Chapitre 67 : La bataille d’Ablancourt I - prémices

10 minutes de lecture

Folcard de Corvinus

4 ème jour du mois de septembre de l’an de grâce 1205 AE.

Abords des plaines d'Ablancourt ; après la prière des Tierces

Royaume du Corvin

L’armée d’Anaïs avait rallié les plaines d’Ablancourt à n’en point douter et le tableau qui s’offrait à Folcard le lui montrait bien.

Ce dernier se tenait sur son destrier juste à l’écart de la route principale plus que bondé, dont le sol entièrement retourné laissait concevoir le nombre important d’hommes de guerre qui avaient déjà posé les pieds. Le chemin étaient ainsi une toile brune ou se mélangeaient traces de pas, sabots et autres sillons de chariots.

Ainsi, la route, qui prenait plus les traits d’une piste sauvage après avoir autant souffert s’étendait jusqu’au sommet d’une colline ou les nombreuses mais distantes formes qui s'y dessinaient restèrent étrangères face au regard du bâtard royal.

Folcard était resté à l’arrière-garde depuis le départ de l’armée et la décision de la reine concernant le trajet pour Ablancourt. Il avait supervisé les groupes de retardataires qui s’étaient détachés du gros de l’armée.

Opérer une marche forcée sous le nez de l’ennemie était une tâche compliquée de prime abord, mais pour dire vrai, ce fut là un véritable tour de force que de l’accomplir justement. Et ils avaient réussi.

Il avait fallu une organisation et une détermination de haute volée pour faire avancer toute l’armée depuis leur ancien quartier de la Colline-au-pin. S’offrant uniquement quelques heures de répits, la nuit où ils avaient rallié un village a mis chemin d’Ablancourt. Offrant un repos aussi salvateur que bienvenue pour les hommes et montures.

Dès lors Folcard avait redoublé d’ardeur. Donnant de la voix pour motiver les hommes et bêtes pour maintenir le rythme jusqu’à leur destination finale. Si cette marche avait fatigué tout le monde, Folcard se réconfortait en un sens en pensant aux hommes de Léonard qui avaient dû quant à eux entreprendre une éreintante marche forcée pour avoir une chance d’intercepter l’armée de sa cousine à temps.

Ils gagnaient l’affrontement de la fatigue, c’était déjà ça. La souris avait échappé au chat. Enfin, c'est ce qu’il pensait, car les rôles pouvaient aisément être inversés, dans toute cette affaire qui était vraiment la proie ?

Anaïs attendait ainsi son cousin de pied ferme.

Et compte tenu du silence qui régnait, cela continuait.

À présent, Folcard profitait de ce moment de battement pour se reposer. Engoncé dans son armure de plates, il était immobile en prenant pleinement conscience de ce qui allait se jouer face aux nombreux combattants qui rallièrent l’endroit.

Les quelques visages qu’il voyait parlaient d’eux même.

Le temps morose était à l’image des hommes. Ce n’était certes plus les fortes chaleurs de l’été qui faisaient cuire les soldats dans leur armure et tout juste pas le difficile froid hivernal qui vous gèle sur place. Mais le soleil carapaté derrière les lourds nuages ne donnait pas envie de mettre du cœur à leur tâche.

Les dernières troupes qui défilèrent face à Folcard se pressaient de rejoindre le reste de l’armée sûrement en bon ordre plus en amont.

Il y avait là des cavaliers. Des sergents aux équipements et lieux d’origines diverses. Surement des patrouilleurs de canaux, des forestiers ou encore des gardes marchands tirer de leurs fonctions premières pour aller se battre pour leur reine. Pour honorer le Bas Corvin et les loyalistes de tous le royaume.

Tous ces hommes étaient équipés assez légèrement, sans réelle cohérence dans leurs matériels. Seul un brassard de tissu bleu et noir pour montrer leur allégeance à la reine Anaïs amenait ainsi un peu d’unité dans leur formation. Ou tout du moins amenait une certaine distinction avec leurs compatriotes qui se battaient pour Léonard.

Leur équipement léger, loin des armures lourdes et encombrantes des chevaliers montrait leur rôle d’ultime ressource pour l’affrontement. De réserve et garde-fou en cas d’imprévu qui ne saurait d’ailleurs être absent dans la périlleuse aventure dans laquelle Folcard s’était engagé. L’affrontement allait être âpre et disputé, de ça, personne n’en doutait à ce stade.

Leur monture allait d’ailleurs dans ce sens. Les quelques destriers présents avançaient aux côtés de roussins et même quelques sommiers reconvertis pour l’occasion. Pour permettre à chacun de rallier le champ de bataille avec une monture fraîche et alerte. Les hommes étaient certes loin de l’être, mais les bêtes elles se devaient de pouvoir charger avec toute la force qui leur serait possible.

Si le temps et l’expérience avaient appris une chose à Folcard, c'était bien que tout plan aussi bien ficelé qu’il soit fluctuaient obligatoirement face à la dureté du champ de bataille. Entre la rencontre du prévu et de l’imprévue.

Ils allaient tous combattre, même ces troupes de fortunes allaient devoir jouer un rôle. Folcard en était sûr. Ils allaient servir.

Les sergents à cheval qui remontaient ainsi en une bonne file ordonnée d’une centaine d’hommes firent alors place aux derniers retardataires. Les piétons de l’armée qui avaient le plus traîné des pieds pour arriver à Ablancourt.

C’était là une vaste milice urbaine qui se mit à gravir lentement la pente qui se présentait a eux. Les tambours ouvraient le chemin pour donner un quelque rythme aux hommes qui marchaient ainsi au pas cadencé. Ou tout du moins qui tentaient d’avancer en une certaine cohérence face à Folcard qui les regardait de son point d’observation.

Les tambours étaient suivis de nombreux drapeaux et icônes portées au bout des lances d’hommes à fortes carrures. Ces insignes mélangeant icônes des Sauveurs et emblèmes de leur ville, qu’ils portaient ainsi fièrement à la bataille. Sous le regard de leurs dieux et ancêtres.

Les hommes de troupe, habillés avec des gambisons pour les plus chanceux, étaient aussi équipés de longues lances. Cette véritable forêt d'armes voyait les plus hautes d’entre elles arborer des fanions bleus qui virevoltaient mollement avec le peu de vent qui balayait la région.

C’était là une sorte de brise égoïste qui maintenait toute la tension, toutes les énergies qui commençaient à bouillir en chacun des hommes présents. Nobles comme simple sujet recruté à la hâte.

Folcard le sentait, ses hommes le sentaient.

Quittant du regard la route, le bâtard royal mit en branle son destrier en pressant ses éperons contre les flancs de sa monture. Cette dernière, comme réveillée d’un quelconque sommeil, mit de nombreuses secondes à réagir, mais partit au trot sans demander plus de motivation.

Folcard fut alors suivi par ses proches chevaliers qui formaient en quelque sorte sa garde personnelle. Tous bien équipé, montant de fiers destriers et bien sûr tous vétéran de guerre comme lui. Versé dans le « noble » art de la guerre.

Longeant la route et les soldats qui l’arpentaient, Folcard se mit à gravir la colline pour enfin rejoindre les champs d’Ablancourt. Ces derniers se dévoilèrent à lui lorsqu’il arriva au sommet de la butte.

Dominant le paysage de sa hauteur.

Face à lui, s’étendait une vaste plaine herbeuse. Une véritable prairie sauvage où l'herbe poussait en tout sens en régnant presque en maître. Arrivant même par endroit à hauteur de genoux.

En quasi réplique à celle occupée par les troupes de la reine, une colline prenait place au loin, en tenant ainsi presque en respect sa sœur adverse. Elle était cependant encore vide de toute vie, mais Folcard le savait. Il le sentait, l’armée ennemie ne devait être loin.

Laissant son regard s’égarer sur la droite du paysage, Folcard put alors voir un large champ en friche ainsi que les ruines de ce qui devait être une ancienne ferme non épargnée par le temps. Reliquats des anciens occupants de ces lieux.

Folcard avait étudié les cartes de la région avec sa sœur et d’ailleurs rien n’avait été plus facile pour elle que de déterminer le lieu idéal pour affronter les forces de Léonard. La dans cette sorte de cuvette creusée dans le relief. De plaine bordée par deux larges collines ou les atrocités humaines allaient être piégées et occultées au reste du royaume. Au reste du monde pour au moins quelque temps.

Entendant la milice urbaine qui l’avait enfin rattrapé pour rejoindre le reste de l’armée, Folcard l’observa enfin juste en contrebas.

Il y avait un véritable océan d’hommes qui prenait place depuis le haut de la colline jusqu’aux plaines. Les plus proches de lui, qui d’ailleurs étaient les plus immobiles, étaient les recrues et autres enrôlés ayant le moins d’expérience. Les pauvres hères qui offraient ainsi une réserve mobile de troupe pour l’armée.

Ces quelques groupes de moyenne importance aux niveaux de leur taille se voyaient ensuite succéder par des hommes déjà en formations et prêts. C’étaient les archers de l’armée. Ces derniers, répartis en de longues lignes d’hommes étaient précédés par leurs mortels traits plantés dans le sol en attendant d’être choisies et décochés sur l’adversaire.

Et enfin vint ensuite le reste des troupes à pied qui formaient le centre du dispositif de la reine. Une masse compacte de piétons formant de nombreux carrés et autres rectangles qui s’hérissaient de pointes. Les hallebardes, vouges et autres pics cohabitaient ainsi avec les autres armes d’haste aux provenances et noms plus obscurs.

Ce qui fut le plus visible dans cette foule d’hommes fut bien sûr les chevaliers. Le gris de leurs armures ressortait bien dans ce tableau martial et populeux en une presque incohérence. Rehaussé par les drapeaux de leur maisonnée brandis par les écuyers et chevaliers de moindre importance. Ces tentures de tissus affichaient des bêtes mouvantes qui semblaient danser sur les broderies en dominant les nobles qui allaient saigner et mourir au nom de l’honneur de leur famille, de leurs emblèmes. De ces bêtes et animaux.

Les ailes de l’armée étaient quant à elles bien lointaines sur les flancs. Que ce soit celle de gauche ou de droite, elles n’étaient que des formes aussi importantes qu’indistinctes au loin. C’étaient des postes, des lieux d’importance que Folcard n’allait pas voir de la journée. Son rôle était de mener le centre de l’armée, de lutter avec les chevaliers du sud et telle allait être son devoir. La fonction qu’il allait mener avec application.

Alors qu’il descendait de sa monture, il fut imité par ses hommes tandis qu’une horde de servants et pages vint s’enquérir de leur monture.

Tous ses jeunes venaient de plus à gauche de la colline. Là où la reine attendait. Elle était au sommet de ce promontoire qui surplombait le champ de bataille où elle allait disputer la victoire avec son félon de cousin. La reine était sur sa propre monture entourée de ses plus importants seigneurs tandis qu’un contingent de gardes quadrillait la zone en une formation éparse. Seuls les servants qui portaient les bannières de commandement étaient les petites gens autorisées autour de la suzeraine.

Saisissant son heaume que lui tendait un jeune garçon, Folcard se dirigea vers sa sœur avant de rejoindre les rangs de ses soldats.

— J’espère que tu te défendras aussi bien qu’au jeu des rois ma sœur, lança-t-il en s’approchant de ce cercle ho combien sélectif.

— Ne t’en fais pas mon frère, je saurais battre notre cher Cardinal.

— Il t’effraye plus que notre cousin ?

— Je me demande juste quelle tour il nous aura préparé cette fois.

Suivant le regard de la reine, Folcard observa les plaines encore vides avant de continuer.

— Et moi, j’espère que tes tours à toi seront les meilleurs.

— T’en que mon centre tient, il n’y a aucune raison pour être mis en difficulté.

— On dirait presque que cette phrase m’est destinée.

Et le regard de la reine Anaïs voulait bien une réponse positive.

— Tiens seulement le centre et fais en sorte d’en ressortir vivant, j’ai besoin de toi.

— Nuls soucis ma sœur. Si les Sauveurs jugent mon heure arrivée alors soit. Mais en attendant, je me battrais avec toutes mes forces.

— je n’en attends pas moins Folcard.

Et les deux furent coupés dans leur échange par des cors au loin.

— Il n’est pas des nôtres, fit Folcard.

— Non.

— Le chevalier rouge est déjà en position ?

— Oui, comme le seigneur Dugnon sur notre aile gauche.

— Bien, j’ai des troupes à mener, fit le bâtard royal comme au revoir à sa sœur.

— Et moi une bataille a dirigé. Que les Sauveurs soient avec toi mon frère

Que notre père soit avec toi, se dit Folcard.

— Bon messieurs, avec moi allons châtier les traîtres et félons de notre royaume.

Et le bâtard royal enfilant son heaume se mit en marche talonnée par ses chevaliers.

Descendant cette fois la colline, Folcard rencontre en premier les rangs des hommes de réserve et des archers. Ces derniers, en petits groupes ou en lignes desserrés laissèrent simplement les chevaliers les passer. Seuls les officiers et autres nobles présents les gratifièrent d’un signe de tête.

Quelques pas plus loin, ce fut cette fois l’impressionnante formation de centre que Folcard rencontra. Les rangs serrés des soldats s’ouvrirent face à l’avancée des chevaliers. Comme par respect pour leur titre et leur importance.

En marchant parmi les hommes qu’il allait diriger, parmi ses soldats, Folcard abaissa enfin sa visière qui le sépara alors une fois pour toutes du monde qui l’entourait.

Malgré les années, il ressentait toujours ce petit sentiment de peur. D’effroi en allant au combat ainsi emprisonné dans cette carapace d’acier. Mais il ne le montrait pas, il ne l’avait jamais fait et ne pouvait le faire. Il allait devoir montrer l’exemple sur le champ de bataille, car la paisible prairie allait bientôt être abreuvée de sang.

Saluant ses confrères lors de son avancé, Folcard passa enfin les chevaliers déjà présents et se retrouva ensuite à la tête de l’armée. Il était le premier à poser le pied aussi loin et se jura d’être le dernier à quitter les champs d’Ablancourt.

Observant la colline adverse, il put y voir du mouvement. De petites formes qui bougeaient à l'horizon en se multipliant toujours plus aux sons des cors de guerre.

Ça commence, chuchota-il. Ça commence

Annotations

Vous aimez lire Kost . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0