Un type en stéréo.

Image de couverture de Un type en stéréo.

J'ai toujours eu le regret des banquettes en bois cirées ; celles que l'on retrouve, infatigables seconds rôles, sous les fesses de velours côtelés de voyageurs transits, d'Est en Ouest, entre l'impatience d'arriver à l'heure d'une gare nouvelle et la terreur étouffée, dans un silence 16:9, conjurateur un peu gauche, d'un braquage inévitable. Terminus inattendu, escale sans ticket, pendue au bout de ces bandanas où s'accroche l'aventure ; tout le monde lève les bras, bon public, applaudit, crisse un cran d'arrêt à cette routine de fer. Se vide les poches. Se vide les yeux ; mouille le sillon interfessier d'une angoisse de non-retour à la normale.

Normal, il n'y a pas plus phobique qu'un passager dûment enregistré, dans son bon droit, dans le bon transport, sur la bonne voie ; le moindre retard lui scie les câbles en carton-pâte de la convenance. Con venu à la conclusion, comme un grand, seul, au monde, qu'il n'y a drame que dans sa trame. Alors, forcément, c'est là où il joue sa tragédie égotiste. Pas bête. L'audience est tout ouïe, médusée par son jeu d'acteur. Par contre, niveau costume... déception. Le premier rôle ne porte même pas de stetson.

— Personne ne bouge, y aura pas d'bobos !?

D'accord, les dialogues sont à chier. Mais, probable que ce soit de l'impro, et puis faut dire que c'est plus facile de cracher de belles tirades raciniennes devant un miroir, le soir, en solo, que derrière un Colt en plein jour. J'ai pas raison ? Notre zig a la chemise hawaïenne qui fait du surf dans la sueur, en nage, elle déborde sur ses cuisses. Si fort que j'ai la vague certitude que, dans notre situation, la noyade est le seul risque encouru. Drapeau rouge. Personne ne pense jamais aux canots de sauvetage dans un bus ; la seule vedette ici, c'est le pilote. Le nôtre fait une bise à un vieux tonton d'Amérique qui pique, de passage, bouche froide sur la tempe, il ne semble pas vouloir brûler les étapes, par un enthousiasme mitigé, il négocie à la gueule.

Le quidam aboie :

— À la frontière !

Bon, là, ça devient navrant ; il manque comme qui dirait un States of America à son union. Bref, le volant coopère. On a tous gagné une virée en Espagne ; même s'il faut avouer que ce n'est plus tout à fait exotique depuis qu'on peut s'y rendre sans hablar español un poquito. Mais, tout bien pensé, pour un duel au soleil, ça se considère ; Serge le Lion ne s'est pas vautré là-dessus. Par contre, Almeria... Espérons que le Don qui shot n'a pas l'ambition folle de tirer un urbain jusqu'en Al-Andalus. Au pire, on pourra toujours aller se faire voir à las Bardenas. Faut pas rêver trop grand, quand on braque un autocar ; les gangsters qui finissent aux Bahamas ne prennent pas les transports en commun.

J'en ai ma claque.

Son ridicule me titille la gâchette. Je me lève. Pour lui donner le clap de fin. Le gonze se croit tellement loin devant qu'il n'a plus le moindre égard pour ce qui se trouve derrière. Mais, moi, je suis joueur et tout à gagner dans sa victoire. Je crois en lui ; lui sort un avertissement de scène finale : attention violence :

— John Waynes, c'est toi ou c'est moi ?

Pardonnez-moi si je m'abaisse au niveau. Le type me présente un air vitulin, tout juste avoué par sa vache de mère :

— Mais tu fais quoi ducon ?!

Je meurs un petit peu tous les jours...

— Dégaine cow-boy !

— Quoi ?!

Click...

Pan!

Son interrogation vient moucheter de rubicond la visibilité du conducteur qui n'en croit pas ses lunettes. Tant, qu'il en sort une petite peau de chamois de son uniforme, retire ses binocles, efface toutes traces du copilote. Personne ne moufte devant une erreur de scénario si grossière. J'approche, me plante comme un palmier en plastic en pleine toundra scandinave, devant la surprise étalée, grotesque, morte, sur les marches. Je lui tire son feu. Un vrai, chargé. Parfait. J'abandonne le mien, vide de ma balle :

— Place royale, s’il vous plaît.

Avec la politesse on parvient à tout. Les portes ne tardent pas à s'ouvrir ; le boyau se purge comme sujet à une violente diarrhée. Capitaine compris. Ne restent plus que moi et mon complice en éternité. Une dernière considération pour le vaincu vainqueur :

— À tout à l’heure, gros.

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En réponse au défi

Anti Clichés

Lancé par Marina Delanos

Tout est dans le titre, mais laissez-moi vous expliquer...

Tous les jours nous sommes entourés de stéréotypes. on en bouffe à toutes les sauces, à longueur de temps !

Alors je vous propose ceci : écrivez une micro-nouvelles sans aucun stéréotype ! (ou le moins possible).

A vos plumes ^^

Commentaires & Discussions

Un type en stéréo.Chapitre19 messages | 10 mois

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