Chapitre 26: Le chevalier rouge

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Juliano Petiti, camp de bivouac de la compagnie Écarlate, royaume du Corvin

Ce fut lors d’une froide matinée qu’un groupe de voyageurs en provenance de Cologneux approcha de sa destination. Colonne de cinq cavaliers, Juliano Petiti menait la troupe depuis maintenant trois jours, le morne paysage boisé et sauvage lui faisait regretter les terres ensoleillées des duchés. Le chemin avait été compliqué. Ils avaient dû voyager de nuit pour éviter les patrouilles nordiennes et autres bandits qui sévissent sur les grands axes. Arpentant une piste qui se détachait de la grande route, ils naviguaient à travers des plaines de hautes herbes. Les cavaliers approchaient d’une structure centrale. L’endroit qui ressemblait à un amoncellement de vieux bâtiments dépassés, usés par le temps, accueillait étrangement une certaine agitation. Les cavaliers, engagés sur la piste menant aux ruines, ne tardèrent pas à voir des formes qui en sortaient. La nuit qui commençait à tomber faisait décliner la lumière du jour et des torches brisèrent l'obscurité croissante en émergant tout comme les occupants des lieux et des ombres semblaient se dessiner à la lumière du feu.

Une palissade de bois entourait les bâtiments en pierres. Juliano, qui traversait l’ouverture qui devait servir d’entrée, fut salué par un arbalétrier en hauteur. Toisant les arrivants, il était légèrement équipé, et sa lourde arbalète lui donnait un air étrange, menaçant. Une pièce de tissu lui couvrait le visage ainsi qu’aux hommes qui venaient accueillir la petite troupe. L'accoutrement des résidents des lieux était composé de cuir sombre et autres pièces d’armures légères, leurs visages étaient cachés sous des cagoules, masques et casques légers. Seuls des brassards de tissus rouges ressortaient sur ces sombres combattants.

Les cavaliers maintenant arrêtés dans un espace dégagé, dans l'amoncellement de ruines, mettaient pied à terre. Les lieux comprenaient quelques tentes éparses ainsi que des chariots. Certains occupants du camp étaient regroupés autour de feux et tentaient de se réchauffer. Les caisses présentes étaient ouvertes pour la plupart et des armes et munitions dépassaient. Le groupe qui venait à la rencontre des arrivants s'arrêta et un homme vint les accueillir en personne. Se détachant du groupe, il tira la protection de son visage et gratifia Julliano d'un sourire en lui faisant signe.

— C'est un plaisir de vous voir, Seniore, mais je dois dire que nous vous attendions plus tôt.

Juliano avait commencé à attaché les rênes de son cheval à une rambarde prévue à cet effet. Il enleva ensuite ses gants avant de sourire à son tour, tout en caressant affectueusement sa monture.

— C'est un plaisir de vous voir ici, maître Petruci, le voyage aurait été plus rapide si nous n’avions pas dû éviter les grands axes. Le royaume semble se diriger vers une période sombre et les troupes en armes arpentent les chemins en nombre. Triste spectacle pour un royaume autrefois si puissant.

— Et c'est dans ces périodes troubles que nous pouvons trouver des opportunités intéressantes, seigneur. Ça me rappelle presque la période où feu le roi nous avait engagés pour combattre dans sa guerre avec le royaume d’Elba.

— Que de souvenirs, Petruci. Je dois dire que je me suis demandé l'utilité de manœuvrer dans un royaume dont le roi est décédé. La guerre d’Elba était un conflit simple d'où nous pouvions aisément tirer profit, mais bon, on dirait que mon père avait anticipé la tournure des événements. Le jeu de pouvoir entre nobliaux ne m’attire guère, mon père voulait m’envoyer expressément ici. Si ça peut aider la famille ou notre cité, j’agirai.

Son regard se posait sur les ruines alentours et la morne foret qui n'avait rien a voir avec les végétations des duchés.

— Seigneur Petiti a signé de nombreux accords avec le défunt roi et maintenant qu’il n'est plus, seule la princesse peut nous assurer de les honorer convenablement. Elle s'est retranchée à Perissier à ce que m'a dit un marchand sur la route. Ses forces grandissent et son frère a infligé des pertes déjà grandes aux forces de Léonard.

— Ce qui est sûr, c'est que ce Léonard ne tiendra pas ses engagements, il est bien plus sectaire et ne porte pas les duchés en haute estime. Et je n’en attendais pas moins du “premier chevalier” du Corvin. Folcard n’a pas usurpé son titre.

— Et vous, avez-vous fait des rencontres intéressantes sur la route, Seniore ?

— À part les détrousseurs et autres coupe-jarrets, je n’ai pas croisé grand monde. Cependant, lors d’une halte à une auberge, j’ai entrevu le rejeton du vieux Durand, tu te souviens de lui ?

— Le seigneur d’Ambroise ? je crois me souvenir vaguement de lui lors d’une de ses visites dans notre ville.

— Mon père et lui se sont toujours trop bien entendus à mon avis. Je les soupçonne de s'être alliés durant leur jeunesse.

— Vous parlez de l’ordre, Seniore?

— Entre autres, dit Juliano en soufflant. La nouvelle de sa mort va affecter mon père, je le crains. Le vieux seigneur d’Ambroise a toujours été proactif dans l’ordre.

— Il était à la capitale, c’est ça ?

Juliano répondit d’un hochement de tête.

— Au moins la lignée ne s'est pas éteinte et nous verrons ce jeune seigneur à Perissier. Du moins si les Sauveurs le veulent.

— Le seigneur Durand était quelqu’un de bon pour un habitant du Corvin, commença Juliano en souriant. J’espère que son fils arrivera à bon port sans trop d'encombres. Son chemin ne sera pas de tout repos.

— Je l'espère aussi Seniore. pour en revenir à la fille du roi. Ce que m'a dit Raffaello est vrai ? Elle fait partie des Veilleurs, elle aussi ?

— Je vais définitivement devoir avoir une petite discussion avec mon frère. Ce nigaud ne sait pas tenir sa langue. Je me demande pourquoi notre père lui fait autant confiance. Pour te répondre, elle fait aussi partie de l’ordre. Pourquoi Durand, un nordiste pur et dur, aurait-il soutenu ses revendications sinon! !?

— Je le savais, dit-il en souriant. Pour vous exposer ma pensée, Seniore, vous, vous êtes l’épée et lui… Disons qu’il sait bien parler avec les nobles. D’ailleurs, votre équipement est prêt.

Petruci siffla et des hommes apportèrent l'équipement de combat de Juliano. Celui-ci, se dirigea au même moment vers une bassine d’eau, passa le liquide froid sur son visage pour s’entretenir un minimum après toute la route qu’il avait faite. Il n’avait pas l’occasion de faire plus attention car il devrait bientôt repartir. Après avoir enlevé les habits de marchands qu’il portait, il s'équipa des sombres pièces d’armure. En mettant les les protections de cuir, il regarda Petruci.

— En parlant de Perissier, le chargement d’or que nous devait la princesse est-il arrivé chez nous ?

— Oui, votre père m’a envoyé une lettre le confirmant.

— Parfait maître Petruci, nous allons donc agir et montrer ce que valent les spadassins des duchés. La reine Anaïs veut des professionnels pour occuper les troupes de Léonard et nous allons les lui fournir. Il est l’heure de battre le rassemblement.

Maître Petruci fit un signe et l’un des hommes qui l’avaient accompagné, qui se tenait à distance des deux figures importantes, y fut réceptif. Tirant un cor, il souffla et, au bruit, le camp calme se changea en un instant. Les hommes voyant leur seigneur arrivé vinrent se rassembler. Juliano les observait . Ils étaient pour la plupart des guerriers rompus à l’art de la guerre.

— Bien messieurs, il est l’heure de gagner votre solde, nous allons montrer à ces nordiens ce que valent de vrais combattants.

Après les quelques mots de leur meneur, les hommes des lieux s’activèrent. Pliant tentes et affaires ils s’équipèrent de leurs armes. Se rassemblant, les hommes commençaient à former une colonne. Juliano ne voulait pas être découvert par les nordiens, pour cela il comptait voyager de nuit. Des éclaireurs étaient déjà partis en tête et reconnaissaient le chemin qu’allait prendre la colonne. Les hommes équipés et armés se mettaient de la suie sur les parties de peau dépassant de leur protection.

Petruci, qui se tenait à présent en tête du convoi au côté de Juliano, regarda la troupe derrière lui avant de prendre la parole.

— Bien les enfants, on a un travail à mener, en avant !

L’exultation des hommes se fit entendre et la colonne de combattants se mit en marche. Ils s’aventurèrent dans la nuit telles des ombres.

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