Ce n’est pas le manque de mots.
Ils sont là, partout,
accrochés aux murs du crâne,
en files désordonnées,
prêts à jaillir.
Mais parfois, ils restent coincés.
Non par paresse.
Par peur.
La peur du blanc,
ce vide qui nous regarde en silence,
comme si le silence savait déjà qu’on n’y arriverait pas.
La peur du médiocre.
De ce texte qui ne sera jamais aussi fort que l’émotion qui l’a fait naître.
De ces phrases qu’on relit et qu’on trouve tièdes,
alors qu’on les rêvait brûlantes.
La peur d’être lu.
Mais aussi celle de ne pas l’être.
Ce double vertige.
Et au milieu,
la peur de la longueur.
D’en dire trop.
D’user les mots jusqu’à les rendre transparents.
D’étirer une idée comme un fil fragile,
jusqu’à ce qu’il casse et qu’on ne sache plus pourquoi on écrivait.
Et puis il y a cette autre peur, plus récente, plus froide,
celle qui porte un nom d’algorithme.
La peur qu’on dise :
« Ce que tu veux écrire, une IA peut déjà le faire. »
Et parfois, c’est vrai.
Elle le fera plus vite.
Plus clair.
Avec moins de doutes.
Mais elle n’aura pas ce tremblement.
Ce petit chaos entre les lignes.
Cette hésitation humaine,
parfois bancale,
parfois belle.
Alors, ce qui freine, ce n’est pas seulement l’outil.
C’est le regard.
C’est la comparaison.
C’est cette voix en nous qui dit :
« Ce n’est pas assez. Tu n’es pas assez. »
Mais vient un moment où le silence pèse plus que la peur.
Où ne pas écrire devient plus douloureux que de rater.
Alors on revient.
On rouvre le carnet.
On rallume l’écran.
Et on laisse couler.
Des mots peut-être simples.
Des phrases peut-être boiteuses.
Mais les nôtres.
Vraies. Vivantes. Fragiles.
Et profondément humaines.