Chapitre 11 : Mon étoile, là-haut dans le ciel

8 minutes de lecture

 Ce soir, veille de rentrée des vacances scolaires, j'ouvre ma fenêtre pour fermer mes volets et mes yeux s'attardent dans le ciel. Je la cherche, comme un enfant cherche son doudou et je l'aperçois : mon étoile. Celle qui brille bien plus que les autres. Ma raison m'indique qu'il s'agit de l'étoile du berger, mais mon cœur me dit que c'est ma mémé Marie, qui de la haut veille sur moi. Je reste quelques instants à la contempler, je pose mes coudes sur le rebord de la fenêtre, puis murmure une prière silencieuse :

Mémé aide-moi à affronter ma journée de demain. Je vais revoir Andréa et Thomas et j'ai peur. Peur qu'elle est racontée que je suis amoureuse de lui, qu'il se moque de moi. Peur aussi de ne pas réussir à lui en vouloir. Peur que rien ne change et que je sois destinée à souffrir toute ma vie. Mémé si vraiment c'est toi, aide-moi

 Un peu piteuse comme prière mais à vrai dire je ne sais pas prier. Je ne sais même pas si je crois en Dieu. En tout cas, je crois en l'amour qu'un jour m'a donné ma mémé et il était plus fort que tout.

Ma grand-mère s'appelait comme moi ou dois-je dire que c'est moi qui m'appelle comme elle. Et rien que pour ça, même si celui-ci est commun, mon prénom je l'aime plus que tout. Ma mémé est aujourd'hui une étoile, mais avant ça elle était la personne la plus importante de mon monde et moi du sien. Elle était belle ma mémé, même quand elle était malade. C'est elle qui m'a appris à me maquiller, à me mettre du vernis et à commérer. Avec elle, on rigolait bien et même que l'on se moquait de sa cousine Gaby qui vivait avec elle. À chaque fois que j'allais chez elle, elle m'achetait quelque chose : un livre, des bonbons, un pyjama, des peluches, ... "Rien n'était assez beau pour toi" me dit souvent ma mère en parlant de l'affection qu'avait ma grand-mère pour moi. Je pense qu'elle était un peu jalouse. Peu importe, notre fusion surpassait tout et encore aujourd'hui je le ressens. Alors quand j'ai un petit coup de mou, je fais appel à ma grand-mère, et même que parfois ça marche.

 J'avais 7 ans quand elle a décidé qu'elle serait mieux là-haut. Lorsque j'ai appris la nouvelle, de la bouche de ma sœur Nathalie, je me suis forcée à penser à la tête d'un clown et je n'ai pas pleuré. Mes larmes n'ont coulé que des années après, dès l'instant où j'ai compris que plus personne ne m'aimerait autant qu'elle ne m'a aimé... Ce fut un choc. Depuis, elle ne m'a jamais vraiment quitté, comme une amulette que je porte autour du cou elle guide mes pas. Avec elle je suis plus forte, courageuse, voir même chanceuse. Alors demain j'espère que mon grigri favori fonctionnera.

 Je ferme mes volets et file me coucher avec l'espoir de jours meilleurs.

 Le lendemain matin, j'ai presque bien dormi et ma mine semble acceptable. Avec une légère boule au fond de la gorge, j'entre dans la cour de récréation et rejoins mes deux inséparables amies, Audrey et Agathe.

 Ce matin-là, comme tous les autres jours, Audrey porte un jean délavé, un haut noir à manches longues recouvert d'une doudoune blanche sans manches. Même avec moins cinq degrés au thermostat, elle s'habille toujours pareil. C'est étrange, mais elle ne sent jamais mauvais. Peut-être a-t-elle sept fois la même tenue, une pour chaque jour de la semaine. Ses cheveux roux sont attachés en queue de cheval par un élastique jaune. D'ailleurs, j'ai récemment appris que moins de deux pourcents de la population mondiale est rousse. C'est super rare ! Je trouve ça fascinant, même si la majorité des gens au collège se moque d'elle. En dehors de cela, Audrey est une rigolote. Toujours en train de faire rire ou de rigoler, et c'est bon pour le moral. Alors ce matin, quand je la vois, je suis soulagée, car je sais qu'elle aura quelque chose de drôle à raconter.

 Agathe à côté d'elle, c'est un peu l'inverse de ma copine rouquine. Brune, la peau hâlée comme il faut, petite en taille, des yeux marrons qui vous transpercent, Agathe est de l'autre monde : elle est belle. Pour autant, elle reste avec nous, nous devons être intéressantes. Sérieuse, Agathe travaille bien à l'école et est plutôt du genre perfectionniste. Elle n'apparaît jamais tracassée, ni même stressée et chose surprenante, elle ne parle jamais en mal des autres et c'est ce que j'apprécie le plus chez elle, je l'admire même.

 Sans surprise de ma part, c'est Audrey toute guillerette qui entame la conversation sans ménagement :

 — Andréa est malade, elle ne viendra pas !

Je réponds :

 — Ah ok... Je vous avoue que je ne suis pas au courant, je n'ai pas de nouvelles, enfin je ne veux pas en avoir.

 Au loin, je le vois, lui, ses cheveux blonds, sa faussette, ce nouveau pantalon qui lui va si bien, ses dents éclatantes, son petit nez trop chou, ses ... STOP ! Mon cœur bat dangereusement, mes joues s'empourprent, mes yeux clignotent, je déraille complet.

 Au même moment, je sens ses yeux se braquer sur moi. À la rapidité de l'éclair, je ne réponds même pas aux interrogations de mes amies et fais volte-face tout en rejoignant en courant le cours d'EPS.

 Dans les vestiaires des filles, je suis à côté de Maryline, la fille qui a toujours un pied de travers. Son dernier bobo enn date : une petite égratignure qu'elle a réussi à se faire avec un clou qui dépassé d'un des bancs de l'école. Faut le faire quand même ! Après dix reprises, je crois que je n'aurais même pas réussis à m'érafler. En regardant, cette griffure très superficielle, j'entends un groupe de filles gloussées. Instantanément et curieusement, je tends l'oreille.

 — J'espère qu'ils seront dans mon groupe !

 — Ah non ! Ce sera moi !

 — Les filles, on ne va pas se battre pour des garçons quand même, hahaha !

 Et les trois bécasses rigolent en chœur. Sauf qu'avec cette discussion des plus perspicace, je réalise que nous allons faire notre cours de sport avec tous les garçons de quatrième et que Thomas en fait partie. Bon sang, Mémé tu ne fonctionnes plus ? J'espère, je prie qu'il ne soit pas avec moi, mais l'ordre alphabétique de nos noms de famille ne va surement pas jouer en ma faveur. Le sien commence par un J et moi un H, je sens que c'est pour ma pomme.

 Avec tout le poids du monde que je supporterai sur mes épaules, je retrouve plus de 200 élèves non loin du stade. Tous

0attendent respectivement qu'on les appelle pour former divers groupes. Au bout de quelques minutes, j'entends mon nom de la bouche d'un des professeurs d'EPS. Une nouvelle fois, on écorche mon nom et cela amuse grandement les trois bécasses du vestiaire. Ni prêtant aucunement attention, je me retrouve dans le groupe C. Peu de temps après, le coup de massue tombe. Thomas est dans mon groupe et sans avoir le temps d'inspirer le souffle nécessaire pour survivre il me rejoint avec un :

 — Salut Marie, tu vas bien ?

Toutes les bécasses s'affolent et me foudroient du regard.

Je bredouille un "oui" presque inaudible.

 Dès cet instant, j'imagine tous les scénarios. J'imagine qu'il sait que je suis amoureuse de lui, qu'il va se moquer de moi, qu'il va le scander à qui veut l'entendre. Mais non, cela n'arrive pas...

 Très rapidement, il me dit qu'Andréa est malade et qu'ils sont désormais officiellement ensemble. J'aurais voulu lui répondre : Inutile de me le dire, la soirée au bowling me l'a fait comprendre. Mais je ne dis rien, je l'écoute. Ensuite, il passe à autre chose en me racontant ses vacances et son premier match de foot après sa vilaine blessure à la jambe. Puis, il finit par m'avouer ses sentiments pour Andréa. Pendant ce long monologue, je m'apaise un peu et me dis qu'il ne doit pas savoir, je suis rassurée. Andréa ne m'a qu'à moitié trahi. Mais qu'à-t-elle pu lui inventer sur le fait que nous ne nous parlions plus ?

 Une fois les groupes formés et les consignes des professeurs — que je dois avouer n’avoir absolument pas écoutées — mon groupe et moi rejoignons une petite salle. C’est là que nous découvrons, à notre grande surprise, que l’activité du jour sera… le saut en hauteur. Ouf ! Mes années d'expérience en athlétisme vont m'être bénéfiques.

 Thomas ne me lâche plus. Je trouve cela assez bizarre, mais cela ne me déplaît pas. Nous continuons de discuter le temps d'attendre notre tour et je m'ouvre un peu plus à lui, en lui précisant que j'habite une maison avec mes parents et l'une de mes sœurs, j'indique même l'âge de cette dernière.

 Le temps passe très vite et c'est déjà à moi de sauter, je mesure mes foulées et hop je m'élance. La professeure médusée m'applaudit, mais elle n'est pas la seule, Thomas aussi et là c'est le drame, je vire au rouge. Sans un mot, je rejoins la file pour un deuxième saut. Mon nouveau fan ne tient plus en place, il n'en revient pas que je saute si haut et surtout pour un premier saut. J'aimerais lui dire que le sport et moi c'est une longue histoire d'amour, mais je suis trop intimidée.

 Enfin, un second saut encore plus haut sous désormais plusieurs applaudissements et pour finir un troisième saut acclamé par l'ensemble de l'assemblé et même l'une des bécasses. Ce matin-là je suis la seule à voler si haut. Mon petit secret : ma Mémé Marie que j'essaie d'atteindre pour la remercier d'avoir exaucé ma prière.

 Après ce début de matinée remarquable, je me sens comme poussée des ailes. Dans le même élan, je participe glorieusement aux deux heures de cours de français. Mes camarades ne me reconnaissent presque plus.

 À midi, je retrouve ma tante — Mimi, comme je l’appelle — et savoure son délicieux hachis parmentier. Nous discutons de tout et de rien, jusqu’à ce qu’elle me demande si j’ai bien remis le fameux petit carnet à mon père. Seule ombre au tableau : je lui mens. Pour la première fois de ma vie. Rassurée, elle poursuit la conversation et me demande des nouvelles de ma mère. Et là, je réalise que je l’ai totalement oubliée. Ma propre mère. Prise au dépourvu, je bredouille que je ne sais pas. Quelle honte. Je termine mon dessert en silence, me lave soigneusement les dents, et repars à l’école avec un optimisme que je ne m’explique pas tout à fait.

 L’après-midi est aussi bonne que la matinée : un 16/20 en maths, une des bécasses me félicite pour ma performance du matin, Thomas passe toute la récré avec moi, et Audrey et Agathe ne me parlent même pas de Andréa. Je crois qu’elles ont compris que c’était mieux ainsi.

 En rentrant à la maison ce soir, je me sens bien. Cette sensation est de courte durée, j'ouvre la porte, ma mère est là :

 — Bonjour Marinette !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Carnetderoses ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0