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La dalle soulevée avec peine bascula et retomba dans un fracas qui se répercuta lugubrement dans l’église. Un souffle méphitique expira et éteignit quelques chandelles un peu plus loin. La bonne Louise, impressionnée se signa de nouveau.

— Père Pain, j’ai peur ! dit-elle, tirant la manche du père.

— N’ayez point peur ! Nous sommes dans la maison du Seigneur.

— Mais cette crypte !

— Hé bien, beaucoup d’églises en possèdent.

— Mais ce malade qui nous menace !

— Doc a son arme ! C’est un pauvre dérangé. Profitons-en pour partir vite !

Sylvie s’approcha de Cécile et Doc.

— Doc ! J’appelle la police ! Cette comédie a assez durée !

— La police ? Pourquoi la police ?

— Et cette prise d’otages !

— Peuh… On ne va pas embêter ces gens pour si peu…

— Mais il est complètement inconscient ce mec ! s’indigna la brunette.

— Mais quoi ?

Cécile intervint :

— Nous n’aurions fait de mal à personne. Nous sommes des gens bien vous savez. Certes le professeur est un peu excentrique depuis son renvoi pour d’obscures raisons… Il faut lui pardonner. Quand il aura vu qu’il n’y a rien, il se calmera et nous disparaîtrons. Soyez sympa.

S’adressant au père Pain :

— Mon père, soyez indulgent !

— Il voulait nous zigouiller et nous coller dans la crypte ! s’insurgea Louise.

— Des menaces pour vous impressionner ! Nous sommes des enseignants.

— Je ne vous félicite pas, dit le curé.

— Bah, moi, je ne reste pas une minute de plus, ici, conclut Louise. Venez mon père !

— Je viens…

— Vous ne voulez pas savoir ? Voir ce que la crypte cache depuis des siècles ? dit le Doc, bras croisé, tenant toujours l’arme en main.

— Comment ? Qu’est-ce que vous dites ? s’exclama le père Pain.

— Vous voulez dire qu’il y a un trésor ? demanda Cécile.

— Doc, c’est quoi encore cette histoire ? dit Sylvie.

— Un trésor ? dit Louise, revenant sur ses pas ? Bah c’est que le père en aurait drôlement besoin pour les travaux du clocher…

— Pour ça, oui, alors ! renchérit le curé. Notre bourdon menace de tomber et nous ne pouvons plus le sonner depuis près de deux ans. Impossible d’obtenir la moindre subvention!

— Oui, ben ça nous fait des vacances, dit Doc.

— Doc, vous êtes insupportable ! dit le curé. Expliquez-vous sur la crypte.

— Que savez-vous au juste ? insista Cécile, consummée de curiosité.

— Qu’avec les potes, on a exploré la crypte. Il y a longtemps, hein, il y a prescription.

— Mais… Mais… balbutia le curé.

— Au départ, on voulait se faire un peu de tunes et ratisser les troncs.

— Espèce de… gronda Louise.

— On était jeunes, bordel, on voulait s’acheter des bonbecs à la boulangerie…

— Les misérables mécréants, fustigea le père Pain.

— Mais vous saviez qu’il y avait une crypte ? demanda Sylvie avec son esprit analytique.

— Bah nan.

— Mais alors ?

— Alors Fabrice a fait tomber sa cannette de Coca.

— Et ? firent les quatre buveurs des paroles du Doc.

— Et ? Glou glou glou… Aspiré le Coca… Bu par un sol assoiffé. Alors on s’est dit qu’il y avait un truc louche, genre pas clair, genre mystérieux mais presque, genre anormal, genre…

— Et ? firent les quatre torturés pires que par des braises.

— Tu vas parler, oui, connard ! s’énerva Sylvie, saisissant Doc au collet et le secouant.

— Oh ! Elle est folle, elle ! Tu veux que je te colle une bastos ?

— Pardon… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. D'habitude je suis une adepte de la non violence pure et dure... C'est l'air du coin probablement...

— Alors ? fit Cécile, rongée de savoir le fin mot.

— Alors on a sorti les outils et soulevé la dalle. Voilà.

— Mais il est con ! Il le fait exprès ! bouillonna la Suissesse pas du tout réglée sur l'heure d'un coucou énervant avec son tac-tic.

— Doc, c’est insupportable, ce suspens ! dit le curé.

— Voleur ! dit Louise.

— Il y a prescription !

— Mais vous êtes entrés dans la crypte ? demanda Cécile.

— Un truc mystérieux et caché ? Rien n’aurait pu nous empêcher d’y aller. On s’est même battu un brin pour entrer le premier dans cette crypte moisie.

— Et ? firent les quatre agacés au dernier degré.

— Doc, si vous ne dites pas rapidement le fin mot de l’histoire, je vous livre à la population Conchoise, menaça le père Pain.

— Non ! s’alarma Doc. Ils vont me bouffer !

— Parlez !

— Tu vas cracher le morceau, oui ? rugit Sylvie. Putain, je comprends la colère des gens contre toi, salaud ! Vous savez qu’il a refusé de faire des arrêts de travail et de donner des IRM !

— Oh ! s’exclamèrent unanimement les auditeurs scandalisés.

— Mais quoi ? C’est injustifié ! tenta Doc.

— Il a dit à une pauvre femme « va bosser feignasse », continua Sylvie, hors d’elle.

— Oh ! de nouveau.

— Oui… C’est bien comme ça qu’il est, approuva Louise.

— Mais enfin, Louise, vous m’aimez bien non ? dit Doc.

— Non ! Pourquoi vous trouvez toujours plein de maladies aux gens ? Il suffit de venir vous voir bien portant pour ressortit mourant !

— Mais c’est parce que…

— C’est parce que vous êtes méchant.

— Il trouve des maladies imaginaires ? demanda Sylvie intriguée.

— Non, non, des vraies maladies, corrigea Louise.

— Mais alors, où est le problème ?

— Le problème ? Il ne fait rien comme les autres docteurs ! Voilà. Avec les autres, on sort guéri ! Avec lui, malade !

— Mais…

— Cherche pas à comprendre… fit Doc, écœuré.

On entendit du bruit venant de la fosse béante. Puis :

— Cécile, feignasse ! Venez m’aider, ça pèse un âne mort !

La belle Cécile ne releva pas.

— Oui, oui, professeur, j’arrive… Voilà, voilà. Vous avez trouvé quelque chose ?

— Pas grâce à vous ! J’ai été agressé par des rats !

— C’est ignoble !

— Vous n’allez pas vous trouver mal au moins ?

— Mais…

— Tirez ! Allez ! Bon Dieu, qu'elle est molle !

Rongés de curiosité, le père Pain, Louise et Sylvie s’approchèrent. Le professeur poussait une grosse malle dans l’escalier descendant à la crypte, un boyau voûté se perdant dans la pénombre. Une odeur fétide s’échappait de l’endroit, produit de l’humidité légendaire de la région.

Cécile donnait tout ce qu’elle pouvait pour dégager la malle. Mais elle n’arrivait pas à grand-chose. Doc, avec sa galanterie habituelle, lui remit le pistolet et prit sa place. Sylvie éberluée resta KO de stupéfaction à ce spectacle surréaliste.

Et deux temps, trois mouvements, une volumineuse malle ferrée fut tirée de la tombe. Le professeur émergea tel un spectre, couvert de poussière, de toiles d’araignées, maculé de boue et très agité.

— Merci mon ami, fit-il à Doc. On ne peut jamais compter sur les femmes.

— S’il faut soulever un truc lourd, l’égalité des sexes c’est du flanc, approuva Doc.

Apercevant l’arme dans les mains de Cécile le professeur la prit sans ménagement (se méfiant de l’incompétence féminine probablement) et braqua le groupe stupéfié.

— Doc ! fit Sylvie.

— Quoi ? Lève les mains ! Tu vois pas qu’il nous braque ?

— T’es complètement con en fait, c’est ça ?

— Pourquoi, tu dis ça ? T’es méchante, toi !

— Tu as filé le flingue à la grognasse ! Mais qu’il est con !

— La boulette ! fit Doc, mort de rire.

— Et en plus, ça le fait rire ! s’indigna Sylvie.

— Mon ami, vous êtes consternant, fit le père Pain.

— Ça ne va pas recommencer ?! dit Louise.

— Ouah ! fit Pif qu’on avait oublié depuis trop longtemps.

— Doc, en vrai, il te manque une case… T’es un grand malade ! rugit Sylvie.

— Tu veux dire que j’ai pas la cote avec toi, c’est ça ?

— Je rêve ! Je cauchemarde… Alors, écoute-moi bien ! Même si t’étais le dernier mec sur terre… Même pas en rêve !

— Et si je te paye un kebab Conchois Royal à la brasserie…

— C’est fini, oui ?! hurla le professeur, impatienté.

La situation était grave et probablement désespérée. Qu’allaient devenir les pauvres innocents ? Et Pif ?

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