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 Dans le jardin de Léna. Elle, Laeticia et moi. A côté, le potager du père de Léna, mais il n’est pas entretenu, y a pas grand-chose qui a survécu à la canicule, les tomates sont pourries ou dégoulinantes d’abandon. Je pense qu’aujourd’hui, c’est notre réunion la plus importante de l’été. On est presque à la fin des vacances et il nous faut un nom de groupe. Ensuite, il nous faudra une batteuse.

— Voici la liste de tout les noms auquel on a pensé, toutes les trois. Maintenant, il faut qu’on en choisisse trois chacune, puis on voit si on en a un en commun.

Léna pose la copie double au milieu de nos jambes croisées. On se penche au-dessus de ces écritures rondes.

La liste de nos potentiels noms de groupe :

Hippo Dignity

All Monkeys Are French

Party Animal

Monkey Business

Golden Hour Hurts

Crack you like an egg

Slayerfest 98

Ludicrous Speed

Drowning in Oestrogènes

Drama Waves

Honeymooners

Lone Fashionable Wolf

Last Office Romance

Barfy Feelings

Slay Gal

Sour UFOs

Pearl Crackhead

Mystical Bitches

Owned Sisterhood

Emotional Gangsta

Légitime Violence

Fire Hunter

String ta mère

Temporary Losers

Lethal Lovers

Lidl Bitches

Dust Bunnies

Sliver of Kindness

Idiotie Lycéenne

Etoiles Flippantes

Cringe Garbage

Terrible Youth

Seventeen’s Truth

En dessous, avec mon écriture illisible qui ne reste pas sur la ligne :

Noms potentiels pour un premier album :

Love songs for disturbed psychotics

ou

Murder On A Highschool Night

— Je mets un chronomètre de cinq minutes, dit Léna.

Le silence, chacune fixe la feuille, lève les yeux vers le ciel, regarde la feuille à nouveau.

BIPBIBIPBIPBIBIBIP

—Ok, le temps est fini. On le dit à tour de rôle, chacune notre tour ?

Laeticia et moi, on acquiesce.

— Très bien, je commence. J’ai mis : Temporary Losers, Honeymooners et Idiotie Lycéenne.

Laeticia continue.

— Moi j’ai aussi mis Temporary Losers, puis Lidl Bitches, je trouve ça trop drôle et Monkey Business.

— Alors, j’ai choisi Seventeen’s Truth, Sour UFOs et Dust Bunnies.

— Moi j’aime Seventeen’s Truth, mais plus pour un nom de chanson.

Léna approuve d’un signe de tête l’idée de Laeticia.

— En vrai, j’avais mis Temporary Losers en quatrième dans ma tête, donc on peut partir sur ça ?

On pousse un hurlement strident d’excitation. On se touche les bras, les genoux dans la terre, un sourire plein de dents, je peux même voir le chewing-gum de Léna, au fond de sa bouche.

— C’est bon ! On a notre nom ! Les filles on a un groupe !

—Ouf, putain, j’ai cru qu’on allait devoir s’appeler un truc de merde comme NoName ou Untitled jusqu’à la fin !

— Maintenant il faut que ce groupe existe jusqu’à ce qu’on ne soit plus des ratées. On est sensées être des nulles temporaires donc ça a intérêt à être prémonitoire.

— Ok, ok, c’est absolument obligé de trouver une batteuse maintenant.

— Oui, on se promet à deux cent pourcent d’être sur nos gardes, on va la trouver, notre maillon manquant, notre power rangers, notre super nana, notre pokemon sacré.

Je continue la liste de Léna :

— Notre Bree Van de Kamp, notre Hermione Granger, notre jumelle, même si on sera quatre, notre Loana, notre Dave Grohl.

On pouffe.

— Putain, elle devra pouvoir taper aussi fort que Dave Grohl, minimum.

On éclate de rire. On a rien contre Dave, au contraire, juste on l’imagine habillé en robe et maquillé en la batteuse de notre groupe. Il serait super sexy. Avec ces poils qui dépassent et ces muscles qui font éclater le tissu à fleurs, pourtant stretchy.

Je marque en gros, en diagonale sur une page entière, dans une écriture qui coule et qui ressemble soit à des nuages soit à des intestins mais moi comme je les fais on dirait des tripes qui dégueulent : TEMPORARY LOSERS. Je remplis les lettres au fluo rose.

— Les filles, je crame, et surtout j’ai faim, grogne Laeticia.

— Je ne pensais pas que ça serait aussi facile de se mettre d’accord.

— Moi, en vrai je m’en fous, tant qu’on est toutes les trois. Et bientôt, toutes les quatre !

— A force de dire ça comme ça, j’ai l’impression qu’on va avoir un bébé toutes les trois.

— Un bébé à trois ! Genre, chacune le garde dans son ventre pendant trois mois.

— C’est qui qui le sort de son vagin ? Moi c’est hors de question, je dis avec une grimace de dégoût.

— Je veux bien le faire, rigole Léna.

— Et après on l’élève toutes ensemble, dans un mobile-home vraiment tout au bord de la mer, on voit l’eau depuis les fenêtres. Il viendra à tout les répétitions et vu que c’est un bébé super-héros super stylé, il va grandir super vite, comme le bébé dans Twilight. En deux mois, il aura notre âge, et voila ! On aura notre batteuse.

— Je ne sais pas si c’est un futur drôle ou terrifiant.

On rentre à l’intérieur, on se fait des croque-monsieur avec du coca sur le canapé marron qui couine, mais qui est si frais. On arrive à trouver une télé-réalité inédite où les candidats arrivent dans une pièce avec un lit, doivent se déshabiller alors qu’ils ne se connaissent pas, et répondre à tout un tas de questions pour finalement décider si ils veulent revoir la personne. C’est hilarant, et très gênant.

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