en montrant son doigt au plafond. Et on ne discute pas les ordres de Dieu.

Anaïs sent qu’elle perd le contrôle de la situation. Elle se lève et se dirige vers la porte d’entrée :

- Faites comme bon vous semble ! Moi je m’en vais.

Marvin l’empêche de sortir et la retient par le bras.

- Ah, mais… j’ai compris ! Vous êtes de leur côté, c’est ça ? Oui, bien sûr…

- Comment ? demande Anaïs, stupéfaite. Mais non, enfin ! Lâchez-moi ! Vous me faites mal !

Marvin se rapproche d’elle, le regard menaçant :

- Vous croyez que je ne vois pas votre petit jeu ?

Anaïs se débat et réussit à s’éloigner de Marvin, qui la bouscule en tentant de la ramener vers lui. Elle tombe sur le carrelage et ressent une douleur au niveau du genou. Marvin se précipite sur elle.

- Excusez-moi, je ne voulais pas…

- Partez de mon domicile ! Tout de suite !

Au même moment, Oscar rejoint Anaïs et pousse des miaulements stridents. Marvin, qui se retrouve pour la première fois en contact avec lui, recule en hurlant.

- Enlevez cet animal ! vocifère-t-il.

Anaïs se relève et court vers le cellier. Elle attrape une boite en métal sur une étagère. Elle ouvre l’écrin et se saisit de son pistolet d’alarme : cadeau de son père, collectionneur d’arme à feu. Déjà muni, il ne lui reste plus qu’à tirer en cas de danger. Elle revient dans la cuisine et tient Marvin en joue. Il s’avance brusquement vers elle.

- Non, attendez…

La détonation résonne. Touché au torse, Marvin pose la main sur sa blessure et peste de douleur. Il court aussi vite que possible vers la porte d’entrée. Il saute par-dessus le grillage puis continue sa fuite dans le lotissement.

Une heure plus tard, Anaïs apprend par l’agent de police qui a recueilli son témoignage que Marvin souffre de graves troubles mentaux. Il s’est évadé ce matin de l’hôpital psychiatrique dans lequel il séjourne. En ce qui concerne Rosa, il l’aurait tué et mis le feu au domicile conjugal, dans un moment d’hystérie, pour effacer les preuves de sa culpabilité.

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Escapade nocturneChapitre2 messages | 2 mois

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