9 - Dans les ruines du Gondwana

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« - Maman, qu'est ce que c'est que ca ? »

  Aricia a à peine fait quelques pas en dehors du vab qu'elle est tombée sur une relique de la guerre. Un petit objet de métal qu'elle ramène, la mine curieuse. Masha reconnait sans peine l'objet. Deux saucisses, enfermées dans du papier d'alu. C'était la seule nourriture que pouvaient tolérer les troupes de l'Etat Total. Pour rendre ses soldats plus combatifs, elles étaient bourrées d'un additif destiné à les rendre dépendants. Lorsque les combats devenaient trop rudes, l'Etat Total les jetait d'un avion derrière les lignes ennemis. Les poètes de l'époque avaient écrit des pages magnifiques sur le courage insensé qu'avaient alors les soldats qui sortaient des tranchées. Mais même la chimie n'avait pu empêcher la défaite.

  Après la chute de l'Etat Total, ses soldats survivants avaient erré des mois à la recherche des derniers dépôts avant de mourir de faim. Le sol est parsemé de ces formes argentées, conçues pour être repérées à plusieurs kilomètres par les radar personnels des soldats. Des débris de métal, les reliefs d'un repas que personne n'avait jamais pris. Dans le même état que le jour lointain où un bombardier de l'Etat Total les avait largués sur les collines. Il y avait eu des combats acharnés ici, menés par des hommes que l'on poussait, colline par colline, à reprendre le terrain perdu face aux altantes. Des hommes que l'on ne nourrissait plus pour qu'ils se jettent dans la mêlée avec l'énergie du désespoir, les usines d'alimentation détruites derrière eux. Masha était sûre que, quelque part dans la terre ravagée par les anciennes explosions, on pourrait trouver leurs restes. Des casques, des ceinturons, tout ce que le temps aurait à peine rongé, les dernières traces de ces hommes, non loin de cette nourriture qu'ils n'avaient jamais atteinte. Une piste de cendres, une terre morte où ne survivent que des arbres rachitiques. Le sol y est de béton pulvérisé ; les falaises, des immeubles aux vitres caves. Il flotte dans l'air des relents de plastique brûlé. Par endroits, des choses bougent dans la poussière : des mécaniques à demi détruites remplissent encore les fonctions pour lesquelles ont les a conçues.

  Dans les zones d'ombre, on voit des fragments démantibulés s'affairer à des tâches absurdes. Sur une dune, un scarabée de nettoyage aspire avec violence une poussière qui retombe en pluie dans son dos. Et tout celà, les ruines, les créatures et le sol qui apparait entre les pierres a une odeur étrange. Masha pense à l'odeur d'un manche de casserole, d'un feu de poubelle. A n'importe quoi, mais pas aux millions de personnes qui sont morts là et dont le souvenir, corps et odeurs ont disparu depuis longtemps. Il n'en reste que cette puanteur de technologie grillée.

  Au bout de la route, à l'emplacement précis indiqué sur la carte, Masha trouve ce qu'elle était venue chercher. Elle n'aurait pas reconnu le bâtiment. Levant la photo devant ses yeux, elle eut du mal à rajuster la forme des ruines et l'image vieille de 20 ans. Seul le porche où elle s'était abritée était resté intact. Dans son ombre s'ouvrait la porte qui donnait accès au bâtiment.

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