Chapitre 7 :

7 minutes de lecture

11 juillet 2021

Kasper :

Je me sens minuscule au milieu des autres campeurs.
Attablé au milieu de la terrasse du restaurant, j'observe Kate sourire de toutes ses dents. Elle nous raconte depuis plus d'une heure comment se passe sa vie à l'autre bout du pays. Elle vit près de la fac dans laquelle elle étudie et de ce fait, nous la voyons que très rarement. Je suis heureux qu'elle soit là, elle me manque énormément et sa joie de vivre contamine tout le monde. Bien qu'elle soit parfois un peu trop sévère, elle est aussi d'une douceur exquise lorsqu'il le faut. C'est la seule qui ne m'a jamais reproché mon attitude trop réservée et qui ne voit pas d'inconvénient à ce que je reste dans ma chambre la plupart du temps. C'est aussi avec elle que j'ai le plus de facilité à parler, me confier et depuis son départ, je me sens terriblement seul.

— Bon, lâche abruptement papa, il est temps pour nous d'y aller. Milla, tu viens avec nous !

— Quoi ? Mais pourquoi ? se lamente-t-elle.

— Tu verras, c'est une surprise.

Son visage s'illumine et un sourire orné d'acier étire ses lèvres.

— J'adore les surprises !

Maman pouffe de rire en attrapant la main de ma petite sœur puis vient déposer un baiser sur mon front et celui de Kate avant de s'éloigner en taquinant Milla. On les regarde partir, en silence, jusqu'à ce qu'ils disparaissent et que Kate pivote dans ma direction.

— Que vont-ils faire ?

— Ils vont au cinéma. Milla les bassine avec le nouveau Disney depuis des jours, ils ont fini par capituler.

— Elle réussi toujours à avoir ce qu'elle veut cette petite, s'amuse-t-elle. Elle ira loin, je te le dis moi.

J'acquiesce, ne sachant pas quoi dire. C'est certain qu'avec le caractère qu'elle a, elle ne se laissera pas marcher sur les pieds.

— Et toi, mon Kas, comment tu vas ? me sourit-elle en passant ses doigts dans mes cheveux.

— Ça va, soupiré-je, comme d'habitude.

Elle me fixe quelques secondes, puis hoche la tête sans insister davantage.

— Les parents m'ont dit que tu avais pour mission de d'intégrer cette année. Où en es-tu pour le moment ?

— Eh bien... j'ai terminé mon livre hier soir.

— Je vois, pouffe-t-elle, mais encore ?

— J'en ai commencé un autre ce matin.

Son regard plonge dans le mien durant une longue minute. Elle me détaille, me scrute avec intérêt et je sais parfaitement ce qu'elle cherche à faire. Kate tente de lire en moi, de trouver les réponses à ses questions sans me contraindre à parler. Elle y arrive souvent, mais cette fois, je ne lui laisse pas l'occasion d'y parvenir, me refermant comme une huître. Je secoue la tête, m'extrayant de ses yeux bleu-nuit qui lui procurent une certaine assurance. Du bout des doigts, je triture ma serviette en papier et regarde sans vraiment la voir, l'assiette vide qui traine sous mon nez

— J'ai une idée ! s'exclame-t-elle après un temps. Tu te souviens, quand tu étais petit, on faisait des exercices pour t'aider à vaincre ta timidité ?

J'acquiesce, soudainement tendu. Je me rappelle parfaitement de ces " challenges " qui consistaient à me surpasser. Parfois, elle m'envoyait à la boulangerie à la sortie de l'école pour que j'aille chercher le goûter, ou chez la voisine pour déposer son courrier qui venait se perdre dans notre boite aux lettres. J'admets qu'à cette période cela m'aidait, mais nous ne l'avons pas fait depuis des années et je crains ne pas en être capable cette fois.

— Katherine... soupiré-je sans la regarder, le cœur battant et les joues déjà bien chaudes.

Sa main vient se poser sur mon bras, puis son index forme de petits ronds sur ma peau. Son contact m'apaise très légèrement, mais pas suffisamment.

— Je te demande seulement d'essayer, Kas. Si tu te trouves en mauvaise posture, je viendrai t'aider. D'accord ?

Mon regard croise le sien lorsque je relève la tête, le sourire d'encouragement qu'elle m'offre me fait accepter sans vraiment réfléchir, mais une crampe vient tout de même me vriller l'estomac.

— Que veux-tu que je fasse ? demandé-je à contrecœur.

— Nos verres sont vides, sourit-elle, et je ne dirai pas non à un thé glacé !

Mes yeux s'arrondissent et ma respiration se dégrade lorsque je tourne le menton vers le bar. Silas est là, un sourire enjôleur aux lèvres et discutant avec un couple de vacanciers. Jusqu'ici, je ne l'avais pas remarqué. En réalité, je n'avais juste pas songé à observer les alentours mais désormais, je ne vois que lui et ses yeux verts qui brillent lorsqu'il parle. Mon cœur s'emballe, repensant à notre tête-à-tête d'il y a deux jours et à la demande plus qu'étrange qu'il m'a fait. Ce soir là, j'ai seulement bredouillé un " je ne sais pas, je vais réfléchir " d'une façon lamentable, avant de prendre mes jambes à mon cou pour détaler le plus rapidement possible. Ensuite, j'ai volontairement oublié de sortir du bungalow pour ne plus croiser sa route. Ce soir, je n'ai pas eu le choix que de prendre sur moi, étant donné que Kate est arrivée comme une jolie fleur et que nos parents ont pris la décision de nous emmener manger au restaurant.

— Je... commencé-je en inspirant brusquement. Je... ne sais...

— Calme-toi, Kas ! me conseille ma grande sœur. Ça ne va te prendre que quelques secondes. Je te l'ai dit, si je vois que tu ne t'en sors pas, j'accours pour te venir en aide.

— Très bien, capitulé-je en me levant de mauvaise grâce. Un thé glacé, alors ?

Elle acquiesce en levant le pouce, puis lentement je me dirige vers le bar. J'évite de détourner le regard vers Silas et m'approche de Thonyo qui s'affaire à essuyer des verres. J'aurai probablement plus de facilité avec lui, je le connais depuis bien plus longtemps et lui, ne me mets pas mal à l'aise à l'instant où je croise son regard. Enfin, si, mais moins que son collègue à l'accent anglais.

— Salut gamin, lâche-t-il, que puis-je pour toi ?

— Je voudrais...

Je n'ai pas le temps de continuer, coupé dans ma lancée lorsqu'un bras passe autour des épaules de Thonyo et que la crinière brune de Silas apparaît face à moi.

— Je m'occupe de lui, dit-il en souriant, toi, va plutôt servir la jolie métisse là-bas.

Je déglutis difficilement lorsque le barman me souhaite une bonne soirée, me laissant seul face à celui que j'évite depuis deux jours.

— Bonsoir, s'exclame-t-il en posant ses coudes sur le bar face à moi et ainsi, réduisant l'espace entre nous. Tu t'es enfin décidé à sortir de ton terrier.

Ma gorge s'assèche tandis que mes doigts se crispent sur le comptoir. Je jette un œil en arrière, tentant d'appeler ma sœur à l'aide en un regard. Elle me sourit puis hoche la tête, me faisant comprendre que tout va bien, pourtant, mon cœur bat trop vite.

— Je... non, enfin, oui, bégayé-je laborieusement. Je voudrais un... thé glacé et un verre de jus de fruits... s'il te plaît.

Silas m'observe, silencieux pendant un court instant, puis son regard passe au-dessus de mon épaule.

— Elle est jolie, ta sœur. Tu lui ressembles beaucoup.

— Oh... euh, oui. Oui, c'est vrai.

Son attention se repose sur moi, ses yeux clairs ancrés aux miens enflamment mes joues.

— Je te prépare ça, dit-il finalement en se détournant.

Deux minutes plus tard, il pose les verres face à moi en souriant. Je m'apprête à les attraper, cherchant à partir rapidement mais il n'est pas d'accord avec ça et pose ses doigts sur les miens avant que j'empoigne le gobelet. Mon cerveau s'active et je cherche à réprimer mes tremblements. Son contact disparaît et c'est un regard contrit qui me fait face désormais. Il sourit, puis baisse la tête avant de me regarder à nouveau.

— J'ai mes après-midis de libres cette semaine, déclare-t-il. Si tu veux, on peut commencer les cours que je t'ai proposés. Enfin... seulement si tu acceptes mon offre.

Mes paupières se ferment, tandis que j'essaie de respirer sans avoir l'air d'être sur le point de mourir. Ma peau me démange, mon corps est brûlant et j'ignore comment calmer le rythme effréné de mon palpitant. Un souffle chaud effleure ma joue, m'obligeant à rouvrir les yeux pour découvrir le visage de Silas beaucoup trop près du mien.

— Alors, qu'est-ce que tu en dis ? murmure-t-il en me fixant d'une façon qui me déconcerte.

— Je..., je dois... y aller. Kate m'attend.

— Je vais te libérer, ne t'inquiète pas. Mais avant, donne-moi une réponse. Je ne te détesterai pas si tu refuses. Je serai peut-être un peu vexé et déçu sur le coup, mais bon, rien de bien grave.

Je relève la tête dans sa direction. Avec le peu de courage que je possède, je maintiens son regard, bien que ma gêne soit oppressante. Ses yeux sont pétillants, semblent impatients, son sourire est doux, presqu'encourageant et fait défaillir mon cœur déjà mis à mal. J'avale difficilement ma salive, avant d'attraper les verres.

— Je..., oui. Ok, m'entends-je répondre. À plus.

Le cœur battant à tout rompre, je m'éloigne de lui sans même tenter d'analyser sa réaction. Je suis essoufflé lorsque je pose ma commande sur la table et reprends place près de Kate.

Bon sang, mais qu'est-ce que j'ai fait ?
Qu'est-ce qu'il m'a pris d'accepter un truc pareil ?

T'as perdu l'esprit, Kas !

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