Chapitre 4

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Le réveil fut des plus terribles pour Guillaume Hunter. Son corps tout entier le faisait souffrir, de ses pieds jusqu’à sa tête, tout n’était que souffrance. Mais le pire, c’était la douleur qu’il avait à l’oeil gauche. La douleur était telle qu’il serrait les dents autant que possible. Il essaya de se remémorer les derniers évènements en date. Ah oui, le naufrage du Condor. Tout c’était passé si vite, il luttait avec son ami Victor pour maintenir le bateau à flot lorsque quelque chose avait percuter le bateau. L’instant d’après, il avait vu avec effroi son meilleur ami tombait à l’eau sans pouvoir le rattraper. La suite n’était que chaos. Il avait tenté d’aider au mieux l’équipage, mais le trou causé par l’impact était bien trop important, et le navire s’était fracassé sur les côtés des Cités Libres. C’était un miracle qu’il soit en vie. Il devait sans doute remercier un quelconque dieu de l’avoir épargné.


Si j’étais encore dans l’Empire, je remercierais la lumière.


Il ouvrit les yeux pour essayer de voir où il se trouvait. La luminosité était très faible, et seule une petite lampe à éther lui permettait de voir un peu. Les flammes vertes de la lampe se reflétaient sur les planches gondolées qui formaient la cabine où il se trouvait. Un petit bruit de grattage attira son attention. Il se releva difficilement pour s’asseoir sur le matelas usé qui lui servait de lit, et constata qu’un rat venait de passer d’un bout à l’autre de la pièce en passant par les divers trous situés dans les murs :


Charmant.


Il continua de regarder autour de lui pour inspecter la cabane vide, mais au bout de quelques secondes, il remarqua que quelque chose n’allait pas. Sa vision semblait comme restreinte. Il n’arrivait pas à voir ce qui se trouvait à sa gauche. Sa vision périphérique n’était plus. Alors, il mit sa main, qui tremblait légèrement, devant son oeil gauche qui lui semblait pourtant bien ouvert. Et là, ce fut l’effroi. Il ne vit rien. Il dut tourner la tête pour que son oeil droit puisse voir sa main, son oeil gauche lui, ne lui montrait plus rien. Il avait perdu son oeil. Il ferma son poing droit et frappa avec violence sur le matelas en dessous de lui :


« Putain!»


Son cri avait résonné dans la cabane vide. Foutu traversée. Tout ça pour revenir dans sa ville d’enfance. Il aurait du rester dans l’Empire, au moins il aurait toujours son oeil. Il inspira un grand coup. Non, il a fait le bon choix. Il le savait au fond de lui. Il était revenu pour une bonne raison. Il voulait prévenir les Cités Libres de l’attaque imminente de l’Empire, et aussi affronter le jugement qu’il méritait pour ses actions passées. Peu importe les blessures et les douleurs, la vie de milliers de gens étaient en jeu. L’ouverture de la porte de la cabane mit fin à ses états d’âme. Il eut un profond soulagement en voyant Elanor Colombus, la capitaine du Condor. Elle avait survécu elle aussi. Elle ne cacha pas sa surprise en voyant Guillaume réveillé.


« Tu es enfin réveillé!»


Elle eut un mouvement de recul en posant ses yeux sur Guillaume.


« Mon oeil est si moche que ça? demanda-t-il.

— Tu n’as même pas idée… j’aurai du me douter. Tu saignais beaucoup à cet endroit, j’ai fais comme j’ai pu pour te soigner mais-

— Je te remercie.

— Tu peux. Te traîner ici toute seule n’a pas été une mince affaire, te soigner encore plus.

— Pourquoi n’as tu pas demander de l’aide?»


Elanor lâcha un rire pincé avant de lancer le journal qu’elle tenait dans la main sur le lit de Guillaume. Il le prit dans sa main et regarda la une de la Voix Libre. Le naufrage du Condor faisait les gros titres. Et alors que Guillaume commençait à lire, il entendait en fond la voix d’Elanor :


« Je suis recherchée dans tout ce foutu pays, lâcha-t-elle en soupirant, tout ça parce qu’ils ont trouvé ma cargaison. Faut faire profil bas.

— Ce n’est pas un pays ici.

— On s’en fout, soupira d’exaspération la jeune femme. Avec les stupides lois ici, on ne peut plus faire du commerce.

— Du commerce si, mais pas de la contrebande, rectifia Guillaume.

— J’aurai du vous jeter par dessus bord toi et ton copain quand je vous ai trouvé dans ma cale.»


Guillaume posa le journal et adressa un sourire amusé à Elanor. Il savait qu’elle n’en pensait pas un traite mot. Lorsqu’elle avait trouvé les deux passagers clandestins, elle avait fait preuve de clémence. Elle avait permis à Guillaume et Victor de rejoindre son équipage, et leur avait même appris à manier les méchanicus. Guillaume savait qu’à aucun moment, elle n’avait voulu se débarrasser d’eux.


« Ton voyage aurait était bien terne sans nous, tu le sais.

— Mais j’aurai toujours mon bateau, soupira Elanor. J’ai tout perdu.

— On n’est pas responsable d’une tempête.

— Il n’y avait pas que la tempête, Guillaume. On a été attaqué par un mécha. J’ai vu son missile nous percuté. C’est ce qui a touché Victor.

— On doit le retrouver. Il doit être dans le coin.»


Elanor s’assied sur le lit de Guillaume. La lumière de la lampe venait éclairée ses bras dénudés dont le bras gauche était couvert de tatouages. Guillaume avait toujours trouvé que c’était une magnifique femme. Ses longs cheveux châtains étaient détachés pour une fois, et ses yeux bleus se plongeaient dans le seul oeil valide de Guillaume.


« Guillaume, commença-t-elle d’une petite voix, il n’a pas survécu, c’est impossible. Et crois-moi, j’ai cherché dans la ville, mais ils n’ont trouvé aucun survivant. Nous sommes seuls.

— Victor.»


Guillaume commençait à avoir les yeux humides en repensant à son ami. Un profond sentiment de culpabilité commençait à l’envahir. Victor avait voulu l’accompagner dans cette traversée alors qu’il ne connaissait pas les Cités Libres. Il voulait lui aussi prévenu les Cités que la machine implacable de l’Empire s’était mise en route et allaient les broyer. Et surtout, il voulait soutenir son ami dans son retour ici. Et au final, il était mort.


« Victor était trop bon pour ce foutu monde, lâcha Guillaume.

— Je sais.

— Elanor, on doit prévenir les autorités que l’Empire d’Eos va attaquer!

— Non, répondit elle sèchement.

— Quoi?

— regarde toi. Tu n’es pas en état de bouger, et je refuse de voir les autorités. Elles vont m’arrêter.

— Je te parle d’une guerre là, et toi tu t’inquiètes pour ta petite personne? As tu une idée du nombre de personnes qui vont mourir?

— C’est le principe de la guerre. Tu le sais aussi bien que moi. Vous étiez deux soldats de l’armée, et maintenant vous voulez vous racheter une conscience?

— Tu ne sais pas ce que c’est que l’armée, siffla Guillaume.

— Oh, crois moi, je le sais. Tu n’es pas le seul à savoir te battre.»


Guillaume commençait à comprendre mieux l’attitude d’Elanor. Lorsqu’elle avait trouvé les deux jeunes hommes, elle avait décidé de les garder après qu’ils aient expliquer qu’ils désertaient l’armée Eosienne. Elle avait eu pitié d’eux car elle avait été dans la même situation. Tout cela faisait sens désormais pour Guillaume. Néanmoins, malgré le différent qu’il avait avec elle, il ne pouvait pas rester à rien faire. Il devait agir et prévenir les cités libres, n’en déplaisent à l’ancienne capitaine.


«On doit trouver un moyen d’alerter les gens, reprit Guillaume.

— Ce que tu peux être têtu.

— Écoute, reste là si tu veux, mais moi je suis venu ici pour plusieurs raisons : alerter les Cités Libres et trouver une certaine personne.»


Elanor regarda longuement Guillaume qui n’en démordait pas. Il était venu pour une chose, et il était déterminé à le faire avec ou sans elle. Finalement, elle céda en soupirant :


«Trouver une personne me semble plus raisonnable déjà. Au moins, on peut essayer d’avoir des informations sur elle. Et comme ça tu te reposera.»


Elanor n’avait pas totalement tord. Guillaume était faible, il le sentait. Il ne pouvait pas encore quitter son lit, alors aller prévenir les autorités, ou changer de ville semblait impossible. En revanche, en étant à Baie de Lotan, il pouvait bénéficier de la pègre local pour trouver des informations. Ça il le savait.


« Tu as raison. On va faire ça. Je pense savoir où commencer à chercher.

— Alors, qui cherches tu?

— Louise VanDyke.»


***

«Alors tu as prévenu Louise?»


Victor finissait le repas que lui avait offert gracieusement Violena VanDyke. Alors qu’il lui avait apporté les herbes du professeur Wright, elle avait insisté pour que le jeune homme reste manger. N’ayant pour l’instant aucun revenu, Victor ne s’était pas fait prié. Une fois sa part de rôti englouti, il répondit enfin à Louise.


«Oui, elle est assez déçue de voir que le professeur n’a rien trouvé. Comme moi.

— Wright est un génie, mais il ne peut pas résoudre tout, lâcha-t-elle en soupirant. Je suis bien placée pour le savoir.»


Une violente toux grasse l’obligea à s’interrompre. Une fois sa quinte de toux passait, elle poussa un soupire du à la fatigue. Emma s’empressa de lui donner une tasse d’infusion de plante bien chaude pour décongestionner ses bronches. Elle but une gorgée avant de reprendre avec un faible sourire :


«J’espère que tout se passe bien pour elle là-bas.

— Elle n’avait pas l’air de se plaindre, mais elle ne pas trop raconté. J’imagine qu’ils ne font que des répétitions.

— Louise peut parfois être très réservée. Elle n’aime pas trop parler d’elle.»


Victor repensa alors à sa discussion précédente avec le professeur. Il avait peut être là une occasion d’en savoir un peu plus sur Louise via sa mère. Alors il décida de tenter sa chance :


« Le professeur m’a dit que Louise apprenait autrefois la mécanique avec lui, c’est vrai?

— Oui, Louise a toujours été passionnée par ça, depuis toute petite.»


Elle posa sa tête un peu plus confortablement dans son oreiller avant de continuer, un doux sourire emprunt de nostalgie apparut sur son visage :


« Mon mari était pilote de méchanicus, il était doué, et Louise était toujours dans ses pattes. Elle voulait tout le temps apprendre à le réparer, l’entretenir. En grandissant, elle est devenu douée.

— Vraiment très douée, compléta Emma.

— Pourquoi elle a tout arrêté?»


Violena baissa ses yeux sur la tasse fumante qu’elle tenait dans ses mains. Son regard commença à se perdre dans le liquide opaque alors qu’elle semblait repasser les évènements de sa vie avec Louise :


« Connor Davis, lâcha-t-elle dans un soupir. Son ancien fiancé. Il est mort dans un accident de mécha. Ça doit bien faire six ans. Au bas mot.

— Elle a tout arrêter après ça, reprit Emma. Plus de méchanicus, et elle a juste fait de la musique. Elle n’a plus jamais était vraiment la même.

— On sait ce qu’il s’est passé ce jour là? Demanda Victor.

— Non, elle a toujours refusé d’en parler.»


Connor Davis. Ce nom me dit vaguement quelque chose, pourquoi ? Est-ce que je le connais? Non, comment pourrais-je le connaître? Cette ville ne me dit vraiment rien, et ses habitants non plus. Je dois avoir simplement une impression de déjà vu.


«C’est lui.»


Emma tendit un petit cadre photo à Victor. Dessus se trouvait trois jeunes adultes qui prenaient la pose. Au centre, il reconnu facilement Louise avec ses longs cheveux châtains. Elle affichait un grand sourire éclatant qui rayonnait sur la photo. À sa droite, un jeune homme, aux yeux verts et aux courts cheveux blonds. Il affichait lui aussi un sourire, quoi qu’il était un peu plus malicieux que celui de Louise. Victor ne put s’empêcher de trouver un air de ressemblance entre lui même et ce jeune homme. Emma lui indiqua qu’il s’agissait de Connor Davis, le fiancé de Louise. Enfin, le dernier jeune homme était le frère de Connor : Pierre. Plus grand que ce dernier et possédant des cheveux bien plus longs, il semblait bien plus mesuré que les deux autres et affichait simplement un petit sourire en coin. La photo en elle même dégageait tellement de joie d’une époque qui semblait visiblement révolue. Victor n’avait pas vu un tel sourire sur le visage de Louise depuis leur rencontre. Elle semblait toujours triste, le regard perdu au loin dans ses pensées. Et en écoutant les récits de Violena, c’était en effet le cas.

Violena affirmait que la mort de Connor avait ébranlé Louise, elle n’était plus la même. Victor pouvait aisément le comprendre. Mais quelque chose le perturbait, sa ressemblance avec Connor. Ce n’était pas son portrait craché, mais il semblait partager le même style que lui, et une question vint germer dans son esprit :


Est ce qu’elle m’a sauvé car je lui ressemble?


Il resta là, un long moment à contempler cette photo en se posant cette question sans cesse. Sachant qu’il ne trouverait pas la réponse en restant comme ça, il reposa la photo, et décida, après avoir remercier encore une fois Violena, de la laisser se reposer. Elle lui proposa de rester dormir chez elle, mais Victor se sentait déjà bien trop redevable envers elle et sa fille. Il décida de lui mentir, prétextant qu’il avait trouvé un endroit pour dormir. Violena avait besoin de repos, il le savait et ne voulait pas s’imposer plus au risque de la fatiguer d’avantage. Alors, il sortit de l’appartement des VanDyke, et revint à son méchanicus. Il le bougea dans un coin peu fréquenté de la ville à l’abri des regards indiscret et le gara. Là, à l’abri de la lumière artificielle et de la population, il s’allongea sur les deux fauteuil de l’habitacle et s’endormit difficilement.

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