Chapitre 1- Silhouette dérobée

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La lune trônait encore haut dans le ciel lorsque les paupières d'Hana se soulevèrent. Un soupir profond s'échappa de sa gorge tandis qu'elle tournait la tête vers la droite, cherchant l'origine de la perturbation qui l'avait arrachée à son sommeil. À sa grande exaspération, il s'agissait simplement d'un hibou posé sur la branche épaisse qu'elle avait choisie pour son repos nocturne. Ses yeux orange perçaient l'obscurité, la fixant avec une intensité presque insolente. D'un geste de la main, empreint de contrariété, elle le chassa dans un puissant battement d'ailes avant de grogner, se retournant pour tenter de retrouver le sommeil. Cependant, fermer les yeux semblait être une lutte vaine ; ils se rouvraient inlassablement, accentuant son agacement. Comme si le monde entier conspirait pour l'empêcher de se reposer.

Complètement éveillée à présent, la femme aux airs félins glissa lentement de l'arbre, atterrissant avec grâce sur le sol avec ses bottines noires. Des yeux émeraude, semblables à des joyaux, scrutèrent rapidement les environs, une habitude acquise au fil des années. En tant que démon ayant fait le choix de cohabiter avec les humains, elle s'était habituée à leur accueil hostile. C'était la raison pour laquelle elle avait élu domicile dans cette forêt que même les plus courageux évitaient. Les animaux sauvages qui y vivaient étaient réputés pour leur dangerosité, et sa propre présence ne faisait qu'accentuer ce danger. Cependant, c'était précisément cette menace qui lui assurait la tranquillité. Du moins, habituellement...

Ses pensées dérivèrent soudainement vers le jeune homme rencontré la veille. Ou du moins, elle se souvenait surtout du goût exquis du liquide rouge qui avait empli sa bouche. Une pointe de regret s'insinua, regrettant de ne pas l'avoir préservé pour renouveler l'expérience.

"Et si... ?" murmura-t-elle.

Ses pas la guidèrent instinctivement sur le chemin emprunté la veille. Après tout, elle connaissait la forêt mieux que quiconque, ayant exploré chaque centimètre carré à maintes reprises. Chaque arbre, chaque branche, chaque odeur lui étaient familiers dans ce qui constituait son paradis, son havre de paix. Le son des branches et des feuilles craquant sous ses semelles la ravissait, tout comme l'odeur persistante de la terre humide. Les animaux sauvages, habitués à sa présence, la considéraient comme l'une des leurs. Chasser et jouir de la liberté étaient son quotidien, aucune règle ne s'appliquait, si ce n'est celle du plus fort.

Alors qu'elle approchait du lieu où elle avait abandonné sa victime la veille, elle suivit à présent l'odeur de rouille qui émanait à travers les arbres. Soudain, elle changea brusquement de direction, se dirigeant vers le petit ruisseau qui coulait à quelques mètres d'elle.

"Avec cette odeur, les loups me sentiraient arriver à des kilomètres... ça m'étonnerait qu'ils ne soient pas aussi après ce corps. L'odeur du sang est partout. J'aurais pu le percher en hauteur s'il n'était pas aussi grand et lourd !" réfléchit-elle.

Tout en laissant ses pensées la guider, son regard se posa sur le ruisseau qui serpentait calmement devant elle. D'abord, elle se débarrassa de ses bottines noires, puis de ses hautes chaussettes noires, sur le point de rendre l'âme. Elle plongea un orteil dans l'eau, frissonnant violemment et faisant hérisser les poils de sa queue de chat.

"P*tain, qu'elle est froide !" s'étrangla-t-elle.

En temps normal, elle n'avait pas besoin de se laver pendant l'Automne, cette période où les humains avaient l'habitude de s'emmitoufler. D'autant plus que la neige n'était plus très loin, indiquée par l'assemblée des oiseaux migrateurs, prêts à entamer leur grand voyage.

Rassemblant son courage, elle ôta son short et son débardeur, tous deux noirs et usés, dévoilant sa peau mate ainsi que quelques cicatrices à travers les nombreux trous. Pas à pas, elle se laissa glisser dans l'eau aussi limpide que le froid piquant sa peau. S'arrêtant un instant, elle contempla son reflet dans l'eau. Son visage, d'ordinaire plus clair, était assombri par la terre et les traces de sang, qui mettaient en lumière ses yeux brillants en amandes surmontés de longs cils fins.

Ses mains se joignirent pour former un creux tandis qu'elle se mit à genoux, elle y récolta de l'eau et commença à mouiller puis frotter son visage, une sensation de bien-être immédiat l'envahit à mesure qu'elle se débarrassait de la saleté sur celui-ci.

Elle entreprit ensuite de nettoyer son corps, ses doigts glissants parfois délicatement sur les cicatrices, des stigmates plus clairs et légèrement en relief. Elle conclut cette démarche en s'attaquant à ses cheveux. Penchant la tête en avant, elle les laissa se gorger d'eau, les démêlant brièvement avec ses doigts aux ongles aussi aiguisés que solides.

Une fois cette étape achevée, elle s'extirpa de l'eau, sentant une légère frénésie malgré son endurance supérieure au froid par rapport aux humains. L'humidité ambiante ne jouait pas en faveur de sa quête de chaleur. Elle hésita un instant à regagner ses vêtements, puis changea d'avis. S'habiller tout en étant mouillée ne ferait que prolonger son inconfort. De plus, l'odeur persistante de ses vêtements constituait un contraste trop marqué avec sa propre fragrance, un détail pouvant la mettre en danger. Se mouvoir dénudée s'avérerait plus efficace pour retrouver une chaleur bienvenue.

Hana se remit en marche, silencieuse telle une ombre parmi les arbres. Ses pieds nus glissaient sans faire le moindre bruit sur le sol forestier, s'adaptant à chaque bosse et creux. Elle se faufilait entre les chênes majestueux, les sapins imposants, et les autres sentinelles végétales qui peuplaient cette forêt dense. Son corps semblait fusionner avec le tissu même de cet écosystème.

Soudain, un cri intérieur déchira le calme de son esprit. "Stop !" rugit son instinct, la forçant à s'immobiliser. Malgré la distance qu'elle avait parcourue en un temps record, quelque chose clochait. Ses sens, aiguisés par des années d'expérience, étaient en alerte. Ses oreilles, tendues comme des antennes, cherchaient avidement le moindre son discordant. Un frisson d'anticipation électrisait son échine.

Prudemment, elle reprit son avancée, sa démarche devenant encore plus furtive. Chaque pas était calculé, chaque mouvement réfléchi, telle une prédatrice en chasse. La lueur filtrante à travers les arbres la guidait vers l'endroit où elle avait abandonné l'homme la veille. Cependant, à mesure qu'elle approchait, une étrange inquiétude étreignait son cœur. Elle se méfiait de toute anomalie, même si la faiblesse n'avait pas sa place dans son répertoire. Au contraire, elle se tenait en tant que la plus grande prédatrice de cette forêt, mais même les prédateurs les plus redoutables peuvent sentir le danger imminent.

Avec une prudence instinctive, Hana se glissa silencieusement derrière le dernier arbre, prenant le temps d'observer attentivement. Comme la veille, les arbres se balançaient doucement sous l'influence de la brise, et le murmure léger du ruisseau parvenait à ses oreilles. La démone jeta un coup d'œil derrière le tronc et fut stupéfaite de constater que... hormis des traces séchées de sang, le corps avait tout simplement disparu. Un grondement sourd de colère s'échappa de sa gorge, exprimant son irritation. Ses yeux perçants scrutèrent chaque recoin du sol, cherchant désespérément une explication. Pas de signe qu'un autre animal l'avait emporté, pas la moindre empreinte qui aurait pu indiquer le passage d'un prédateur nocturne. Rien.

"Pas de signe qu'un autre animal l'a emmené..." murmura-t-elle, un mélange de frustration et d'incompréhension dans la voix.

Son regard s'aiguisa, repérant rapidement d'autres traces de sang et de pas. Un sourire prédateur se dessina sur ses lèvres.

"On dirait que la chasse n'est pas terminée" s'exclama-t-elle intérieurement cette fois-ci.

Convaincue qu'il ne pouvait pas s'être éloigné beaucoup avec tout le sang qu'il avait perdu, elle se lança dans la traque, ressentant une excitation grandissante. Cette fois, elle ne chercherait pas simplement à le tuer. Non, elle prévoyait de jouer avec lui, tel un chat avec sa souris, avant de lui infliger le coup fatal. 

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