Dernière chambre

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C’est ainsi qu’il passa la nuit d’avant le jour. Il ne réussit à en faire une autre expression que celle de l’attraction du jour à venir. Le jour à venir tenait sa pensée dans l’impression tendue d’être comme un fil qui pourrait rompre mais ne rompra pas. Il ne la lâchait pas, et le jour à venir l’attirait à lui, en sorte qu’il ne put s’abstraire de ce qu’il serait, un seul moment.

C’est ainsi, au sortir de toutes ces nuits de toutes sortes et de toutes teneurs, que viennent les jours et qu’ils reviennent. Il n’est possible de ne rien arrêter, je suis bien obligé de convenir que le temps est du sable entre nos mains. On ne le retient pas, n’est-ce pas ? On n’en retient rien. On ne retient rien du temps, sinon des souvenirs et des photographies, parfois, qu’il vaut mieux ne pas regarder. La nuit nous dépose dans un autre jour, on n’y peut rien. C’est ainsi. Elle nous soulève comme une vague nous soulèverait dans l’immense, ou bien elle nous engloutit en elle. Ou bien encore, tout est possible, elle nous roule dans les rêves, dans l’effervescence de leurs structures. Il arrive parfois que ce soit d’angoisse qu’elle nous éclabousse, mais nous n’y pouvons rien. Le mouvement est tel qu’il se déploie, nous n’y pouvons rien, que nous le voulions ou non.

Tous, ils sortiront de la nuit, ils descendront dans le jour et dans la salle du petit déjeuner, transposeront ailleurs, dans un lieu autre qui n’est pas le leur, des bribes de leurs habitudes, de leurs demandes, de leurs attentes de la saveur du jour, et tourneront leur cuillère de sucre dans leur thé. Ils descendront, les uns après les autres, se croiseront dans les escaliers, choisiront l’ascenseur. Mais rien ne change à rien. Tous, les uns après les autres, ils replieront leur nuit en eux, ils ramasseront leurs affaires, plieront leur pyjama, ils vérifieront qu’ils n’ont rien fait tomber sous le lit, que rien n’a roulé par terre, qu’ils n’ont rien laissé sur la tablette de la salle de bains. Ils feront tomber sur le sol les serviettes blanches, telles qu’elles sont dans tous les hôtels. Ils secoueront leurs rêves inachevés pour qu’ils les laissent entrer dans le jour, tous, en même temps, dans un intervalle de temps qui, quoi qu’ils fassent, se refermera avant onze heures. C’est indiqué sur la porte de leur chambre, que leur chambre n’est leur chambre que jusqu’à onze heures du matin. A cette heure, donc, ils auront tous, les uns après les autres, repris le mouvement du jour, ils y seront tous plongés, mais certains déjà y seront très lointainement absorbés, et seront loin en lui.

Jonction et disjonction, des parcours, des moments, conjonction et dissolution à venir des rythmes. Certains dans le jour seront plus seuls que d’autres, d’autres prendront leur petit-déjeuner en couple, ou en tablée bruyante d’amis en voyage, de compagnons de route, mais ceux-là même sont-ils moins seuls, qui pourrait le dire ? Il est très difficile d’en rien dire. Tous, jonction et disjonction, ils aborderont le jour nouveau, se déliteront dans le monde, s’éparpilleront, se déferont, et de certains d’entre eux, on ne retrouvera pas trace, on ne saura pas où ils vont, où ils s’en sont allés, ils ne reviendront jamais, peut-être nulle part. Nul ici peut-être ne les croisera encore. Certains, parmi eux, partiront de l’hôtel, pousseront la porte, en tirant leur valise. Tous, les uns après les autres, feront retentir le carillon qui en marque le mouvement, qui ponctue le temps, pour ne plus jamais réapparaître.

Ils sortiront des phrases, des mots, c'est tout ce qu’on peut dire d’eux. Et chacun dans le jour s’en retourne à son silence.

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