Chapitre 5 (Pt.2)

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Soudain, des murmures le sortent de ses songes. Néo reste à l’affût du moindre bruit suspect, essayant de capter la moindre présence auprès de lui. Un frisson le parcourt lorsque le silence lui répond. C’est alors qu’une voix s’élève de nulle part, marmonnant des paroles incompréhensibles. On aurait dit une sorte de sifflement. Mais le timbre de cette voix lui fait penser à celle d’une femme. Le héros se met sur ses gardes, amorçant un mouvement pour descendre de son soubassement. Son katana se trouvant de l’autre côté de la rive, il n’a aucun moyen de se défendre. Et Satoshi est bien trop loin pour voler à son secours, si toutefois il parvenait à entendre ses cris de détresse. Même l’eau sous ses pieds constitue un véritable danger. Impossible de savoir ce qui se cache dans les profondeurs. Peut-être qu’une chose l’épie, là, quelque part sous lui, attendant juste le bon moment pour l’attaquer. Le garçon entend de nouveau susurrer, mais cette fois, si proche, qu’il a un mouvement de panique. De l’eau gicle à la suite de son mouvement précipité, troublant ses sens et lui donne la désagréable sensation que quelque chose nage près de lui.

Un nouveau frisson d’effroi le secoue tandis qu’il s’éloigne de la cascade. Chaque brasse qu’il fait lui semble lente. La berge lui paraît si loin qu’il a l’impression de faire du surplace. Comme au cœur d’un cauchemar, il met toutes ses forces pour nager jusqu’au bord, mais sans jamais y parvenir. Il sent alors le mouvement du courant sous ses pieds et une matière lisse lui frôle la cheville. Ses yeux s’écarquillent et un sentiment de terreur s’empare de lui. Les chuchotements reprennent. Le sang de Néo se glace en comprenant le sens de ces mots.

— Ne touche pas aux sept créations…

— Qui est là ?

Néo gesticule dans l’eau tout en essayant de trouver la provenance du son. L’effroi le fait suffoquer.

C’est après ce qui lui semble une éternité que sa main entre en contact avec la rive. Il use de toutes ses forces pour remonter et s’éloigne de la lagune. Son dos se colle à la roche derrière lui tandis qu’il halète bruyamment. Il reste figé, fixant l’eau qui ne lui a jamais paru aussi calme jusqu’à présent. Les minutes passent jusqu’à ce qu’il finisse par retrouver son calme. Il n’y a qu’une explication à tout ça : la fatigue doit le faire halluciner. Sauf si la chose qui évolue dans le lac s’est trouvée une autre proie… Dans un mouvement précipité, il enfile son pantalon, attrapant son sac et le reste de ses affaires à la hâte pour courir en direction de là où il a quitté Satoshi un peu plus tôt.

À son immense soulagement, son meilleur ami ne s’est pas déplacé et admire toujours la cascade. Néo revient à ses côtés, le souffle court. L’homme au chapeau pose des yeux remplis de questionnement sur le plus jeune puis l’observe de la tête aux pieds. Allant de ses cheveux rosés ruisselants de gouttelettes d’eau, jusqu’à son état d’épuisement peu commun.

— Tout va bien ? On dirait que tu as vu un fantôme…

Ce qui lui saute aux yeux par la suite, c’est le fait qu’il n’a même pas pris le temps de se rhabiller complètement.

— Il t’est arrivé quelque chose ?

— Non. Je voulais juste m’assurer que tu étais toujours là.

— Tu n’as plus confiance en moi maintenant ?

— Ce n’est pas ça, mais tu as tendance à être rapidement distrait, alors je me disais…

L’homme au chapeau fronce les sourcils face à la réaction étrange de son ami. Ce dernier a préféré lui cacher sa désagréable mésaventure. Ce serait admettre que Kaminari a raison et que ses dieux débiles existent, et ça, c’est une option inconcevable à ses yeux.

— Laisse tomber. On ferait mieux de dormir.

— Je pense que ce serait sage pour toi, en effet. Tu m’as l’air fatigué.

Néo hoche la tête, encore secoué par les évènements. Il pousse un long soupir et prend le temps d’enfiler son haut, secouant ses cheveux trempés de sa main. Après quelques heures de repos, son cerveau ne lui jouera plus de tours. Mais par précaution, Néo garde son katana près de lui.

Son regard s’attarde sur le visage de Satoshi qui fixe toujours l’eau, la mine froissée. Ce ne serait pas étonnant qu’il l’ait vexé. Néo commence à prendre conscience qu’il n’est pas facile à vivre tous les jours avec ses états d’âme. Rongé par la culpabilité, il s’apprête à ouvrir la bouche pour parler, mais Satoshi le devance :

— Tu n’as pas à t’en vouloir, il n’y a pas de mal. Ça ne doit pas être facile d’apprendre du jour au lendemain que le destin de notre génération repose uniquement sur ses épaules.

— Je tenais tout de même à te dire que je suis désolé pour ma réaction.

— Te fait pas de bile, tu connais ce bon vieux Sato, il est plus solide que ça !

Quelle que soit la situation, son meilleur ami a toujours les mots qu’il faut pour l’apaiser. Néo esquisse un sourire détendu.

— Je vais dormir un peu.

Il s’allonge sur le sol inconfortable jonché de graviers, observant la voûte céleste artificielle que forme la roche fluorescente. Il s’estime heureux d’avoir un ami comme Satoshi, qui soit capable de voir au-delà de ses défauts et toujours le soutenir dans ses décisions.

Ils n’avaient qu’une dizaine d’années quand ils se sont rencontrés pour la première fois. Il pleurait à l’idée de devoir aller dans ce laboratoire pour qu’on lui injecte sa puce GPS. Enfermés dans ce trou à rats tous les deux, ils attendaient leur heure. Celle de leur jugement et sans doute les instants les plus douloureux qu’ils ont connus jusque-là. Les larmes du plus jeune l’ont touché en plein cœur. Satoshi a instinctivement entouré le corps frêle de Néo pour l’apaiser, comme un grand frère l’aurait fait. Il a essayé de le rassurer en lui promettant qu’il allait le sortir. Et c’est ce qu’il s’est passé. Il n’y a pas une seule promesse que le plus grand n’a pas tenue, pas une seule qu’il ait trahie. C’est en repensant à ce genre de moment que Néo réalise la chance qu’il a de le connaître. C’est sur cette pensée que Néo ferme les yeux et plonge dans un sommeil profond, ne pouvant résister à un peu de répit.

Satoshi, quant à lui, reste immobile, sondant les abysses du lac. Durant sa méditation, il entend un chuchotement venant de l’autre côté de la grotte. Son sang se glace dans ses veines. Même si le son est à peine audible, il l’a perçu comme venant de derrière lui. Il scrute l’obscurité, mais c’est sans surprises qu’à part son ami endormi, il ne voit personne d’autre. Le garçon s’empare du revolver qu’Arashi lui a donné. Il reste immobile tout en scrutant les tunnels sombres, débouchant sur un ailleurs qu’ils n’ont pas encore exploré.

Alors qu’il baisse sa garde, les murmures reprennent, mais plus proche cette fois. Un frisson parcourt son dos et l’impression d’un souffle se glissant dans sa nuque lui coupe la respiration. Il se relève d’une traite, observant les moindres recoins de l’enclave. Ses yeux se posent sur son meilleur ami. Doit-il le réveiller ? Il sent son cœur tambouriner de plus en plus fort dans sa poitrine.

Personne n’a osé s’aventurer dans ces souterrains. Personne encore n’a franchi les limites de la ville, c’est ce que l’on disait. Mais en y réfléchissant, pourquoi seraient-ils les premiers à venir jusque-là ? Des courageux en désespoir de cause ont sans doute essayé de trouver la liberté en passant par ces cavernes et jamais aucun n’en est revenu. Voilà la vraie version, selon Satoshi. La peur grandit dans son cœur, comme l’intensité de ces murmures qui viennent lui en donner mal à la tête. Il la prend entre ses mains, pensant qu’elle va exploser sous ces bourdonnements incessants. Ces sons désagréables s’interrompent d’un coup pour laisser place au silence. Ses jambes le tiennent à peine tant elles sont cotonneuses.

Il se permet un coup d’œil sur le visage paisible de Néo, toujours plongé dans un profond sommeil, comme si rien ne s’était jamais produit.

— OK Sato, calme-toi mon vieux. Vous n’êtes que tous les deux…

Il manque de faire tomber son arme sous ses tremblements. Après quelques minutes, un rire nerveux émane de ses lèvres.

— T’es complètement fêlé mon pauvre. À quoi tu as cru ? Sérieusement…

Il chasse ses mauvaises pensées et progresse avec prudence en direction d’une galerie. Celle-ci est tellement sombre qu’il ne parvient pas à voir plus loin qu’à deux pas devant lui.

— Ça flanque les jetons cet endroit… Bon sang, mais qu’est-ce que je fous ici, moi ? Pourquoi j’ai dit oui déjà ?

L’homme se glace alors en apercevant deux lueurs étranges dans la noirceur des ténèbres. Deux orbes jaunes semblables à des yeux le fixent dans la pénombre.

Kein kar srein shal eim rel

Des phrases plus nettes que Satoshi tentent de déchiffrer, ignorant la langue dans laquelle elles sont prononcées. Il a l’impression de comprendre ce que lui demande cette voix alors qu’il n’a jamais entendu ce dialecte avant. Restant immobile face à la forme sombre qui se dessine, il écoute de nouveau les chuchotements de la grotte qui lui sont destinés.

Raim sal hel kolarkhal liab zelek. Karamsarel.²

Puis, c’est comme si sa conscience l’avait quittée. Comme si cette ombre l’aspirait, le forçant à avancer vers elle. Étourdi, il est captivé par ces orbes jaunes perçant la pénombre. Il fait un pas chancelant dans la direction de ces éclats dorés qui lui servent de guide. Comme un simple pantin, un insecte attiré par la lumière, cette voix féminine le contrôle et il finit par s’enfoncer dans la noirceur, se faisant happer par les ténèbres…

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1. Rapproche-toi des limbes.

2. Écoute la voix de ta déchéance, viens me voir.

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