Chapitre 22 (Fin)

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Le soleil couchant baignait la ville dans une lumière dorée, tandis que la grande place se remplissait peu à peu de vie. Une nouvelle fois, des milliers de personnes s’étaient rassemblées pour une fête, célébrant un événement local avec des musiciens de rue, des étals de nourriture, et des rires qui résonnaient dans l’air chaud de l’été. Les enfants couraient, excités par l’atmosphère vibrante, et les adultes flânaient, profitant de la douceur du soir. La foule dense, hétérogène, se mouvait comme un seul organisme, une mer d’anonymat où chaque visage se fondait dans l'autre.

Mais au milieu de cette joie collective, une présence glissait silencieusement, invisible aux yeux de tous, une silhouette presque banale, mais étrangement hors de place.

Charlie était de retour.

L’homme au pull rayé rouge et blanc avançait parmi les passants, ses gestes fluides, ses mouvements calculés, presque imperceptibles. Il se déplaçait comme une ombre, passant d'un groupe à un autre, se fondant dans l’anonymat de la foule avec une aisance surnaturelle. Aucun regard ne s’arrêtait sur lui, personne ne semblait le remarquer. Et pourtant, il était là, au cœur de cette masse humaine, ses yeux balayants tranquillement les environs.

Charlie ne s’empressait jamais. Il n’en avait pas besoin. Il savait que la foule elle-même était son arme, son refuge. Chaque visage autour de lui devenait un masque derrière lequel il pouvait se cacher, chaque rire une distraction qui l'aidait à se mouvoir sans être vu. Il ne faisait qu’un avec cette foule, mais il était aussi étranger à elle que l’obscurité l'est à la lumière.

Ses victimes, celles qui devaient tomber ce soir, étaient déjà choisies, même si elles ne le savaient pas encore. Peut-être un couple riant près d’un stand de nourriture. Peut-être un enfant courant après un ballon. Ou peut-être une personne seule, marchant lentement, perdue dans ses pensées. Charlie observait, calculait, et bientôt, l’un d’eux, ou plusieurs, seraient pris par la mort, emportés sans bruit, sans que personne ne remarque quoi que ce soit avant qu’il ne soit trop tard.

Le monde autour de lui continuait à vivre dans une insouciance totale. Les lumières clignotantes des stands illuminaient la place, tandis que les musiciens augmentaient le volume de leurs instruments. Les rires couvraient toute trace de ce qui se passait réellement sous leurs yeux. Charlie, toujours insaisissable, toujours invisible, se mouvait à travers ce tableau comme un peintre ajoutant des touches de chaos et de peur, des éléments que personne ne verrait venir.

La foule ne le connaissait pas. Elle ne connaissait pas son histoire, ni les dizaines de victimes qu’il avait laissées derrière lui au fil des siècles. Pas plus que la disparition de Ludovic Leclerc, ce détective autrefois tenace, aujourd'hui effacé des mémoires comme tant d'autres avant lui. L’histoire de Ludovic s’était estompée, comme celles des nombreux enquêteurs qui avaient tenté de traquer cette silhouette insaisissable à travers les âges.

Charlie n'était pas une légende. Il n'était pas un homme, ni même un tueur au sens humain du terme. Il était quelque chose de plus ancien, de plus insidieux. Une entité qui se nourrissait de l'anonymat et de la confusion, une ombre qui glissait entre les moments de vie et de mort, se repaissant du chaos des foules sans jamais être attrapée. À chaque époque, il apparaissait, se fondant dans les masses humaines, semant la mort sans qu’aucun témoin ne puisse véritablement se rappeler de son visage, de son existence.

Et alors qu’il avançait parmi cette nouvelle foule, Charlie savait que le cycle se répéterait, encore et encore. Il n’y avait pas de fin. Pas de résolution. Juste la certitude qu’il pourrait continuer à marcher à travers les foules, à manipuler les perceptions des gens, à disparaître sans laisser de trace. Car il était invisible aux yeux du monde, un voyageur éternel que personne ne pouvait voir, mais qui était toujours là, prêt à frapper.

Les minutes passaient, la foule s’animait davantage. Personne ne savait que parmi eux marchait la mort incarnée, une force qui les observait, prête à choisir sa prochaine victime. Charlie passa près d’un groupe d’amis en train de rire, leur regard glissant sur lui sans jamais s’arrêter. Il tourna ensuite près d’une famille, les enfants criant joyeusement sous les lumières colorées, tandis que leurs parents souriaient distraitement. Une autre scène parfaite pour disparaître.

Charlie s’arrêta un instant, levant les yeux vers le ciel nocturne parsemé d’étoiles. Son sourire énigmatique se dessina sur son visage. Tout était en place. Le cycle continuait.

Puis, comme une ombre dans la nuit, Charlie se fondit à nouveau dans la foule, disparaissant parmi eux.

Et tandis que la fête battait son plein, que les musiciens jouaient et que les rires résonnaient, personne ne savait qu'une présence maléfique avait déjà marqué sa prochaine cible. Charlie, le voyageur éternel, était déjà ailleurs, prêt à frapper à nouveau.

Le monde continuerait à avancer, insouciant, aveugle. Jusqu’à ce que, dans un autre endroit, une autre foule, quelqu'un tombe sans bruit au milieu des rires et des cris, devenant une nouvelle victime d'une force que personne ne pourrait jamais arrêter.

Le cycle était infini.

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