Chapitre 29: Le Sabbat partie I

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Pierre d’Ambroise, route de la région de Cologneux

L’attaque des hommes du pacte avait été rapide et sanglante. Après s'être infiltrés silencieusement dans l’ancien monastère, ils avaient supprimé les gardes en patrouille en laissant une traînée sanglante dans leur sillage. Ils s'étaient ensuite dirigés vers les quartiers des hommes de Kreisth pour supprimer les combattants dans leur sommeil. Seule Lise avait senti leur venue et l’avertissement qu’elle avait envoyé à Pierre avait sûrement sauvé la vie du jeune homme ainsi que celle du reste des hommes de l’inquisiteur endormis. Le corps à corps qui avait suivi fut acharné et nombre de soldats de l’inquisition y avaient laissé la vie. Les combattants du pacte avaient vendu chèrement leur peau. Nul assaillant n'avait survécu au combat. Après s'être assurés de la sécurité des lieux, Kreisth et son capitaine avaient fait conduire les blessés dans la salle commune. Les cris des hommes mourants avaient empli les lieux autrefois saints et plusieurs vies ne purent être sauvées malgré les efforts les efforts déployés. Pierre, quant à lui, aida Lise à guérir ses blessures du mieux qu’il put.

L’inquisiteur prit le temps de s’occuper des corps de ses défunts combattants. Après une courte cérémonie menée en la mémoire de ses fidèles acolytes, Kreisth fit creuser une tombe pour chacun. Il se transforma en véritable religieux en récitant des psaumes pour accompagner ses hommes vers leur dernier voyage, vers l'au-delà, ainsi que les Sauveurs. Les paroles et le ton de l’inquisiteur étaient très solennels et le jeune seigneur d’Ambroise ne pouvait qu'admirer ses talents d'orateur. Sa tâche accomplie, Kreisth rappela l’importante mission qui les attendait tous. Beaucoup étaient déjà morts, mais les vivants, eux, ne pouvaient trahir leurs sacrifices en abandonnant face aux sombres forces du culte. Ils n'étaient plus assez nombreux, ils n'avaient plus l'avantage du nombre. Leur troupe d’une trentaine de combattants n’allait pas pouvoir attaquer le sabbat dans des conditions optimales. Mais comme venait de le rappeler l’inquisiteur, de se dresser contre ce dont la plupart de gens n’avaient même pas conscience. Ils étaient la lumière qui se dressait face au pouvoir insidieux et sombre du culte. Ceci fait, le groupe se mit en marche, le sabbat ne pouvait attendre. Les cavaliers n’épargnèrent pas les montures. Un silence pesant avait pris place et chacun des membres commençait à être concentré sur la difficile tâche à venir.

La troupe fit halte en début de soirée lorsque l’inquisiteur, après avoir observé ses cartes, mit pied à terre. Ses combattants firent de même, bientôt imités par Pierre et Lise. Remontant la file de soldats qui progressaient vers Kreisth, les deux jeunes gens approchèrent de l’inquisiteur.

— Bien, il semblerait que nous y soyons. Plus de retour en arrière. Tout repose sur vous à présent, jeune fille, finit-il en montrant la forêt de sa main libre.

Lise avança au devant du groupe, les mains tendues de chaque côté de son corps. Un courant d'énergie semblait émaner de ses mains. Pierre ressentit alors à nouveau cette étrange et dérangeante présence de magie ésotérique. Dans la lumière déclinante de la journée, l'énergie dégagée par Lise semblait presque aveuglante. Puis la luminosité du sort commença à cesser et les combattants présents sentirent une aura de protection les englober .

— Bien on va voir si vous êtes douée, sorcière ! Avançons, conclut l’inquisiteur d’un timbre de voix impassible malgré l’événement surnaturel qui venait d’avoir lieu.

Emboîtant le pas à Lise qui marchait lentement, la troupe s’aventura dans l’épaisse forêt en face d’eux. Les lieux étaient lugubres et semblait au diapason de l'évènement qui allait avoir lieu. La tension était palpable et les morts de la veille hantaient encore les mémoires. La forêt ralentissait l'avancée des soldats pourtant équipés légèrement. Le toit de feuilles des chênes et peupliers centenaires recouvrait les lieux. La troupe semblait disparaître dans le sombre bois. Nul homme n'alluma de torches et les seuls bruits audibles étaient les cliquetis d'objets métalliques ici et là, suivis des réprimandes du capitaine.

Les ronces et autres branches au sol, telles de nombreuses défenses naturelles, ralentissaient la progression. Seule Lise semblait avancer sans soucis, mais Pierre voyait bien qu’elle commençait à éprouver de la difficulté. Il cheminait en tête, à ses côtés, et tentait de la rattraper malgré les nombreux obstacles. Il arriva juste à temps pour retenir Lise quand elle manqua de chavirer. La rattrapant, il la regarda, du sang perlait de son nez.

— Tu es sûre de pouvoir continuer ? demanda Pierre en l'observant.

— Ça devrait aller... on est tout proche. Une fois aux abords de l’autel de sabbat je n’aurai plus à nous occulter, l'énergie des lieux sera telle que toute perception y sera impossible.

— Bon alors continuons, répondit Pierre en aidant Lise à se tenir debout. Je suis juste derrière toi.

Il accompagna la sorcière pendant quelques mètres, il la suivait de près, imité par la troupe au complet. La tension atteignait son paroxysme, lorsque Lise s'arrêta. Devant elle, la forêt se clairsemait. L'énergie que la jeune sorcière avait utilisée s’estompa tandis qu'elle s'appuyait contre un arbre. Les acolytes de l’inquisiteur prirent position en se dispersant à ses côtés, bordant l’espace qui se trouvait en face d’eux. Une petite clairière s'étendait en contrebas de leur position. De nombreux buissons et autres conifères occupaient les lieux de manière éparse. Au centre se tenaient de nombreuses stèles qui entouraient un monolithe central couvert de gravures d'une langue inconnue au jeune seigneur. Des feux éclairaient l’endroit, de nombreuses ombres se dessinaient dans la nuit et le lieu occulte semblait être empli d’activités.

La sensation étrange de l'énergie magique n’avait pas quitté Pierre, même lorsque Lise avait semblé arrêter son sort. Au contraire, l'impression de malaise s’accentuait avec le temps. Des chants et incantations d'un idiome étranger et impie commençaient à résonner dans les lieux. Le groupe inquisitorial se tenait à l’orée du bois et observait le spectacle dérangeant qui se préparait.

Kreisth s'approcha des deux jeunes gens à pas de loup, accompagné de son second.

— Sentez-vous la présence des “dames” des quatre clans, jeune fille ?

- Je ne crois sentir la présence que de trois d’entre elles. Leur énergie couvre presque celle des lieux, répondit Lise en tentant de reprendre son souffle. Mais une présence est tapie non loin et semble se rapprocher.

— C'est ce que j’ai aussi ressenti. Bien, capitaine, dites aux hommes de préparer leur arbalète. Nous attaquerons dès que le dernier coven sera arrivé.

Sur ces mots, l'inquisiteur quitta Pierre et Lise pour se rapprocher de la gauche où se tenaient plusieurs de ses combattants. Le temps passa, tous restèrent immobiles dans la forêt en observant la cérémonie des covens sur le point de commencer.

C‘est alors qu’un groupe entama son approche au loin depuis la droite des hommes de l'inquisiteur. De par les grands feux qui bordaient les lieux, Pierre put voir les nouveaux arrivants plus précisément. Une dizaine de femmes menaient le groupe, suivie du même nombre d'hommes. Elles ne tardèrent pas à se mêler aux autres clans déjà présents. Pierre tourna la tête vers Kreisth et, échangeant un regard avec lui, le vit se redresser du sol. Il siffla et c’est alors que les projectiles tombèrent sur l’assemblée en tous sens.

Les acolytes de l’inquisiteur étaient des hommes rompus aux combats et aux forces occultes. Les projectiles fauchaient les personnes qui encerclaient les stèles. Des hommes pour la plupart qui tombèrent net sous l’impact des carreaux. Les cris et injures volèrent en tous sens au même titre que les projectiles. Les sorcières au centre des lieux ne cédèrent pourtant pas à la panique.

Depuis son promontoire, Pierre les observait, quatre d'entre elles entouraient l’une des femmes que Pierre avait estimées être des meneuses. Soulevée en l’air par une énergie invisible, elle se tournait vers leur position. Elle psalmodiait dans leur dialecte et sembla parcourue d'une énergie. Une traînée de flammes fila en direction des hommes à gauche du jeune seigneur.

Pierre se couvrit la tête face au sol en emmenant Lise. La chaleur des flammes incandescentes les frôla. Les quelques hommes qui se tenaient auparavant à sa gauche avaient disparu pour faire place à des corps carbonisés. Pierre, réprimant un haut-le-cœur, se tourna vers l’inquisiteur qui s’était dressé pour hurler.

— QUE LES SAUVEURS GUIDENT NOS LAMES, CHARGEZ !

Les combattants de l’inquisition sortirent de la forêt et dévalèrent la pente depuis leur promontoire en direction du lieu du Sabbat. Les hommes des clans, équipés pour la plupart d'armes rudimentaires ou d'épées volées, tentèrent alors de charger à leur tour, plus par peur des sorcières que dans un élan héroïque. Les combattants s’entrechoquèrent et la mêlée s’engagea. Une partie des sorcières quittèrent le lieu entouré de stèles pour rejoindre le combat.

Pierre ne pouvait rester ici à regarder les hommes de l'inquisiteur mourir, il se leva pour courir les rejoindre mais la main de Lise le retint. Il se retourna vers elle.

— N’y va pas, c'est trop dangereux.

— Je le dois. Quel chevalier digne de ce nom regarderait des hommes mourir face aux forces du mal ? Tu nous as amenés jusqu'ici, alors laisse-moi faire ma part.

La main de Lise lâcha le bras de Pierre et le jeune seigneur courut rejoindre le combat sous le regard triste de la sorcière encore affaiblie par son sort. L’affrontement était acharné, l'entraînement et l'endoctrinement des acolytes affrontaient la sauvagerie des hommes des clans. Pierre entra à son tour dans la mêlée et fut tout de suite attaqué par un combattant ennemi. Armé d’une sorte de pic, ce dernier envoyait des coups perçants en direction du jeune seigneur. Parant comme il l'avait appris, Pierre se rapprocha de l’homme avant de lui planter son épée dans le corps et ce dernier tomba de tout son long sur le sol.

Pierre regardait à sa gauche. Il vit une sorcière sortir d’un épais buisson pour souffler une sorte de poudre au visage d’un des acolytes de Kreisth. Il cria comme un damné, l'homme se tenait le visage en s'écroulant par terre. Il ne tarda pas à émettre son dernier cri, le visage meurtri. Le jeune seigneur fut arraché à cet horrible spectacle quand un homme des clans vint le charger. Il déboula dans l'angle mort du jeune seigneur, qui fut projeté au sol. Luttant de toutes ses forces, il était maintenant aux prises avec son agresseur. Ce dernier essayait de l’étrangler. D’une main, Pierre luttait, tandis que de l’autre il cherchait sa lame au sol. L’air commençait à lui manquer, mais il ne trouvait toujours pas son arme. Sa vision s'obscurcit petit à petit.

C'est alors que l’agresseur fut traversé par une lame. L'inquisiteur poussa le guerrier adverse du jeune homme et tendit sa main libre. Pierre la saisit pour se relever en reprenant ses esprits.

— Votre heure n’est pas encore venue, Ambroise, restez avec nous !

Les acolytes qui commençaient à mourir en nombretentaient de se regrouper autour de l’inquisiteur qui combattait, porté par la force de sa foi. Galvanisés par la vision de l’homme luttant avec héroïsme, ses combattants tentaient de faire face mais les ennemis commençaient à être trop nombreux. Échangeant des coups, le seigneur d’Ambroise ne ménageait pas sa peine et luttait avec acharnement aux côtés des guerriers de l’inquisition. Tous luttaient à présent pour leur survie et la situation prenait une très mauvaise tournure.

Les hommes des clans reculèrent soudainement et les combattants de Kreisth maintinrent leur position. Les deux entités se faisaient alors face et les soldats derrière Pierre serrèrent les rangs autour de l’inquisiteur. Une voix féminine se fit ensuite entendre dans les lieux. Elle était puissante et semblait pénétrer les esprits.

Vous êtes venus pour profaner notre sabbat, mais tout ce que vous allez récolter sera votre propre mort. Regardez-vous, je sens votre peur, vous en êtes emplis. Aucun de vous ne verra le soleil se lever !

Le capitaine de Kreisth tira Pierre qui se tenait en avant pour le mettre à l'abri à ses côtés. Contrairement au début de l’affrontement, ce n'était pas une sorcière mais quatre qui s'élevaient au-dessus du monolithe central et une énergie impressionnante grandissait au-dessus d’elles.

Pierre pouvait sentir la puissance de l'énergie. Il pouvait sentir la puissance de ces flux,   des hommes et femmes en face d’eux. Les braves combattants de l’inquisition étaient presque insignifiants face à tant de haine, de surnaturel ; il en était de même pour lui. Mais Pierre pouvait apercevoir une autre force, une autre puissance. Lise, qui semblait surgir de nulle part, s'avançait dans les rangs des acolytes. Ces derniers lui ouvraient un passage dans leurs rangs. Lise se trouvait à côté de Pierre, à présent les deux se serrèrent la main. La décharge d’énergie des sorcières se déversa alors et un nuage noir filait droit dans la direction du groupe inquisitorial. Pierre, qui pensait leur dernière heure arrivée, ferma les yeux.

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