Sauvée ?

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Lorsque j’ouvre les yeux, un plafond blanc et une douce ont remplacé le ciel azur.
Il fait chaud, je suis allongée confortablement, comme sur un nuage. Je ne ressent aucune douleur. Un drap léger me couvre tout le corps jusqu’au cou. Je suis bien.
En relevant la tête, j'aperçois à travers une immense baie vitrée, Central Park qui s’étend à perte de vue. De nombreux tableaux garnissent les murs et un épais tapis blanc recouvre le sol.
Comment suis-je arrivée ici ? Je devrais être morte. L’Arg’Va allait me déchiqueter. Je me souviens maintenant, sa tête a explosé. Mais pourquoi ?

  • Tu es enfin réveillée Gamine, dit une voix grave provenant de ma gauche.

Je me redresse d’un coup et me tourne vers la voix. Ma vision se brouille un instant, puis redeviend nette. Un homme barbu, la cinquantaine, est assis dans ce qui doit être la cuisine. Une longue cicatrice lui barre son œil gauche du sourcil jusqu'à la joue. Les traits de son visage sont détendu mais le gris métal de ses yeux gris me terrifie. Un frisson me traverse tout le corps. Il se remet à manger, sans me prêter plus attention.
Instinctivement, je m’enfonce le plus possible dans le dossier du canapé. Le drap glisse et je me m’aperçois que je suis en sous-vêtement. Je récupère le drap et tente de me couvrir avec.

  • Que m’avez-vous fait, dis-je d‘une voix chevrotante.
  • Calme-toi gamine, répond l’homme d'une voix atone entre deux bouchées. Tu étais salement amochée et ta blessure pissait le sang. J’ai dû enlever ton treillis pour te soigner.

Un épais bandage part de mes côtes jusqu’au milieu de ma cuisse. Il ne reste que quelques traces de sang seché autour de mes sous vêtements, qui son dans un piteux état. Il a dû me laver aussi. Je tressaille à cette idée. Les genoux contre ma poitrine, la gorge serrée, l’estomac qui se tord, je ne peux faire un geste. Je me sens comme une tortue sans sa carapace. Je serre très fort le drap contre moi.
L'homme se lève, ouvre un placard et en sort une assiette et des couverts qu'il pose devant lui. Alors qu'il s'est remis à manger, je remarque seuleument la délicieuse odeur de viande qui flotte dans l'air. Je suis morte de faim. Les contractions de mon estomac n’étaient pas dues seulement à la peur au final. Je reste recroquevillésur le canapé pendant plusieurs minutes, ne sachant quoi faire.

  • Tu attends quoi ? Ca va être froid, dit l'homme séchement
  • Je n’ai pas de vêtements, j’arrive à bredouiller.

Il fronce les sourcils, pousse un long soupir et pose lentement ses couverts. D’une démarche trainante, il sort de la pièce. Je ne bouge pas un muscle, je ne peux pas. Pas en sous-vêtement. C'est idiot, je le sais. Je triture le drap en regardant le tapis immaculé. Il est si beau, tellement épais. Rien à voir avec ce que l’on trouve dans la Zone Fortifiée.

  • Oh !

Je ne peux retenir un cri. En levant les yeux, je vois sa grosse main qui me tends des vêtements. Il les lâche devant moi et retourne vers la cuisine en boitant. J’enfile tant bien que mal le jogging et le T-Shirt tout en me cachant avec le drap. Qu'ils sont doux. Je n'ai jamais vu des vétements comme ceux là.

  • Merci, lui dis-je.

Il balaie mes paroles de sa main libre.
Je me lève, les bras contre ma poitrine, mes mains tenant le bout de mes manches. Elle est loin, la fille qui a mis cinq cents grammes d'explosif dans le ventre d'un Arg'Va. Je ne ressens aucune douleur, pourtant vu le bandage, la plaie doit être énorme.

Assise devant devant ce qui est maintenant mon assiette, les vannes de mes pensées s'ouvre à fond.
Qu'est ce que je fais ici ?
Est ce que je suis en danger ?
Qu'est ce qu'il me veux ?
Je ne peux retenir un rire.
Est ce que je suis en danger ? Quelle question : Bien sûr que oui ! En plein New-York, l'une des villes les plus infestées du nord de l'Amérique.
L'homme me dévisage. Il doit se dire que je suis folle pour rire comme ca.

Il pousse un grognement d'éxaspérationn, prend une cuisse de la volaille qui se trouve dans le plat et la met dans mon assiette.

  • Pour les haricots, tu as besoin d'aide ou tu sauras te servir toute seule, aboie t'il à moitié en me désignant le plat de sa fourchette.

Après m'etre servi, je contemple mon assiette. Une énorme cuisse de poulet et ce qui doit être des haricots verts.J e n'en ai jamais mangé. Dans la Zone Fortifié, on ne mange que des tablettes de protéiniques, qui n'ont aucun goût. Il est arrivé que mon père me ramène un lapin ou un renard lorsqu'il devait travailler hors des fortifications. Tous les ouvriers font ça, ils posent collets en espérant attraper du quelque chose.

  • Mange Gamine, me dit-il d'un ton bourru.
  • Elana, dis-je en chuchotant.
  • Quoi ?
  • Je m'appelle Elana,je répète d'une voix plus assurée
  • Tant mieux pour toi. Mange !

Je mord à pleine dents dans ce que je pensais être du poulet, mais c'est beaucoup trop gros pur en être. Ce n'est pas que j'en mange souvent, mais mon père s'arrangeait toujours pour en ramener un à la maison pour Noël. C'est délicieux. Je dévore la cuisse et ne laisse rien sur l'os. Je reprends mes esprits alors que je me lèche les doigts.

  • Dépêche toi de finir, je veux débarrasser.

Je hoche la tête et finis les haricots en trois bouchées. Pourquoi est il comme cela avec moi après m'avoir sauvé et soigné ? Il me fait peur et je n'ai rien pour me défendre.

  • Où est mon arme ? dis je du ton le plus neutre possible.
  • Pourquoi, tu veux buter le canard ? Il est déjà mort tu sais.

Un long silence s'installe. Il me dévisage, ces yeux d'acier lourd de menace.

  • Ou c'est peut-être moi que tu veux buter ?

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