Chapitre 18

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Victor et Louise venaient tout juste d’arriver à Thorgard. Ils avaient pu prendre un train pour la ville, même si Victor avait dû prendre un billet un peu plus cher pour pouvoir transporter son méchanicus. Heureusement pour lui, les transcités étaient équipés d’immenses wagons qui étaient à l’arrière du train et qui pouvaient transporter un nombre conséquent de machines. Une fois arrivé, Victor devait cependant modifier son méchanicus. Il n’était pas fait pour transporter autant de personnes ni autant d’affaires. Ils passèrent à un garagiste de la ville qui leur changea quelques pièces. Il lui avait installé un habitacle plus grand avec cinq places et une plaque de chargement à l’arrière. Il était prêt à prendre les affaires de Violena. Et une fois le déménagement effectué, il n’aurait plus qu’à remettre ses anciennes pièces qui attendaient bien au chaud chez le garagiste. C’était le plan. Rien de compliqué, mais cela s’annonçait déjà fatiguant. Victor et Louise ne voyageaient pas seuls. Pierre était aussi du voyage. Lorsqu’il a su pour Violena, il avait insisté auprès de Louise pour venir avec elle. Bien sûr, elle n’avait pas refusé une paire de bras supplémentaire. Et même si entre eux deux tout allait mieux, Victor émettait quelques réserves. Il n’était pas à l’aise à l’idée de voyager avec lui après la dispute survenue la dernière fois. Et puis maintenant, il devait faire attention à ne rien laisser paraître au sujet de sa relation avec Louise.

Je vais faire une bourde, je le sens.

Victor savait déjà qu’il allait faire quelque chose de travers. Il se connaissait très bien. Mais pour l’heure, ils devaient se rendre chez Violena.


« Alors, commença Pierre, quel est le plan ?

— On arrive chez ma mère, on prend ses affaires. On les charge dans le méchanicus. Ensuite, on monte tous dedans, et en route pour Val Éthéré.

— C’est loin ? demanda Victor.

— Un peu, répondit Louise, c’est vers l’est, plus loin que le domicile du professeur Wright. On va en avoir pour des heures.

— J’ai hâte… »


Victor était déjà fatigué rien que de penser au trajet qu’il avait à faire. Sans compter qu’il était tout seul pour conduire, ni Louise ni Pierre n’allait accepter de le relayer.

Ça va être très long…


« Au faite Pierre, reprit Louise, tu vas vraiment monter dans le méchanicus ? »


Pierre dévisagea la machine avec dégoût.


« Je crois que je n’ai pas le choix.

— C’est quoi le problème ? demanda Victor.

— Je n’aime pas monter dans ces engins. C’est tout. »


Évidemment, après ce qui était arrivé à son frère, il ne devait pas porter les machines dans son cœur, tout comme Louise. Enfin, en tout cas lorsqu’il l’avait rencontrée. Désormais Louise se sentait bien plus à l’aise avec les méchanicus. Victor ne pouvait pas en vouloir à Pierre, mais il sentait que cela aller compliquer le voyage.


« Même être passager ? demanda Victor.

— Non, répondit Pierre. Je déteste ces machines infernales.

— Je ne force personne. Si tu veux porter les affaires à pied, vas-y.

— Très drôle, lâcha Pierre sans un sourire. »


Victor sentit Louise qui lui donna un petit coup de coude discret dans les côtes.


« Laisse-le tranquille, murmura-t-elle. »


Victor haussa simplement les épaules. Il n’avait pas vraiment envie de se disputer. Ils se rendirent tous les trois à l’appartement de Violena et commencèrent rapidement à charger ses affaires et celle d’Emma. Le plus délicat fut de déplacer ensuite Violena doucement. Elle était encore plus faible que la dernière fois que Victor l’avait vue. À chaque pas, elle prenait appui sur Pierre et Victor. Et même avec leur aide, elle avait l’impression de faire un effort surhumain, et était essoufflée. Finalement, ils parvinrent à l’installer confortablement dans le méchanicus, et une fois le reste du groupe installé. La machine se mit en marche, direction Val Éthéré.

Cela faisait à peine quelques heures que le méchanicus marchait en direction des montages à l’est de Thorgard, et Victor sentait déjà ses membres se raidir sous le poids de la fatigue.

Mais quelle idée de faire ça après une soirée…


« Est que ça va ? »


Victor jeta un coup d’œil à sa droite et vit Louise qui était la seule des passagers à ne pas encore dormir. Malgré leur soirée, elle était toujours bien éveillée et regardait le paysage défiler devant elle. Elle lui fit un doux sourire dont elle avait le secret.


« Je vais bien, répondit Victor, je suis juste un peu fatigué.

— J’imagine. Je suis désolée de t’avoir demandé ça.

— Ne le sois pas. Ça ne me dérange pas. C’est juste que j’ai encore du mal à penser clairement à cause de la soirée.

— Je comprends, moi aussi. »


Elle jeta un coup d’œil derrière eux. Sa mère, Emma et Pierre dormaient tous les trois à poings fermés. Elle lâcha un petit rire amusé :


« Quelle ironie que ce soit nous les plus éveillés.

— Ouai, soupira Victor. J’espère que je vais tenir jusqu’au bout.

— Si tu es vraiment fatigué… Je peux prendre les commandes. »


Il se tourna brusquement vers elle. Il n’était pas bien sûr d’avoir entendu. Elle avait dit « prendre les commandes » ? Elle ? Louise VanDyke. Est-ce que Victor s’était endormi et était en train de rêver ? Oui, il devait rêver, Louise n’aurait jamais dit ça.


« Vous n’êtes pas Louise. Vous avez fait quoi d’elle ?

— Très drôle, soupira Louise.

— Je me suis juste surpris. Tu n’as jamais voulu les conduire.

— Je sais les conduire, rectifia Louise, mais je n’aime pas trop ça. Mais je ne vais pas rester les bras croisés si tu es fatigué. Je n’ai pas envie que tu tombes de fatigue.

— J’apprécie, vraiment. Mais pour l’instant, ça va. Et puis si tu conduis, Pierre va faire une attaque.

— S’il te plaît, Victor, ne commence pas à le chercher.

— OK, j’arrête. S’il ne dit rien, je serais un ange.

— Bien. Parce que si on commence à se disputer dans ce tout petit espace, ça va être dur… Ma mère a besoin de repos.

— J’ai compris.

— Bien, on devrait bientôt passer pas loin de la maison du professeur Wright.

— Et après ? Je continue vers où ?

— Continue vers l’est, et on va traverser les bois, et après on sera là bas. Il va commencer à faire froid quand on va passer dans les bois. »


Elle s’arrêta brusquement de parler. Puis, elle mit ses mains devant sa bouche comme si elle avait dit quelque chose qu’elle n’aurait jamais du dire. Ou bien qu’elle avait oublié de dire.


« Quoi ? demanda Victor inquiet, qu’est-ce qu’il y a ?

— Tu vas me détester.

— Dis-moi.

— Val Éthéré… Disons qu’il fait vraiment, vraiment très froid.

— Sérieusement ?

— Bien plus qu’une nuit dans le désert. »


Victor soupira. Il n’avait bien sûr que rien de chaud à se mettre. Et si Louise lui avait dit avant de partir, il aurait pu prévoir, mais il se retrouvait sans rien. Le voyage n’était pas encore terminé, et il commençait déjà à fatiguer.


« Je suis désolée…

— J’imagine que mourir de froid ce n’est pas si mal.

— Je suis sûre que Pierre pourra te donner quelque chose.

— Super… »


Victor était encore moins emballé par cette idée.

Je crois que je préfère mourir de froid que de devoir lui parler.

Alors que le soleil commençait doucement à se coucher, Victor voyait au loin quelques lumières qui s’allumaient près de la maison de Wright. Il plissa les yeux pour voir ce qu’il se passait là-bas. Et il lâcha un petit rire lorsqu’il comprit que les deux fils Wright continuaient leur expérience malgré la nuit qui tombait.

Rien ne les arrête.

Il entendit Louise qui fouilla dans son sac, puis elle sortit quelques feuilles volantes et un crayon à papier. Elle commença aussitôt à gribouiller des schémas incompréhensibles dessus :


« Qu’est ce que tu fais ?

— J’ai eu une idée. Mais regarde devant toi. »


Il ne chercha pas à savoir plus. Il voulait la laisser travailler tranquillement, et puis elle avait raison, il fallait mieux qu’il se concentre sur la route. Elle fut longue jusqu’à leur destination. La nuit était déjà bien entamée, à tel point que Louise s’était endormie sur ses ébauches de plan. Victor était le seul éveillé lorsque son méchanicus entra dans les épais bois éthérés. Heureusement pour lui, une route existait pour se rendre à Val Éthéré. Il n’avait qu’à la suivre pour arriver aux montagnes qu’il cherchait. Il regretta un peu de voyager de nuit, il était sûr que le bois était magnifique avec les rayons du jour. En revanche, il n’était clairement pas prêt pour le spectacle que lui offrait Val Éthéré. Niché dans un col de montagne, Val était une petite ville qui n’avait rien à voir avec les autres villes en termes de population. De plus, contrairement aux villes comme Neokorr ou Thorgard, la ville n’était pas aussi industrialisée ni aussi polluée. Pas de grosses usines ni de train. Elle avait un charme indéniable avec ses maisons faites de bois dur, probablement venu du bois qui se trouvait non loin. Une fumée blanche se dégageait de ses maisons, signe que les gens à l’intérieur se chauffaient. Et pour cause, la ville était recouverte d’un épais manteau blanc qui scintillait à la lumière des lampadaires. Malgré l’heure tardive, quelques personnes se baladaient encore dans la ville. Elles étaient toutes recouvertes d’épais vêtements qui couvraient une partie de leur visage. Il fallait au moins ça pour survivre par ce froid. Victor n’avait aucune envie de sortir l’affronter. Il était bien au chaud à l’intérieur de sa machine.

C’est magnifique… mais il a l’air de faire froid.

Il regarda au-dessus de lui, le ciel était clair et dégagé. Pas une once de nuage ne venait cacher les étoiles et…

Qu’est ce que c’est que ça ?

Au milieu du ciel sombre parsemé d’étoiles, un voile vert venait le traverser. Comme une vapeur d’éther suspendue et accrochée au ciel. Victor n’avait jamais rien vu de tel. Ou en tout cas, il ne s’en souvenait pas. Il caressa doucement l’épaule de Louise pour la tirer de son sommeil. Elle lâcha un grognement de désapprobation, puis elle frotta ses yeux fatigués :


« Qu’est ce qu’il y’a ?

— On est arrivé. »


Elle regarda autour d’elle pour confirmer ce que venait de lui dire Victor. Ses yeux mirent un instant à s’ouvrir totalement. Puis après avoir lâché un bâillement, elle répondit :


« Oh… j’ai dormi tout ce temps ?

— Oui.

— Je suis désolée…

— Ne le sois pas. Mais je vais où maintenant ?

— Attends ici, je vais voir. »


Louise sortit de son sac une épaisse veste qu’elle avait prise avec elle, puis elle descendit du méchanicus. Victor attendait patiemment dans sa machine alors que tout le monde commençait doucement à se réveiller.


« Oh, on est arrivé, demanda Pierre.

— Oui, j’attends Louise, répondit sèchement Victor. »


Il n’avait qu’une envie : dormir. Et le manque de sommeil ne l’aidait pas à être agréable avec Pierre. Il voulait simplement finir dans un lit chaud, le reste n’avait que peu d’importance. Heureusement pour lui, Louise ne tarda pas à revenir à la machine lui épargnant de faire la conversation avec Pierre.


« Je vais te guider jusqu’à la nouvelle maison. »


Victor opina du chef, puis il suivit les indications de Louise pour conduire le méchanicus vers une petite maison en bois qui ressemblait aux autres dans la ville. Une fois garé, Victor aidé de Pierre dut décharger les affaires de Violena et Emma. Heureusement, Louise avait été prévoyante, la maison était déjà meublée, et cela permit à Pierre et Victor d’installer confortablement Violena dans un lit. Il leur fallut quelques heures pour tout installer. Mais c’était enfin terminé. Victor était plus que soulagé. Une fois le dernier sac amené, il laissa Violena et Emma profitait d’un bon repos et se dégourdit les jambes dans Val Étheré. La cité était d’un calme incroyable. Seul le vent venait troubler le calme de la nuit ici. Victor ferma un peu plus la veste que lui avait prêtée Pierre.

Heureusement qu’il est là.

Sans cette veste, il serait sûrement en train de congeler sur place. Il se posa sur une bûche d’arbre qui se trouvait là, allongé. Il dégagea un peu la neige qui se trouvait là et s’assied dessus. Il serra un peu les dents en sentant le froid traverser son pantalon. Mais il avait envie de profiter un peu de ce calme avant d’aller dormir au petit hôtel qui se trouvait un peu plus loin. Il contempla en silence et avec émerveillement le ciel au-dessus de lui et ce voile vert au-dessus de lui. Le ciel était absolument magnifique. Cette ville n’avait rien à voir avec le reste des Cités Libres. Finalement, il ne regretta pas le voyage.


« Tu devrais te reposer. »


La douce voix de Louise le ramena à sa réalité. Elle s’assied à côté de lui après avoir enlevé elle aussi un peu de neige sur la bûche. Elle grelota de froid et soupira. Son souffle chaud créa de la condensation.


« Je voulais profiter un peu de ce calme. Ça change.

— Oui, c’est plutôt calme. Ma mère m’a souvent parlé de cette ville, mais c’est la première fois que je viens.

— Elle est d’ici ?

— Oui. Elle a grandi ici avant de rejoindre Thorgard. C’est bien moins pollué ici. J’espère qu’elle ira mieux.

— Je suis sûr.

— Je te suis tellement reconnaissante, pour tout ce que tu fais. »


Elle prit les mains de Victor qui se sentait rougir.


« Je sais que je t’en demande beaucoup ces derniers temps.

— Pas le moins du monde Louise. Je t’assure. Et puis, ta mère m’a beaucoup aidé. C’est la moindre des choses que de l’aider en retour.

— Tu sais… »


Louise commença à rougir doucement. Une chose assez rare pour que Victor le remarque :


« Je voulais te dire que… »


Elle bafouilla subitement comme si elle ne trouvait plus aucun mot pour faire une phrase complète :


« Je sais qu’on a pas beaucoup parlé de nous deux, pas vraiment… Et je voulais te dire que malgré ce que tu peux penser : je tiens vraiment à toi. Je sais que parfois, mes amis sont un peu lourds. Avec Connor. Mais, crois-moi, je ne suis pas avec toi, car tu lui ressembles. Tu es totalement son opposé. »


Victor haussa un sourcil sur la surprise :


« Vraiment ?

–Oui, Connor était loin d’être parfait. Mais personne ne veut l’admettre. On ne peut pas parler mal des morts. Mais, il était possessif. Vraiment. Je ne pouvais pas parler à d’autres hommes, ou bien même à d’autres pilotes. C’était dur. Lorsqu’il est mort, j’étais vraiment triste. Mais il avait vraiment pris trop de place dans ma vie. Et c’est comme avec Guillaume... Il ne le laissait jamais tranquille. Plutôt que l’ignorer, il l’agaçait. Connor était loin d’être totalement innocent. »


Elle prit une grande inspiration


« Je suis contente de passer enfin à autre chose. Avec toi. »


Victor lui fit un grand sourire qui se voulait réconfortant. Il savait quel effort cela lui avait demandé de se livrer comme ça. Il le savait mieux que quiconque.


« Ne t’en fais pas, répondit-il, si tu trouves un meilleur pilote, je ne le prendrais pas mal ! »


Louise se mit à rire :


« Plus sérieusement, reprit Victor, quoi qu’il se passe, tu sais que tu pourras toujours compter sur moi. Et j’ai hâte de tester tes folles inventions. »


Louise lui répondit par un grand sourire. Puis elle se leva doucement du rondin de bois, époussetant au passage la neige qui avait pris place sur son pantalon.


« Allez, viens, on a bien mérité un peu de repos. »


Victor hocha doucement la tête. Son corps commençait doucement à le lâcher, il était temps pour lui d’aller dormir. C’est avec plaisir qu’il s’affala sur le lit de l’hôtel pour aussitôt s’assoupir. Il avait bien mérité son repos après cette folle journée.

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