Chapitre 11

7 minutes de lecture

Guillaume posa son assiette à peine entamée sur le matelas sur lequel il se trouvait. Comme les autres jours, il n’avait pas envie de manger. La douleur était bien trop intense depuis la folle course qu’il avait faite dans les docks. Son corps commençait doucement à le lâcher, ne supportant plus la douleur. Il se sentait faible, incroyablement faible. Chaque muscle était douloureux et faible. Tenir une fourchette ou se relever tenait presque du miracle pour lui :


« Tu devrais manger un peu plus Guillaume. »


Elanor avait pour une fois fait preuve d’une voix douce. Il savait qu’elle était inquiète même si elle ne disait rien. Guillaume ne savait pas pourquoi elle était restée à ses côtés, et pourquoi elle prenait soin de lui. La seule explication qu’elle avait fournie était : je suis peut-être une contrebandière, mais j’ai un cœur et un honneur. Et depuis, elle restait à ses côtés sans discontinu. Elle posa sa main doucement sur le front de Guillaume :


« Tu es brûlant. Ta blessure s’est infectée.

— Rien de surprenant… »


Sa voix était faible et sifflante. À chaque seconde qui s’écoulait, il sentait son corps qui luttait contre l’infection qui se propageait dans chaque recoin de son corps malgré les soins d’Elanor :


« Je crois que j’aurai préféré mourir face à eux qu’ici.

— Je crois que ça peut s’arranger, tu sais. Ils doivent toujours être à ta recherche.

— Parfait…

— Guillaume… Pourquoi en ont-ils après toi ? L’Empire ne cherche pas à retrouver les déserteurs. Ce n’est pas dans leur façon de faire, qu’est ce que tu as fait ? »


Guillaume se redressa difficilement pour s’asseoir sur le lit. Rien que ce mouvement l’avait épuisé. Il passa le dos de sa main sur son front pour essuyer les quelques gouttes de sueur présentes et répondit d’une voix faible :


« Ce n’est pas l’Empire. Je pense qu’une dizaine de personnes veulent ma mort dans cette région. »


Il soupira longuement. Il s’était douté que son retour ici serait compliqué avec ses agissements. Il hésita un instant à poursuivre la discussion. Il ne savait pas s’il devait en parler à Elanor. Le peu d’estime qu’elle avait encore pour lui allait s’évanouir aussitôt. Il la regarda en plissant doucement les yeux. Sa vue était un peu troublée sous l’effet de la fièvre, mais il pouvait encore facilement distinguer les traits de son visage. Elle le regardait en silence, attendant patiemment qu’il se décide à continuer.

Elle mérite bien ça…


« Je suis né à Thorgard, dans une bonne famille, commença-t-il. Quand j’étais à l’école, j’ai connu Louise VanDyke, et ses deux amis avec qui elle était toujours : Pierre et Connor Davis. Ils étaient tout le temps ensemble à s’amuser. J’étais jaloux. Et à cette époque, j’étais un véritable con. »


Il n’était pas fier de ce qu’il avait fait auparavant. Ni de son comportement. Il était le fils unique d’un grand médecin, un notable de la ville. C’était un enfant pourri gâté à qui on avait tout cédé tout le temps. N’importe quel jouet lui était offert pour compenser la charge de travail incroyable qu’avait son père. Mais malgré ça, il se souvenait avoir jalousé Louise. Elle avait tellement de popularité alors que lui était toujours seul dans son coin. Mais le pire d’entre eux, c’était Connor :


« Connor et moi, on se disputait tout le temps. Il était vraiment... »


Il soupira.


« Il avait le don de me mettre hors de moi. Mais un jour… Les choses ont mal tourné. Il m’avait cherché, encore une fois. On était encore venu aux mains. Mais cette fois-ci ce fut violent. »


Guillaume n’avait rien oublié. Ce jour-là, dans les rues de Thorgard, il avait croisé Connor, et le ton était encore une fois vite monté. Louise avait tenté de raisonner Connor, pour qu’il arrête en vain. Les coups avaient fusé. Et Guillaume était comme possédé. Il avait enchaîné des coups de poing d’une grande violence comme jamais il n’avait fait jusque là. Connor ne s’était pas laissé faire évidemment. Il avait riposté, et il savait se battre. Alors en désespoir de cause, Guillaume l’avait violemment repoussé d’un coup de pied :


« Lorsque je l’ai poussé, continua-t-il, il est tombé sur la chaussée. Et malheureusement, c’était l’heure de pointe. Il est passé sous un méchanicus qui n’a pas réussi à l’éviter. Ils ont essayé de l’emmener à l’hôpital, mais quand tu as une machine de plus d’une tonne qui te marche dessus… Bref, je te laisse imaginer son état.

— C’est horrible…

— Oui, ça l’est. Louise et Pierre avaient tout vu. C’était des témoins.

— Et tu as échappé à la justice ?

— Mon père est riche, et influent. Rien n’est impossible pour lui. Il m’a envoyé à Eos pour terminer mes études. Je n’ai jamais été jugé.

— Ça ne m’étonne pas que Louise veuille te tuer. Tu as tué son ami.

— Son fiancé, rectifia Guillaume, mais oui. Elle a de bonnes raisons de vouloir ma mort. Je n’ai jamais été jugé pour ce que j’ai fait.

— Pourquoi t’es revenu ici ? demanda Elanor. Pourquoi la rechercher ?

— J’ai rejoint l’armée, car je pensais que j’expierais mes fautes. Mais j’avais tort. J’ai fait énormément de mal au nom de l’Empereur. J’ai songé à quitter l’armée, plus d’une fois. Mais à un moment, j’ai entendu quelque chose que je n’aurai pas dû. »


Il serra ses poings en repensant à ce moment-là :


« L’Empire prévoit d’attaquer de nouveau les Cités Libres, de les annexer. De détruire. Je ne peux pas rester sans rien faire. C’est ma patrie. Je connais d’autres gens ici. Je dois faire quelque chose.

— Comment as-tu su ?

— J’ai entendu le commandant Chamberlain en parler. Et j’ai fouillé ses papiers. J’ai vu dessus le nom de Louise. Je ne sais pas encore pourquoi. Je ne sais pas si c’est un contact ou une cible.

— Ou peut-être qu’il s’intéresse à elle pour son père.

— Je doute, même si son père a participé à la précédente guerre, je ne vois pas en quoi ça concerne Louise. Elle n’est pas une combattante… »


Guillaume ferma les yeux un instant en soupirant. Tout ce dialogue l’avait beaucoup trop épuisé. Il avait besoin d’un peu de sommeil :


« Alors, reprit doucement Elanor, tu veux toujours la retrouver ? »

Pas dans cet état. Il était bien trop faible pour faire le voyage jusqu’à Neokorr, il le savait. Il ne pouvait même pas bouger de son état. S’il voulait voyager, il devait d’abord se faire soigner. Mais sans argent, et surtout en étant recherchée, la situation était des plus compliquées. Mais il connaissait une personne qui serait capable de l’aider :


« J’ai besoin encore de ton aide, Elanor, je suis désolé. »


Elle réfléchit un instant en le regardant, puis finalement elle répondit :


« Dis-moi à quoi tu penses

— Je sais que Louise est à Neokorr, mais l’approcher maintenant ne nous servirait à rien. Et serait dangereux.

— Tu disais que tu voulais la retrouver il y a quelques jours.

— Je pensais que l’empire la cherchait, et qu’elle était en danger. Mais après l’attaque… Je n’arrête pas de penser qu’elle est sans doute une des personnes qui veut le plus ma mort dans ce monde. C’est peut-être un contact de l’empire... Je m’en fiche de me confronter à elle, mais je ne peux pas te demander ça. C’est trop risqué, et il y a trop d’inconnus.

— Alors, qu’est que tu as en tête.

— J’ai besoin de soin. Et je connais un médecin à Neokorr. Mon père.

— Ton père ? demanda-t-elle surprise. Il pourrait nous aider ?

— Il ferait n’importe quoi pour moi. Explique-lui la situation. »


Guillaume détacha son collier et le donna à Elanor. Une très belle pierre précieuse rougeoyante dont l’éclat captivait la jeune femme :


« Avec ça, il te croira.

— Pourquoi tu ne m’as pas dit avant ? Il aurait pu nous aider bien avant.

— Mon père est… compliqué, soupira Guillaume. Je ne l’apprécie pas beaucoup. Il m’a obligé à quitter le pays plutôt que d’affronter la justice. Sa conception de la morale n’est pas la même que moi. »


Il n’avait aucun doute sur le fait que son père allait lui porter secours. Il savait qu’une fois alerté, il viendrait aussi vite que possible pour le soigner. Et pourtant, il rechignait à l’idée d’avoir recours à lui. Il se souvenait des derniers mots échangés avec lui. Une discussion houleuse où Guillaume lui avait reproché son attitude lors de l’accident avec Connor. Son père avait eu une emprise sur lui. Il l’avait éduqué de façon stricte, l’avait modelé à son image. Et maintenant qu’il s’était défait de cette emprise malsaine, il avait peur de replonger dans ses travers en le voyant de nouveau. Il espérait au plus profond de lui qu’il n’aurait pas à regretter ce choix. Il remettait ses espoirs entre les mains d’Elanor désormais. Seule elle pouvait convaincre son père de rejoindre la baie :


« Tu t’en sortiras ? demanda inquiète Elanor, seul ?

— Je ne risque pas de m’enfuir, si c’est ta question, dit-il en souriant faiblement. Je m’en sortirais. On n’a pas d’autre choix.

— Je suppose que non… très bien. J’irai. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Justine "Klariana" Pouyez ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0