Chapitre 6 (Pt.2)

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Les deux silhouettes accolées du frère et de la sœur se reflètent maintenant dans le miroir du bâtiment en ruine. Et comme cette nuit-là, Arashi a répondu : il resserre le corps de sa cadette contre le sien. Un silence s’installe durant lequel, le leader se remémore ces images. Depuis ce jour qu’il a gravé dans son esprit, il s’est juré de ne plus jamais recommencer. De se battre jusqu’à son dernier souffle pour sauver les personnes qui lui sont chères. Et même dans les instants difficiles, il se souviendra toujours que des gens comptent sur lui. Olympe esquisse un sourire, malgré les larmes qui roulent le long de sa joue sous le coup de l’émotion. Une perle vient s’écraser contre le cou d’Arashi, faisant reculer son visage pour observer les joues humides de sa sœur. D’un revers de pouce, il balaye son chagrin et partage ce sourire avec elle.

— Je ne veux plus jamais te voir pleurer.

— Et moi je ne veux plus jamais que tu doutes de toi. On nous a peut-être mis à genoux un nombre incalculable de fois, mais on continuera de se relever. Cette marque en est la preuve.

La blonde porte sa main à sa jupe. Elle la soulève et laisse apparaître son code-barres, incrusté sur le côté de sa cuisse.

— On ne devrait pas le cacher. C’est ce qui fait notre fierté. Ça montre qu’on se bat toujours malgré les pertes. Il faudrait que tu y penses plus souvent, lui reproche-t-elle.

Elle appose son autre main sous l’abdomen de son frère, juste au-dessus de sa ceinture, là où il est marqué de ce code indélébile.

— J’avais oublié qu’il t’arrivait parfois de dire des choses intelligentes.

— T’as vraiment le chic pour tout casser ! dit-elle en donnant une tape sur son épaule, déclenchant un sourire amusé de la part de son aîné.

— Surtout, ne change pas. Je l’aime comme ça, ma petite sœur agaçante.

Olympe aurait aimé lui mettre une nouvelle frappe derrière la tête, mais elle s’en abstient. Elle se contente de lui sourire. Arashi dépose un baiser sur son front puis s’éloigne d’elle pour aller récupérer son arme et ses munitions entreposées dans un coin de la pièce. Ce moment d’émotion l’a revigoré. Ce qui les attend ne sera pas une partie de plaisir.

C’est alors que la poignée de la porte s’abaisse. D’un mouvement agile, Arashi se retourne et pointe son revolver en direction de cette dernière. Olympe suit le mouvement, attrapant sa mitraillette laissée sur le sofa pour viser dans le même sens. Une petite tête brune apparaît dans l’entrebâillement et son sang ne fait qu’un tour en voyant les deux canons orientés dans sa direction. Ouvrant complètement le battant, il met les mains en l’air.

— C’est moi, ne tirez pas !

— Karma ? Tu pourrais frapper avant d’entrer ! crache la blonde en baissant son arme.

— Qu’est-ce que j’en savais que vous alliez me tirer comme un lapin ?

— On n’est jamais trop prudent. Tu devrais en faire de même. Tu as de quoi te défendre ? questionne Arashi.

Karma sort un lance-pierre de la poche arrière de son jean, s’attirant des regards désespérés de la part du frère et de la sœur.

— Bon sang, mais qu’est-ce que je vais faire de toi… râle le leader. Prends plutôt ça, tu seras moins ridicule.

Arashi lui envoie un sac que le brun rattrape au vol. En jetant un œil à l’intérieur, il voit avec stupéfaction qu’il s’agit de plusieurs dizaines de grenades.

— Tu ne devrais pas avoir trop de mal à t’en servir ; il suffit de tirer sur la barrette en métal, se moque le militaire tout en continuant de s’équiper.

Karma prend une des bombes dans sa main, la tournant dans tous les sens jusqu’à trouver la boucle de la goupille. Alors qu’il s’apprête à tirer dessus, Olympe lui retire des mains.

— Ne fais pas ça ici, andouille ! Tu veux tous nous faire sauter ?

— Est-ce que tu crois qu’il sait qu’il faut la lancer juste après l’avoir dégoupillée au moins ? soupire le leader dépité à l’adresse de sa sœur. Je crois qu’il serait plus sage qu’il reste avec Kaminari… Bref, si tu nous disais ce que tu fiches ici ?

— C’est Astrid, elle a du nouveau.

À l’entente de ce nom, la blonde tourne un visage sérieux vers son aîné, attendant ses directives.

— Emmène-nous la voir.

Ni une, ni deux, Karma passe le premier la porte et se précipite dans l’escalier de l’immeuble. Suivi de près par les deux autres, le brun les guide à travers les rues de la Capitale. Le tonnerre gronde au-dessus de leur tête, présageant une pluie torrentielle à l’horizon. Arashi prend l’avantage de la marche afin d’encadrer le plus jeune. C’est qu’il ne fallait pas le laisser seul trop longtemps. Il savait à peine faire ses lacets. Il a la vingtaine, tout au plus, mais c’est loin d’être une lumière. Disons que sa naïveté y est pour beaucoup. Arashi ne sait par quel miracle il n’a pas encore été ramené à la Citadelle. Il touchera deux mots à Kaminari sur le fait qu’il ne doit pas prendre part à la rébellion et se contenter de rester à l’abri de la cathédrale. En plus d’être un boulet pour l’équipe, il ne souhaite pas qui lui arrive malheur. Néo ne lui pardonnera jamais.

Ses instincts d’ancien militaire lui permettent de sentir le danger approcher. Le son des pas d’une patrouille lui fait cesser sa progression. Il se cache derrière une des bennes à ordure disposées au coin de la ruelle. Sa sœur l’imite. Quant à Karma, il poursuit sa route, amorçant un mouvement pour courir. Arashi l’a senti venir, gros comme une maison. Dans un geste brusque, il fait barrière avec son bras, empêchant le plus jeune de se jeter dans la gueule du loup. Olympe soupire, irritée, et attrape l’inconscient par la capuche pour l’amener vers elle et l’obliger à s’accroupir. Ce n’est franchement pas une bonne idée de le laisser gambader seul dans la cité avec la prudence d’un chevreuil. En moins de deux, il se ferait descendre. Karma resserre dans ses bras le sac que lui a donné le plus âgé et attend avec angoisse que la patrouille trace son chemin.

Bien que les soldats soient passés depuis un moment, Arashi campe sur ses positions. Karma fronce les sourcils sous l’incompréhension. Il s’apprête à ouvrir la bouche, mais est coupé dans son élan lorsque deux créatures passent en courant. Il s’agit là d’étranges canidés avec des tentacules au-dessus de la gueule et de la mâchoire, bien garnie de dents tranchantes. Leurs pattes sont immenses et munies de griffes acérées. Les bêtes portent des armures, tout comme les soldats. Leur cuirasse métallique comporte des LED de vertes clignotantes. Ce n’est qu’une fois le convoi passé que le leader fait un signe de tête en direction de la rue d’en face. Les trois enfants maudits se faufilent à l’ombre des édifices de la ville jusqu’à atteindre une baraque aux vitres brisées.

Cette boutique à la devanture de bois noircie fait penser à l’antre d’une sorcière. Un musée des curiosités qui regroupe tout un tas d’objets occultes. Le plus grand des trois entre le premier, détaillant les objets poussiéreux qui s’y trouvent. Allant des boules de cristal, jusqu’aux tables de Oui-ja, en passant par des crânes de squelette. On peut dire que le propriétaire des lieux a des goûts douteux en matière de décoration. Boutique laissée à l’abandon depuis des siècles et qui sert aujourd’hui de repère aux rescapés. La blonde s’approche d’un bocal rempli d’eau violacée, abritant ce qui semble être un fœtus desséché.

— Dément…

— On n’a pas la même définition du mot “dément” toi et moi, la coupe son frère alors qu’il cherche autour de lui. Astrid !

À la suite de son appel, les rideaux en perles menant à l’arrière-boutique s’ouvrent sur une jeune fille. Elle arbore un maquillage foncé et une coupe carrée courte, aux couleurs délurées. La partie droite de ses cheveux est teinte en violet, alors que ceux à gauche sont noirs. Même la frange respecte la délimitation des deux teintes, qui se séparent au centre. Sous ses yeux, court un épais trait sombre, parsemé de paillettes argentées et faisant penser à un ciel étoilé. La demoiselle fixe les nouveaux arrivants, tenant toujours les rideaux de perles entre ses doigts. Son expression fait froid dans le dos. Ils ont presque l’impression de réveiller un mort qui faisait un somme. La gothique se dirige vers le comptoir poussiéreux de la boutique, venant s’y accouder en détaillant le frère puis la sœur.

— Bonjour à toi aussi, c’est un plaisir de te revoir, plaisante Arashi en voyant l’accueil qu’elle leur offre.

— Au cas où tu l’aurais oublié, je ne suis pas ton chien.

— Toujours aussi aimable en tout cas, poursuit-il en prenant un malin plaisir à la taquiner.

— Si tu es là pour te payer ma tête, la porte est juste derrière.

— Tout doux ma grande. On n’est pas là pour se prendre la tête. Karma nous a dit que tu avais un message à nous faire passer.

— Oui, d’ailleurs, t’as pas idée de nous envoyer un pigeon pareil ! intervient Olympe, qui pointe son pouce en direction du brun. Même si tu voulais t’en débarrasser, c’est pas en le jetant dans les bras du comte que tu aurais eu la paix.

— Tu sais ce qu’il te dit le pigeon… se renfrogne Karma, attirant l’attention d’Olympe qui cesse de mâcher son chewing-gum tout en le dévisageant.

— Ce n’est pas que je n’aie pas que ça à foutre, mais vous pouvez garder vos règlements de comptes pour plus tard ? Vous serez mignon, les coupe Arashi. Astrid, de quoi il s’agit ? demande-t-il plus sérieusement.

La bicolore soupire, se demandant s’il mérite ces informations. Disons qu’elle aurait au moins aimé un « s’il te plaît ». À croire qu’il le fait exprès. Mais pour le bien de tous, la demoiselle laisse de côté sa rancœur.

— Noctys a réussi à pirater le système de sécurité de la Citadelle. On a tous les plans complets du bâtiment ainsi que l’accès à la manœuvre de certains vaisseaux. Tu as juste à donner le feu vert.

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