Chapitre 16

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Les mains moites de Victor avaient du mal à tenir la rambarde en fer des gradins. Chaque seconde qui s’écoulait le rapprochait un peu plus de son combat important. C’était maintenant ou jamais. S’il gagnait, il changeait de catégorie. Bien sûr pour en arriver là, ils avaient gagnaient de nombreux matchs, et par extension, un paquet d’argent. Mais aujourd’hui, ils pouvaient changer de dimensions. Ensemble, avec Louise. Il pouvait réussir là où il avait précédemment échoué.


« Arrête de stresser. »


Louise était parfaitement calme à ses côtés. Elle regardait ses notes avec obstination pour préparer au mieux le combat. Victor ne savait pas comme elle réussissait à rester calme, il avait une immense boule au ventre :


« Je n’arrive pas, soupira Victor. J’ai peur.

— Peur de quoi ?

— De me vautrer. Imagine : je foire tout. »


Louise posa une de ses mains sur celles de Victor.


« Tout va bien se passer. Je sais que tu peux réussir. On a grandement amélioré le méchanicus, ça devrait bien se passer. Et si on perd, tant pis. On ne peut pas réussir à tous les coups. »


Victor inspira un grand coup dans l’espoir de se calmer. Elle avait raison, ça ne servait à rien de se monter la tête. Il devait rester calme et lucide pour le combat. Tout allait se jouer maintenant.


Donne-tout !


« Allez, viens, reprit Louise, on doit se préparer. »


C’était l’heure des derniers réglages et préparatifs pour eux. Louise avait inspecté une dernière fois le méchanicus puis elle avait bourré le crâne de Victor de conseil en tout genre pour optimiser au mieux le combat. Il n’en avait pas retenu un seul. Il n’arrivait plus à se concentrer sur ce qu’elle racontait. De toute façon, il était trop tard pour changer quelque chose dans le plan initial. Victor n’avait plus qu’à prier un Dieu quelconque que tout se passe bien. Il commença à se préparer : il mit ses gants en cuir pour éviter le frottement, ses lunettes de protection afin de conserver ses yeux en cas d’accident et il réajusta une dernière fois sa tenue.

Bon… Allez… Tu peux le faire, Victor !

Il essayait comme il pouvait de s’encourager une dernière fois avant de partir dans l’arène. Il sentit la main de Louise qui l’agrippa doucement le bras et le sortit de sa rêverie :


« Soit prudent, OK ? Si jamais le méchanicus lâche, abandonne. »


Son regard était empli d’inquiétude. Évidemment qu’il n’allait pas continuer si son méchanicus lâchait. Il hocha doucement de la tête avec un sourire confiant :


« Ne t’en fais pas. Je ne suis pas inconscient. Et le méchanicus ne me lâchera pas. Pas avec toi qui le chouchoutes.

— J’espère que tu as raison. »


Les combattants sont priés de rejoindre l’arène !


« C’est l’heure, souffla Victor. Souhaite-moi bonne chance.

— Bonne chance. »


Le stress augmenta d’un cran lorsqu’il monta dans son méchanicus. C’était maintenant que tout se jouer. Il essayait comme il pouvait de calmer sa respiration alors qu’il entrait enfin en scène. Il vit le méchanicus adverse qui s’approchait de lui. Un méchanicus de couleur bleue électrique.

Attend… Ne me dites pas que c’est…


« Et en face, cracha la voix du speaker à travers les haut-parleurs, Florian Weis. »


Victor lâcha un rire nerveux.

Mais ce n’est pas vrai… J’ai vraiment une vie pourrie…

Il se demanda quelles étaient les probabilités pour se retrouver face à lui dans un combat de méchanicus. Elles devaient être très faibles. Victor était vraiment né sous une mauvaise étoile, ou alors il avait fait des choses affreuses dans une autre vie. C’était la seule façon qu’il trouvait pour justifier sa malchance.

Il va me tuer.

Mourir dans un combat de méchanicus était courant. C’était l’occasion parfaite pour Florian. Il pouvait finir son travail sans que personne ne se doute de rien. Même Louise croirait à un accident. Victor resserra sa poigne sur les commandes de son méchanicus.

Si tu imagines que tu vas gagner… Tu te goures Florian.

Lorsque le speaker donna le départ du combat, Victor jeta son méchanicus sur celui de Florian avec toute sa rage et sa hargne. Il n’avait pas le droit à la défaite, c’était synonyme de mort pour lui. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était ne laisser aucune minute de répit à Florian pour la vaincre. Un coup de poing droit, un gauche. En rythme pendant 1 minute, les poings s’éclataient contre les coffrages de protections du méchanicus.

Florian n’allait pas rester sans rien faire. Il poussa ses manettes pour faire reculer en vitesse son méchanicus vers l’arrière. Il arma son lance-roquette et visa Victor. Il esquiva une première fois le missile qui explosa non loin de lui. Le missile n’avait rien à voir avec celui qui avait touché le Condor, c’était un modèle réduit dont la puissance était bien inférieure. Rien de normal quand on est dans une arène avec un public.

Bordel, il ne rigole pas…

Florian continua de viser Victor, mais ce dernier eut une idée. Lorsque le second missile se dirigea vers lui, il lança une épave de mécha qui se trouvait dans l’arène. En touchant l’épave, le missile explosa en l’air provoquant la clameur du public. L’épave tomba sur le sable en brulant des débris et libérant un panache de fumée qui venait se confondre avec le reste de l’explosion. L’épaisse fumée noire cachait la ligne de visée entre Florian et Victor. Ce dernier en profita pour surgir de la fumée, le poing en avant. Florian n’avait pas vu venir le coup et l’impact en fut d’autant plus violent. Lorsqu’il toucha le méchanicus de Florian, Victor appuya sur un des boutons qu’il se trouvait devant lui. Une lame sortit du dos de la main du mécha et transperça la coque de la machine de Florian dans un crissement métallique. Florian éloigna sa machine dont une partie resta accrochée à la lame de Victor. Il afficha un petit sourire satisfait lorsqu’il vit que sa lame avait transpercé un des conduits d’éther de la machine. L’éther commençait à goûter à travers la déchirure de la coque formant des flaques vertes au sol. Son coup avait eu un effet plus qu’escompté, car le méchanicus de Florian semblait avoir des ratés. Les mouvements de ses bras commençaient à être saccadés, c’était le signe qu’il manquait de carburant.

Allez, je peux l’achever.

Victor jeta un coup d’œil sur son tableau de bord. Il n’avait pas encore utilisé la dernière invention de Louise. C’était maintenant ou jamais. Il poussa le dernier bouton qu’il lui restait et se cramponna à ses manettes. Une violente combustion se produit dans le dos de la machine le propulsant à une vitesse encore jamais atteinte par les machines. Une combustion impressionnante et rapide. Il tendit son bras devant lui durant la projection, la lame sortie. Florian poussa toutes ses manettes pour pouvoir esquiver le coup, mais il ne peut reculer que de quelques mètres. Assez pour que le mécha de Victor ne le transperce pas totalement, mais pas assez pour limiter des dégâts. La lame trancha ce qu’il restait des câbles d’éther, et rata de peu l’habitacle du méchanicus.

Tu as de la chance que je n’ai pas voulu te tuer.

S’il avait voulu, le coup aurait pu transpercer l’habitacle de Florian. Mais Victor n’était pas ce genre d’homme. Il valait mieux que ça. Le méchanicus de Florian était inutilisable, et il le savait. Florian ouvrit l’habitacle du méchanicus et sortit de la machine les bras en l’air. Il avait abandonné. Pourtant, le jeune homme affichait un grand sourire à Victor.

Ou bien ce mec est complètement taré, ou bien je me trompe sur lui…

C’était la fin. Victor avait gagné, une nouvelle division de combat s’offrait à lui. Il allait bientôt gagner bien plus, mais aussi avoir des combats bien plus corsés. Il allait devoir modifier grandement son méchanicus. Lorsqu’il rentra dans le garage de l’arène, il poussa un soupire de soulagement. C’était bel et bien fini, il pouvait souffler et se détendre. Alors qu’il étendait doucement ses muscles, il fut surpris par Louise qui lui sauta dessus pour l’enlacer :


« Haha ! Tu as réussi !

— Je croyais que tu ne doutais pas de moi.

— C’est vrai. Mais ça ne m’empêche pas d’être contente. »


Elle s’éloigna un peu de lui, relâchant son étreinte. Puis elle glissa les quelques mèches brunes rebelles qui tombaient sur ses yeux sous sa casquette.


« En tout cas, je suis contente que les propulseurs aient fonctionné.

— Moi aussi, sinon ça aurait été compliqué. Surtout avec le lance-missile de Florian. »


Victor ne pouvait pas s’empêcher de penser que Florian n’avait pas tout donné. Il n’avait pas donné l’impression de quelqu’un qui voulait le tuer. Et cette question tournait en boucle dans la tête de Victor. Peut-être qu’il s’était trompé sur lui.


« Faut fêter ça ! s’exclama Louise. On l’a bien mérité.

— C’est vrai, viens, on va boire un coup. »


Victor laissa son méchanicus au garage de l’arène, c’est l’avantage lorsqu’on est combattant. On peut laisser quelques jours son méchanicus en vue de le réparer un peu plus tard. Chaque combattant enregistré avait son propre garage sécurisé. Un luxe sur lequel ne crachait pas Victor. Lui et Louise sortirent de l’arène lorsqu’ils croisèrent le champion en titre de l’arène : Phantom. Difficile de ne pas le voir, ou de l’ignorer. Il était imposant de par sa taille, mais aussi de par son accoutrement. Certains combattants s’amusaient à se donner une image un style qui amusait la foule, mais Phantom c’était un autre niveau. Il portait en permanence une capuche en cuir qui couvrait l’intégralité de ses cheveux. Quant à son visage, il était bien dissimulé derrière en masque en fer effrayant. Le masque avait une légère fente au niveau de la bouche qui permettait à la voix de Phantom d’être entendu. Il avait aussi deux trous pour lui permettre de voir. Mais lorsqu’on était en face de lui, on se rendait compte que les deux trous étaient protégés par d’épaisses vitres comme celle sur les lunettes de pilotage et que leur reflet ne permettait pas de voir les yeux de Phantom. Les verres avaient même été teintés par de l’éther pour leur donner un petit côté vert qui n’était pas rassurant. Enfin, le plus perturbant c’était le nez qui se trouvait sur le masque. Un nez long qui se terminait dans une courbe descendante et qui lui donnait l’air d’avoir un bec d’oiseau incroyablement pointu. Pour compléter sa panoplie, Phantom portait sur lui de l’éther : dans des petits tubes accrochés de-ci de-là à ses vêtements.

Il se prend vraiment pour un méchant lui…

Victor le trouvait toujours un peu ridicule dans cet accoutrement. En plus, se balader avec de l’éther était dangereux. Certes, cela lui donnait l’air vraiment méchant, surtout avec ce liquide vert qui était un peu émissif, mais une fausse manipulation et il finissait avec un trou dans le corps. Mais ça avait le mérite d’impressionner. En tout cas, ça impressionnait Louise. Elle le regardait avec de grands yeux écarquillés.


« Pas mal Speckman. »


La voix de Phantom était déformée par son masque ce qui rendait parfois compliquée la compréhension.


« Merci, répondit sèchement Victor.

— J’imagine que c’est ta mécanicienne. »


Il pointa du doigt Louise et Victor se rendit compte que même sa main était cachée par un épais gant en cuir noir. Rien n’était visible. Pas un seul centimètre carré de sa peau.


« Oui, répondit Victor.

— Une femme à ce poste, comme c’est surprenant. »


Victor vit Louise qui serra son poing. Évidemment, ce n’était pas quelque chose à lui dire. Mais il ne voulait pas que la journée soit gâchée, alors il devança Louise :


« Elle est meilleure que la plupart des mécaniciens ici, répondit Victor, meilleure que le tien.

— Je n’en doute pas une seconde. Très impressionnante, la vitesse que tu as atteinte. Tu peux la remercier. »


Il insinue quoi ? Que je suis nul sans elle ?


« Est-ce qu’on se connaît ? demanda subitement Louise. J’ai l’impression d’avoir déjà entendu votre voix.

— Sans doute ici, répondit-il. C’est mon antre, vous me voyez souvent. »


Louise croisa les bras et le regarda longuement. Elle ne rentrait visiblement pas dans son jeu. Ce qui ne semblait pas l’émouvoir :


« J’ai hâte de me battre contre vous, lâcha Phantom. J’espère que vous me réserverez d’autres surprises concernant votre méchanicus. »


Il salua brièvement le duo de la main et tourna les talons pour disparaître :


« Il a vraiment un problème ce type, soupira Victor. Il se prend vraiment pour son personnage.

— Il me perturbe, lâcha Louise dans un murmure.

— Normal. Son masque me met à l’aise aussi.

— Ce n’est pas ça. La dernière fois que j’ai vu son combat… J’ai eu comme un étrange sentiment.

— De quoi tu parles ?

— Tu vas penser que je suis folle.

— Mais non, pourquoi je dirais une chose pareille ?

— Son méchanicus me dit quelque chose. Je veux dire, je connais les améliorations qu’il a subies. Il y a quelque temps, j’avais tenté de créer un méchanicus qui utiliserait l’éther comme une arme. »


Elle leva les yeux au ciel en soupirant :


« Une très mauvaise idée, avoua-t-elle. Faire une telle arme serait… Bref, l’éther est trop dangereux et instable. Mais quand je vois le méchanicus de Phantom, avec ses tuyaux apparents et ses attaques. J’ai l’impression de voir ce que j’ai couché sur papier il y a longtemps.

— Je n’ai pas vu d’attaque avec de l’éther, commenta Victor, ça serait trop violent, même pour l’arène.

— Je sais, mais quand je vois sa structure je devine de quelles attaques il est capable. Ou peut-être que j’extrapole trop. »


Victor commençait à se méfier des coïncidences. Il avait vu depuis quelque temps que rien n’était le fruit du hasard. Le méchanicus de Phantom était particulier, Victor l’avait déjà vu combattre. Il était aussi effrayant que son pilote. Sombre avec ce liquide vert qui parcourait les membres de la machine.


« Tu en as fait quoi des plans ? demanda Victor.

— Je sais plus… Ils sont peut-être encore chez ma mère. Ou pas. Ça fait longtemps, c’était à l’époque où Connor faisait des combats. »


Louise secoua doucement sa tête.


« Laissez tomber cette histoire, dit-elle, allons plutôt fêter notre victoire ! »


Victor était complètement d’accord avec cette idée. Une bonne soirée, c’était tout ce qu’il fallait pour finir cette journée parfaite. C’était comme ça qu’ils s’étaient retrouvés dans un bar du centre de Neokorr. Ils avaient enchaîné en riant de nombreux verres d’alcool et dépensant une partie de leurs gains. Une soirée qui lui faisait un bien fou. Aucune question ne venait troubler ce moment, il profitait juste. Il était là avec Louise à boire et à rire comme si rien n’était important au-dehors. De plus, ces derniers jours, il avait le sentiment de connaitre une autre Louise. Reprendre la mécanique l’avait changée. Et chaque moment avec elle était une joie incroyable et une bouffée d’air frais pour Victor. Un peu une oasis dans le désert qu’il traversait en ce moment. Il ne savait pas trop comment les choses s’étaient enchaînées ce soir-là. Si c’était l’euphorie de la victoire, ou les problèmes qu’ils avaient rencontrés chacun de leur côté qui les avaient poussés à agir ainsi. Mais après avoir bu plusieurs verres, il s’était retrouvé dans sa chambre d’hôtel à moitié débraillé avec Louise. Visiblement, l’alcool les avait désinhibés tous les deux. Victor n’allait pas mentir, il en rêvait secrètement de ça depuis un moment. Ne serait-ce que de l’embrasser. Mais il n’avait jamais osé. Il n’était pas à l’aise avec ce genre de chose, sa timidité était bien trop forte. Et surtout, il n’avait jamais eu aucun signe de Louise lui montrant qu’elle était intéressée. Il avait préféré ne rien faire, ne pas demander, ne pas la brusquer. Après tout, rien n’indiquer qu’elle voulait une relation. Victor était heureux de se tromper. Enfin, même si c’était que pour une soirée, c’était déjà quelque chose qu’il pouvait apprécier. Au moins pour une nuit, il pouvait sentir sa peau contre la sienne, son odeur se mêlait à celle de Louise. Pendant un instant, une nuit, ils ne seraient que tous les deux. Pas d’empire, pas de Chamberlain, pas de Guillaume. Juste eux deux et leurs corps se mélangeant l’un à l’autre en attendant de voir de quoi, demain sera fait.

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