C’est un trou de verdure où chante une rivière,

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Comment mieux définir ce lieu mieux que ne l'a fait Rimbaud. Cet endroit que j'aime follement, sans que je ne puisse me l'expliquer. Mil raisons peut-être, ou simplement ce sentiment de me sentir moi, de faire partie d'un tout.

Pour rejoindre ce lieu qui m'est cher, il faut prendre la nationale, une courte descente, son virage puis la montée. Tourner sur la gauche sur la petite départementale, traverser un bois puis les près grillés par le soleil d'été. Tourner à droite avant le village puis encore à droite à l'étang. Descendre vers la rivière, en passer le pont et là, sur la gauche, le chemin nous attends. Il faut alors abandonner sa voiture et poursuivre à pied. Aucun risque en dehors des chasseurs du coin et de paysans, personne ne passe par ici.

Le chemin de terre, raviné par les pluies, creusé d'ornières, grimpe doucement entre les chênes et les noisetiers. Le sol se tapisse de fougères et de mousse, protégées de la chaleur par le couvert des arbres. Serpent ocre brun longeant la colline au milieu de la palette de vert luxuriant de la nature qui a repris ses droits. Même si la main de l'homme est présente, rien à cet instant ne le laisse deviner. Le vert éclatant laisse la place à celui plus profond des conifères. Nous sommes presque arrivés, encore un instant et vous découvrirez la petite mare dans une clairière où seuls, maintenant, le chant des oiseaux et le coassement des grenouilles troublent le silence.

Là, il faut se poser au soleil et fermer les yeux, caresser l'herbe douce et grasse, plonger ses doigts dans la terre meuble ; sentir la vie qui coule dans nos veines. Pour vous ce n'est qu'un endroit plein de calme pour moi, c'est bien plus que cela. Ce sont mes racines. Dans ce lieu, j'admire le travail de mon père, l'ampleur de la tâche qu'il a accompli à creuser ce point d'eau qui n'était à l'origine qu'un trou. Tout autour les résineux s'élèvent vers le bleu du ciel. Ces sapins plantés par la main de l'homme en un temps où je n'étais pas envisagé. Cet homme qui sera mon père, ses hommes qui seront mes frères, ma famille. Le temps a passé, réalisant le projet qu'il visualisait à ses trente ans.

Le calme des lieux est propice aux souvenirs de temps pas si anciens où nous partagions des moments ensemble et des souvenirs. L'ampleur de la tâche qu'il a accompli à creuser ce qui deviendrait un point de vie, cette petite étendue moirée que ride le vent. Des cris d'amusement faisaient écho à ceux de la nature environnante. Alors me reviennent les souvenirs et les récits de mon père, de son enfance, de ses farces et de la dureté d'un temps ou la mécanisation du travail n'était pas encore complètement répandue.

Face à moi, sur l'autre versant, la ferme que la cupidité des hommes a fait quitter, laissant à jamais le giron familial. Il est étrange de voir comme l'histoire peut se répéter parfois. Qu'est-ce que la valeur des souvenirs face à celle de l'argent. C'est une notion qui m'est incompréhensible. Je me prends à rêver, à me créer un avenir utopique où enfin tout irait bien. Que ce serait-il passé si...

Le temps file bien plus vite que nous ne le souhaiterions, la vie active reprend ses droits, il nous faut abandonner cet endroit de solitude, mais nous ne repartons pas sans rien. On le quitte en s'étant accaparé le calme du lieu, s'être gorgé de la lumière du soleil, remplit de cette force de la terre. Le résultat de la volonté d'un homme nous fait prendre conscience du pouvoir de la volonté et de l'ardeur à la tâche.Démonstration du "qui veut peut".

Mais je reviendrais, c'est promis, c'est écrit, car c'est ici que sont mes racines.