Je devais avoir 5 ou 6 ans. Il faisait noir sur la nuit de Reims, avec ce froid humide, glaçant, qui tombe trop souvent sur le Nord-Est de la France. La Champagne est plus généreuse en eau de pluie qu’en vin à bulles, croyez-moi !

Il était tard, j’étais au lit, les yeux fermés, j’attendais la lune ou le sommeil. Dehors, le silence de la ville, percé de voitures et de voix en contrebas de l’immeuble. Dedans, les sons étouffés des bruits de famille, comme une berceuse qui hanterait les autres pièces de l’appartement.

Quand soudain, un flash. J’ouvris les yeux, croyant avoir rêvé ; rien ne bougea. Je refermai donc les paupières et là, un autre flash. J’appelai mon père, qui vint de mauvaise grâce me dire qu’il était tard, qu’il fallait dormir bien sagement… Mais mon cœur battait fort, j’avais peur comme si une drôle de bête se cachait quelque part, tout près ! Le silence s’écoula quelques minutes, je tremblais d’angoisse, mon souffle était brut, brûlant… Et il y eut un autre flash.

Alors je hurlai à la mort, à pleins poumons, mon père revint en trombes et je lui expliquai, moitié en larmes, moitié en panique, qu’il y avait un monstre sous mon lit et qu’il allait me manger. Mon père, devant un tel déferlement de drame, eut l’intuition qu’il devait y avoir anguille sous roche… Ou andouille sous plumard ! Car le coupable, c’était mon grand frère, planqué sous mon lit avec sa lampe de poche et son pyjama, plié de rire l’idée de m’avoir donné la frousse de ma vie. Et trente-cinq ans plus tard, je m'en rappelle encore !