Au commencement

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Seul le bruit de ses pas se réverbérait contre la roche. Malgré l’obscurité, Vyrian pouvait sentir leur présence étouffante. Ces murs avaient fourni par le passé un refuge aux civils des grandes guerres. Le lieu avait conservé cette atmosphère de feu et de sang, l’odeur de poudre et d’humidité y était omniprésente. Vyrian imaginait aisément son avancée prudente se transformer en course effrénée pour se protéger des attaques ennemies. Son pied glissa sur une plaque de mousse et sa main vint se rattraper de justesse aux aspérités de la roche. Le jeune homme se résigna à utiliser sa lampe frontale, l’énergie était une ressource précieuse, mais il ne pouvait plus continuer ainsi. Le halo lumineux mit en évidence des traînées carmins, témoins de la vie et de la mort qui s'étaient succédé entre ces murs.

Il détourna la tête et s’enfonça plus profondément dans les entrailles de la terre. Si ce lieu avait pu protéger leurs ancêtres, il espérait qu’il en soit de même pour les siens. Cela faisait des mois qu’il recherchait un asile susceptible de les accueillir. Il n’avait eu connaissance de ce vieil hôpital souterrain qu’en parcourant les décombres de l’Antique Cité.

Surpris par une tempête, il n’avait eu d’autre choix que de forcer la porte d’une vieille bâtisse. Le tumulte de la rue avait alors fait place au calme d’un ancien musée régional. Il n’avait que peu prêté attention à l’étrangeté des tenues traditionnelles des mannequins et autres outils d’époque. Il s’était précipité au sous-sol de l’édifice. À peine fut-il entré dans la pièce qu’une odeur de vieux papier l’accueilli, des étagères toutes plus chargées les unes que les autres quadrillaient la pièce, quant aux murs, ils étaient tapissés de cartes dont certaines remontaient aux grandes guerres.

Vyrian ne partageait pas le point de vue des siens, censurer leur passé ne faisait que les limiter. Fiers et orgueilleux, ils avaient désertés leurs villes et créé un Monde Nouveau dans lequel ni la famine, ni les inégalités, ni le réchauffement climatique n’aurait lieu. Seulement, ils n’avaient rien pu empêcher de tout cela. Aussi, il n’hésita pas et s’immergea dans la contemplation des cartes. Alors qu’il s’avançait dans le but de déchiffrer une série d’inscriptions effacées, il se cogna contre l’un des ouvrages et le fit tomber. Il le rattrapa de justesse, mais le livre fragilisé par le poids des ans se déchira. Vyrian s’empressa de ramasser la partie tombée, ce n’est qu’en essayant de réaligner les pages qu’il découvrit le plan se tenant sous ses yeux. Plusieurs noms de rue lui étaient familiers. Il reconnut rapidement l’endroit où il se trouvait ainsi qu’un point d’intérêt non loin, il s’agissait d’un schéma au sujet de l’agrandissement d’une zone commerciale, cette construction l’intrigua. Le projet n’avait jamais vu le jour en raison d’importantes manifestations et d’enjeux politiques qui en découlaient. L’agrandissement prévoyait de détruire l’ancien hôpital souterrain sur lequel reposait la zone commerciale.

Vyrian resta longtemps songeur face à cette découverte. L’endroit rendu inaccessible au public semblait idéal, seulement aucun document n’en mentionnait l’entrée, seule une phrase ponctuait la dernière page de l’article « cette fois l’histoire a triomphé du capitalisme ».

Vyrian posa son sac à terre et fit l’inventaire de ses maigres possessions, le hurlement du vent contre la façade décrépie du bâtiment pour seule compagnie. Alors qu’il triait ses affaires dans la pénombre poussiéreuse du sous-sol, il prit sa décision : rumeur ou stigmate des anciennes guerres, il ne pouvait laisser passer une telle chance, d’autant plus si elle se trouvait à proximité.

C’est ainsi qu’avait commencé ses recherches. À présent, s’écorchant les épaules, se griffant les mains, dérapant sur la roche humide et inégale, il était persuadé d'être au bon endroit. L’irrégularité du sol laissa soudain place à de la terre battue et le jeune homme sut qu’il était près du but. Il sentit les battements de son coeur s'accélérer et en oublia la douleur de son corps meurtri. La température se fit de plus en plus fraîche et un nuage de condensation vint bientôt se former devant ses yeux. Le jeune homme en frissonna et poursuivit sa progression. Ce froid était prometteur, les caissons de stase avaient besoin d’être refroidi pour éviter de surchauffer, un lieu frais en permanence était idéal. Alors que sa lumière déclinait, Vyrian perçu un courant d’air, d’abord léger, il put bientôt reconnaître le bruit caractéristique d’une bouche d’aération. Il se laissa guider et fit bientôt face à des centaines de lits alignés dans une vaste salle. L’aération les avait préservé de la moisissure, les rails des bras robotiques distribuant les perfusions n'étaient ni rouillés ni oxydés, ils manquaient seulement d’un peu d’entretien. Vyrian se suspendit au plus proche pour en tester la solidité et fut satisfait du résultat.

Il chercha la salle de commande, laissant son regard traîner sur les murs et les tags dont ils étaient recouverts, les noms des disparus y étaient inscrits ainsi que diverses consignes de sécurité à appliquer en cas d’attaque. Vyrian y jeta un œil et vit l’organisation de la pièce d’un œil nouveau. Les lits n’étaient pas agencés aléatoirement, ils étaient organisés selon le type de blessure et sa gravité, ainsi les blessés les plus légers étaient installés en périphérie de la salle. Ils étaient les plus aptes à guérir et à aider les soignants. En cas d’attaque, ils pouvaient fuir plus rapidement. Quant aux blessés graves, présents au centre de la pièce, malgré la présence des technologies les plus perfectionnées à leurs côtés, cela ne suffisait bien souvent pas à les guérir. Vyrian observa avec attention les différents instruments qui lui étaient pour la plupart inconnus, il ne pouvait qu’essayer d’en deviner le fonctionnement. Focalisé sur ses découvertes, il ne sentit pas la présence qui se rapprochait de lui.

- Docteur Nantys veuillez vous reconnecter au réseau.

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