Rwarpf
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Sur le chemin du retour Septembre entendit distinctement une clameur furtive, des voix surprises, heureuses le temps d'une seconde, puis plus rien, la rue redevint bruyante à son habitude, un élan réprimé instantanément. Mais ce fut assez pour attiser sa curiosité.
Ce n'était pas son quartier, elle n'avait aucune raison de faire un quelconque détour de sa route. Les caméras auraient pu la voir. Et cette partie de la ville avait une sale réputation, les gangs avaient fait fuir les milices et seule la police d'État pouvait encore intervenir.
Néanmoins ... Celleux qui avaient produit le son ne devaient pas être loin, à quelques dizaines de mètres sur la droite, tout au plus. Septembre, sans plus hésiter mais bon sans une dose de courage soudain, s'engouffra alors dans une ruelle sombre, jeta un œil à la caméra de protection citoyenne en face d'elle, baissa le menton et vint le plaquer entre ses clavicules, en remontant les épaules, comme si cela pouvait vraiment aider.
À gauche, à une trentaine de mètres, une nouvelle bifurcation . En approchant, Septembre remarqua un souffle étrange, rapide et régulier.
Ce souffle émanait d'un petit couloir entre deux bâtiments, à peine plus large qu'une personne, cinq mètres de profondeur avec, au milieu, un portail branlant ouvert. Derrière il y avait une place publique enfermée entre de grands immeubles crasseux, colorés par des dizaines et des dizaines de draps et de vêtements séchant aux fenêtres.
Et sur cette place, il y avait une centaine de personnes aglomérées autour de quelqu'un ou quelque chose.
Septembre approcha encore, intriguée et émerveillée, elle se fraya un chemin pour voir.
Au centre de la ronde se tenaient un homme et une femme, toustes deux se faisaient face dans une position animale. On eût dit qu'iels étaient prêt•es à bondir et s'entretuer à mains nues.
Leurs deux corps montaient et descendaient sur leurs genoux, comme sur ressorts, au rythme du souffle rauque produit par la foule amassée tout autour. Car oui, c'était un souffle humain bien que lui aussi puisait sa source dans les profondeurs animales de la chair. Il sonnait comme mille tambours de guerre au cœur d'une jungle ou d'un désert où l'humain n'a pas sa place.
Septembre regarda un premier pas de la femme, un second de l'homme. Iels commencèrent à tourner l'un•e autour de l'autre en se fixant intensément du regard.
Mais se voyaient-iels vraiment sous leur forme d'os et de chair ?
Iels se toisaient, s'apprivoisaient. Iels étaient en transe. La foule était en transe.
Le souffle lancinant se faisait discret pour ne pas attirer l'attention sur cette place exiguë engorgée et, pourtant, il faisait vibrer le corps de Septembre. Elle le sentait pulser dans ses oreilles, elle le sentait dans ses talons. Une énergie folle grandit au fur et à mesure en elle, elle l'envahit des pieds à la tête, du bout des doigts jusqu'aux tréfonds de ses tripes.
Leurs bras s'envolaient, leurs pieds caressaient le sol ou le martelaient, leurs corps tournoyaient, parfois seul•es parfois ensembles, main dans la main, front contre front, bassin contre bassin.
Une voix s'éleva , elle aussi dans un souffle. Une femme entama une chanson dans une langue que Septembre ne connaissait pas. C'était une cascade de glace et de feu, c'était cristallin et gutturale à la fois.
Septembre entra en transe avec les autres. Sans le vouloir, elle se mit à souffler également, d'abord du nez puis de la gorge puis du ventre et, enfin, des entrailles. Le même râle, avec les autres.
Rwarpf
Rwarpf
Rwarpf...
Elle se vit elle, enfant, grandissant peu à peu, apprenant de la défaite, petit à petit.
Rwarpf
Rwarpf
Rwarpf..
Elle ne fit plus qu'un•e avec la foule.
Rwarpf
Elle oublia la peur Rwarpf oublia qu'aux fenêtres il y avait des centaines d'yeux qui pouvaient la voir et la dénoncer Rwarpf elle ne remarqua pas qu'elle était là la seule blanche et qu'il était très mal vu de se mélanger Rwarpf
Mais iels ne faisaient plus qu'un•e.
Rwarpf
Iels se touchaient et respiraient ensemble, voyageaient la où voyageaient la danse et le chant.
Iels avaient réussi à remplacer la musique interdite en effaçant l'interdiction.
Iels arrachaient les liens invisibles qui les condamnaient à cette ville. Et ils s'envolaient.
Rwarpf
Rwarpf
Rwarp
Alors, quand la danseuse et le danseur se jetèrent l'un•e sur l'autre et que leur corps s'entrechoquèrent dans un élan parfaitement maîtrisé, les larmes en équilibre sur les paupières de Septembre éclatèrent sur ses joues.
Et, avec toutes les personnes présentes autour d'elle, en chœur, Septembre laissa échapper un cri de bonheur et d'espoir non-contenu qui devait probablement entendre de la rue principale, à quelques dizaines de mètres.Et, avec toutes les personnes présentes autour d'elle, en chœur, Septembre laissa échapper un cri de bonheur et d'espoir non-contenu qui devait probablement entendre de la rue principale, à quelques dizaines de mètres.
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