Chapitre 11 ~ Message et confidences

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Au commencement, une guerre déchira le ciel. Deux peuples s’opposèrent, un peuple d’âmes pacifistes et une légion de créatures avides de souffrances et de destruction, dont l’identité réelle ne fut jamais connue. Nombreux étaient les peuples qui avaient déjà péri sous la violence des attaques de ceux qu’on avait nommés les Brûleurs. Après avoir déjà exterminé de nombreuses espèces peuplant l’univers, ils arrivèrent dans ce que l’humanité appelle aujourd’hui le Système Solaire. Là se trouvait l’étoile sur laquelle vivaient les Âmes. Les Brûleurs ne tardèrent pas à lancer l’attaque, détruisant tout sur leur passage et massacrant chaque âme qui se trouvait sur leur chemin. Celles-ci, prises au dépourvu par la soudaineté de l’attaque et ne possédant pas les moyens nécessaires pour combattre à armes égales, résistèrent du mieux qu’elles purent. Cette invasion des Brûleurs fut d’une rare barbarie, la plus destructrice de toutes. Les envahisseurs ne tardèrent pas à faire ce pour quoi ils étaient le plus doués et qui leur avait donné leur nom : ils brûlèrent absolument tout ce qui pouvait brûler, tant et si bien que la planète des âmes ne ressembla bientôt plus qu’à une boule de feu incandescente qui continuerait de brûler des millénaires durant.

Les Âmes n’étaient cependant pas une espèce comme les autres. Elles possédaient un savoir inconnu des Brûleurs qui leur permis d’assurer leur survie et donc la continuité de leur espèce. Tandis que la température de leur planète continuait d’augmenter, provoquant explosions et rayonnements de chaleur, elles quittèrent leur enveloppe corporelle dans une énième déflagration et s’établirent dans la voûte cosmique, des milliers de petits points lumineux dispersés dans l’univers. Le choc de cette transition réussit enfin à faire fuir les Brûleurs.

Plusieurs millénaires passèrent. La planète en feu des Âmes permit l’apparition de la vie sur une autre planète et ainsi l’évolution d’une nouvelle espèce. Les Brûleurs réitérèrent leurs attaques contre les Âmes, dans le but de finir ce qu’ils avaient commencé. Pourquoi cet acharnement ? Personne n’en avait une idée précise. À chaque nouvel assaut, certes plus difficile au vu de la dispersion de leurs cibles, les Brûleurs faisaient de nouvelles victimes. Les pauvres âmes touchées tombaient alors sur la nouvelle planète, aux côtés d’une espèce appelée « espèce humaine ». Séparées de leur famille, coincées au milieu d’une espèce qui n’était pas la leur, les âmes tombées durent s’adapter et survivre du mieux qu’elles purent dans cet environnement hostile : prendre une nouvelle forme physique pour se fondre au milieu de ces humains, s’habituer au fonctionnement de cette nouvelle planète. Il arrivait que certaines des âmes ne survivent pas très longtemps dans ces conditions. D’autres y parvenaient, mais étaient très malheureuses, comme incomplètes, et solitaires. Elles ne parvenaient pas à s’intégrer pleinement aux humains, qu’elles ne comprenaient pas entièrement. La seule chose qui restait à ces âmes perdues, c’était que lorsque la nuit succédait au jour, elles pouvaient contempler les leurs, lumineux dans le ciel d’encre, et auxquelles les humains avaient donné le nom d’étoiles.

***

  La trappe du grenier s’ouvrit, laissant apparaître les cheveux noirs de Robbie. Charlie sortit le nez de son bouquin et le regarda s’assoir en face d’elle. Il avait l’air exténué, et ses vêtements étaient crasseux.

- Qu’est-ce qui t’es arrivé ? s’étonna-t-elle.

- Une minute, souffla-t-il.

  Charlie se redressa dans son fauteuil, Robbie se frotta le visage.

- Charlie ?

- Oui ?

- Est-ce qu’il y a du papier et de quoi écrire dans tout ce fatras ?

- Je… Je crois, oui, mais pourquoi ? Qu’est-ce que tu veux faire ?

- Les questions après, il faut se dépêcher, éluda le garçon. Si je dois redescendre trois fois pour la même étape, on n’avancera pas.

  Charlie s’était levée, s’attelant à fouiller les coffres et cartons divers. Robbie faisait de même. Ils trouvèrent de vieux papiers jaunis, des cahiers vierges et des crayons à papier. Son butin rassemblé, Robbie s’assit à même le sol, étala les feuilles et se concentra à sa tâche. La rouquine s’agenouilla en face de l’adolescent, l’observait en essayant de comprendre où il voulait en venir. Il traçait des lignes entrecoupées d’autres, des rectangles, des indications.

  Au bout de quelques minutes, le garçon releva la tête, affichant un grand sourire et avec l’air plutôt satisfait de lui-même.

- Tu m’expliques ?

  Robbie étendit les bras devant lui.

- J’espère que Fred ne m’en voudra pas de te le dire en première. Ça, milady, c’est notre ticket de sortie.

  Charlie jeta un œil sur la feuille entre eux. Elle regarda Robbie avec une perplexité non dissimulée.

- Des lignes ?

- Un plan.

- Un plan de quoi ?

- Des caves de ce trou à rats – façon de parler évidemment.

  Un frisson glacé parcourut le corps de Charlie ; elle perdit son sourire et ses yeux s’écarquillèrent. Avait-elle bien entendu ? Les caves ? Déambuler dans des couloirs, voire des conduits, noirs, humides et puants, sous terre ?

- Co… Comment tu peux savoir qu’il y a une sortie par-là ? demanda-t-elle en gardant le regard fixé sur la feuille de papier au sol.

  Elle essayait de garder contenance, mais elle sentait que Robbie avait perçu son trouble.

- On a accès qu’à l’Isoloir, selon le bon vouloir de Crumpek, poursuivit-elle en relevant les yeux sur l’adolescent couvert de terre.

- Il y a un passage.

- Explique-toi s’il-te-plaît. C’est là-bas que tu étais avant de venir, pas vrai ?

  Charlie fit un signe de tête vers les vêtements terreux de l’adolescent. Sa voix était devenue murmure, de façon à en contrôler les trémolos. Son dernier passage à l’Isoloir avait été plus que marquant ; certes bref mais vif en émotions. Elle avait peur de comprendre ce que Robbie était en train de lui dire. En fait, elle pouvait à peine concevoir l’étendue des caves sous l’orphelinat, ne serait-ce que de pouvoir sortir de l’Isoloir pour s’enfoncer plus loin encore dans les profondeurs lui glaçait les sang. Et elle s’en voulait de ne pouvoir mieux dissimuler ses émotions.

- Quand Crumpek m’a envoyé au trou à son retour, j’ai arpenté la pièce de long en large, en faisant bouger les rats sous mes pas. Puis, silence absolu excepté quelques grattements étouffés. J’en ai conclu que si les rats n’étaient plus avec moi, ils avaient dû passer dans une autre pièce ou que sais-je.

- Ils ont pu passer sous la porte…

- J’ai vérifié, impossible. Même une araignée ne pourrait pas se faufiler dans les interstices.

  La voix de Robbie s’était faite plus douce, rassurante. Mais Charlie restait aussi tendue que si elle avait été dans le couloir menant à son Enfer personnel sur Terre.

- J’ai commencé à faire le tour de la pièce en examinant au mieux les murs, mais elle est revenue me chercher à ce moment-là, reprit Robbie. J’ai dû remettre mon inspection à plus tard. Ce qui est arrivé plus tôt que prévu.

  Il avait baissé un peu plus la voix à ce moment-là.

  « Mais j’étais trop sonné pour me montrer efficace. Le temps que je récupère mes esprits, je n’ai eu le temps d’éliminer qu’un seul coin ; La Momie est arrivée ensuite et m’a remonté à la lumière du jour.

  Ma progression était trop lente. J’ai donc décidé de retourner de moi-même à l’Isoloir pour vérifier ma théorie et trouver « l’entrée » du passage. Et la Vieille Mégère étant absente, j’ai décidé d’y aller ce soir. »

  Charlie le regarda. Ses traits étaient découpés par les ombres de la bougie et ses bleus n’arrangeaient rien. Il avait l’air à la fois plus âgé et en même temps plus vulnérable.

- Pourquoi tu lui as balancé ton bol dans la figure ? Je croyais que tu voulais sortir d’ici, pas y rester six pieds sous terre. Il y avait plus subtil pour retourner à l’Isoloir.

  Robbie haussa les épaules.

- Mon côté rebelle sans doute.

- Je suis sérieuse abruti ! Elle va te faire la peau si tu continues comme ça…

- Au point où j’en suis, soupira-t-il, le sourcil arqué. La Sorcière me hait plus que vous tous réunis d’après ce que j’ai pu voir…

  Charlie ne lui répondit pas, se contentant de le regarder dans les yeux. Il évitait sa question, elle le savait. Il finit par baisser le sourcil, voyant que la rouquine n’en resterait pas là. Il était impulsif, téméraire, mais pas complètement idiot. Provoquer Crumpek sur son territoire était tout sauf dans son intérêt.

- Je ne voulais pas te laisser là dans cet état, admit l’adolescent à mi-voix.

- C’était loin d’être la première fois, tu sais.

- Tu étais blessée.

- Légèrement. Regarde ce qu’elle t’a fait en retour !

  Ils gardèrent le silence quelques instants. Aussi têtu l’un que l’autre.

- Merci, finit par murmurer Charlie.

- Il y a pas de quoi, répondit Robbie sur le même ton.

  Charlie reporta son attention sur le plan que son ami avait dessiné plus tôt. Elle fronça les sourcils.

- Comment tu as fait pour aller dans l’Isoloir de toi-même ?

- J’ai … emprunté la clé à La Momie.

- Evidemment, où avais-je la tête ?

  Elle se pencha sur le plan pour l’examiner de plus près. L’idée des caves la répugnait certes, mais elle était curieuse. Robbie se pencha vers elle, et continua son explication.

- Je m’étais équipé cette fois. J’ai également emprunté quelques outils au Bossu, et des bougies, histoire de voire ce que je faisais. Il y a bien un passage, derrière le lit. Petit, mais en l’agrandissant – ce que j’ai entrepris ce soir, on peut passer. On sent un léger courant d’air. Ça s’ouvre sur une sorte de couloir avec un embranchement de plusieurs autres couloirs qui vont je ne sais où. Je n’ai pas été plus loin aujourd’hui. C’est un vrai labyrinthe là-dessous. Mais en explorant, on devrait pouvoir sortir.

- Tu n’as aucune idée de ce que tu vas trouver, ni même d’où ça mène. Qui te dit que c’est une sortie ?

- Moi je le dis. Les souterrains ça remontent toujours quelque part.

- N’importe quoi. Et si c’est pas le cas, tu feras quoi ?

  Ils se fixèrent en silence pendant un instant, agacés l’un et l’autre par leur attitude. Charlie eut l’impression de revivre l’arrivée de Robbie.

- Mais enfin, quoi Charlie ? Tu veux passer ta vie ici en attendant que Crumpek t’écrases comme une mouche ?

- Bien sûr que non idiot ! s’exclama la jeune fille qui avait un peu haussé le ton. Mais, en admettant qu’on puisse vraiment sortir par-là, qu’est-ce qu’on fera une fois dehors ? Toi, tu avais une vie avant d’être ici, pas moi.

- Tu seras avec moi…

- Et Crumpek, t’en fais quoi ? Tu crois qu’elle va passer l’éponge sur notre absence ? La dernière, et la seule, qui a essayé de partir, n’a pas fait trois mètres. Je ne pensais pas être la plus réaliste de nous deux.

- Et je ne pensais pas que tu serais celle qui reculerait par peur de l’inconnu. Tu tiens tête à la mégère et c’est la cave qui arrive à bout de toi ?

  Touché. Il commençait à bien la connaître… Peut-être même un peu trop. Était-elle si transparente ? Charlie s’aperçut que son corps entier était crispé, et elle tenta de détendre ses épaules. Elle fixa le début de plan que Robbie avait dessiné.

  « Il tient vraiment à quitter Greywall, pensa-t-elle. Et moi, qu’est-ce qui me retient ici ? »

  Greywall ? Elle n’avait connu que cet endroit depuis sa plus tendre enfance, mais excepté le grenier, elle ne tenait pas particulièrement à ces murs.

  Les autres orphelins ? Elle n’avait pas la prétention de se considérer comme indispensable, ils lui manqueraient certes, mais la vie continuerait ici sans elle. Même si l’idée de partir vers la liberté en les laissant dans leur misère avec l’horrible sorcière la rebutait.

  Crumpek ? Elle serait plus que ravie de la reléguer aux oubliettes de son existence. Et si Robbie avait raison, ils seraient peut-être déjà loin avant qu’elle ne puisse les suivre, voire les retrouver.

  Ce qui est dangereux avec l’espoir, c’est qu’une fois qu’on lui accorde une petite place dans notre esprit, il est difficile de réfréner ses ardeurs. Seul sa peur des entrailles de la terre empêchait Charlie de s’y perdre totalement.

  Robbie rassembla les feuilles en un paquet et se leva pour les ranger sur une étagère, proche des deux fauteuils. Charlie se releva également et retourna se blottir dans le sien, Robbie faisant de même. La jeune fille se sentait quelque peu coupable du peu d’enthousiasme qu’elle avait témoigné face au nouveau plan du garçon. Il fallait bien admettre que c’était ingénieux. Les orphelins eux-mêmes n’y avaient jamais pensé, trop occupés qu’ils étaient tous à éviter les rats et attendre que le supplice prenne fin. En même temps, qui aurait pu imaginer qu’une possible sortie se trouve à l’endroit de la punition ultime de Son Altesse des Poussières ? Le savait-elle elle-même ? Peut-être jugeait-elle les orphelins trop stupides ou trop mous pour réfléchir à la question. Elle avait tellement bien assis son autorité et sa cruauté que personne n’osait la contredire. Personne, excepté quelques imprudents.

- Tu dois être le seul à avoir su utiliser ton cerveau normalement dans l’Isoloir. La plupart ne pense qu’au moment où la porte s’ouvrira. C’est plutôt bien trouvé.

- Ça a l’air de te surprendre, fit mine de s’indigner Robbie, le sourcil arqué.

- Disons que depuis que tu es ici, tu n’as pas vraiment enchaîné les bonnes idées, le taquina-t-elle.

- Ce n’est pas ma faute si Le Bossu me colle d’un peu trop près. Étonnant qu’il ne me soit pas tombé dessus ce soir d’ailleurs…

- Il doit surveiller le soupirail, tu es le seul assez timbré pour aller fouiner dans l’Isoloir seul, de nuit.

- Le soupirail est condamné, il n’y a plus grand-chose à surveiller par-là, lâcha l’adolescent.

- Quoi ?

  Charlie sursauta à ces mots. Ce truc existait depuis des années, et ils le bouchaient du jour au lendemain ? Juste après l’arrivée de Robbie ? Décidément, Greywall ne tournait plus rond. Robbie devait avoir suivi le même raisonnement car il chuchota :

- Il y a quelque chose de pas net ici… Et je compte pas rester assez longtemps pour le découvrir.

  Il regarda Charlie dans les yeux, effaçant en un sourire l’inquiétude et la frustration que la jeune fille avait entrevu l’espace d’un bref instant.

- Il te plaît ? demanda-t-il avec un signe de tête en direction de l’accoudoir.

- J’adore, répondit-elle en lui rendant son sourire. C’est ta mère qui l’a écrit ?

- J’adorais cette histoire quand j’étais petit, alors elle en a fait une copie. C’est sûrement le dernier truc qu’il reste d’elle.

- Tu es sûr que tu ne veux pas le garder ?

- Certain… Considère ça comme un emprunt sur le long terme, tu me le gardes en sécurité si tu préfères, ajouta-t-il avec un clin d’œil.

  Charlie leva les yeux au ciel avec un sourire. Pour ce que ça changeait dans les grandes lignes… Elle hésita mais finit par lui demander :

- Où est-ce que tu l’as retrouvé ?

  Le visage de l’adolescent se ferma quelque peu, ses yeux de glace se voilèrent. La jeune fille vit qu’il pesait le pour et le contre avant de lui répondre. Il n’avait pas pour habitude de se livrer aux autres, pas plus qu’elle.

- Un… ami de mon père l’avait récupéré. Hopkins. Un sale ivrogne parmi tant d’autres.

  Robbie avait craché ses mots avec hargne.

- Tu n’as pas l’air de l’aimer beaucoup, constata la jeune fille, à mi-voix.

- Ce n’est qu’un profiteur et un lâche. Et mon père était trop faible pour lui tenir tête. Trop aveugle. Tout ce qu’il a trouvé à faire quand mes parents sont… partis, c’est revendre ce qu’il pouvait récupérer tout en pleurant « son ami disparu ». Tu parles, il pleurait surtout la perte de ses revenus fixes.

  Robbie soupira, les doigts pincés sur l’arrête de son nez. C’était la première que Charlie l’entendait mentionner la mort des ses parents.

- La dernière fois que je l’ai vu, il puait le whiskey, il discourait sur la bonté de mon père, la beauté de ma mère… Et il agitait ce livre au nez de ceux qui avaient le malheur de passer trop près de lui. Je n’ai pas supporté de voir ces sales pattes sur la couverture que ma mère avait touché tant de soir pour me le lire, c’est comme s’il salissait les souvenirs que j’avais. Alors, j’ai attendu qu’il aille dessoûler et j’ai repris mon bien.

  Robbie releva la tête vers elle, une ébauche de sourire sur son visage, mais ses yeux ne souriaient pas. Ils étaient tristes et distants, comme si l’adolescent craignait de se confier davantage, ou essayait de se préserver lui-même de ses propres émotions.

- Le reste de l’histoire, tu la connais.

- Il est entre de bonnes mains, je te le promets.

  Le garçon hocha la tête et se laissa aller dans le fond du fauteuil défoncé, les yeux mi-clos. Lorsqu’il les rouvrit, il avait repris son expression habituelle, presque arrogante, qui avait le don d’agacer Charlie au plus haut point par moment.

- T’aurais pas un fauteuil plus rembourré ? On sent les ressors au travers de celui-ci.

- On est en rupture de stock malheureusement, mais tu peux essayer les lattes du plancher.

  Charlie lui sourit de toutes ses dents en lui disant ça. Robbie ria. À ce son, l’atmosphère se détendit un peu plus. L’adolescent se leva, Charlie reprit son livre.

- Ainsi soit-il gente dame, s’inclina-t-il.

- Laisse-moi lire goujat, rétorqua-t-elle en reprenant sa page, se retenant de rire.

  Mais la rouquine ne continua pas sa lecture, pas tout de suite. Elle savourait l’instant, cette bulle de bien-être que cette complicité avec son ami avait soufflé. Comme une poche de chaleur dans sa poitrine. Elle observait le garçon aux cheveux de jais qui déambulait entre les coffres et les meubles, occupé à observer et découvrir toutes les choses que ce grenier recelait. Comme elle des années plutôt.

  Ce garçon, si fier et parfois insupportable de sarcasme, qui cachait un passé plus douloureux que la plupart des orphelins de Greywall. La plupart était comme elle ; ils n’avaient pas connu leurs parents, ils avaient grandi à l’orphelinat. Ceux qui les avaient connus ne les regrettaient parfois pas, ayant subis des traitement tels de la part de leurs géniteurs que la cruauté de Crumpek ne les affectait pas outre mesure. La force de l’habitude.

  Mais Robbie avait eu une vie avant Greywall. Des parents qui l’avaient aimé, choyé. Cela se ressentait à sa façon de parler d’eux, sa façon de se comporter. Il n’était pas un simple gamin des rues. Pas un orphelin comme les autres. Mais malgré leurs différences, Charlie se sentait mieux en compagnie de Robbie qu’avec quiconque. Elle ne retrouvait ce sentiment de sérénité qu’avec son étoile, intangible. Partager cela avec une personne physique était différent.

  Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre mais son étoile n’était toujours pas visible sous les nuages. L’inquiétude perça la quiétude de la jeune fille. Au même moment, Robbie revint vers elle, un manteau noir sur les épaules, poussiéreux mais pas encore autant que le reste des objets centenaires qui s’entreposaient là.

- Je me demandais où le Bossu avait bazardé mes affaires. L’uniforme manque cruellement de prestance et de classe si tu veux mon avis. Ça va ? ajouta-t-il en remarquant son air préoccupé.

- Oui, répondit-elle.

  Trop précipitamment. Robbie la dévisagea, le sourcil arqué, un coup d’œil rapide vers la fenêtre.

- Tu attends Peter Pan ?

- C’est ça. Recule ou je me sers de ta tête pour taper des mains et ramener la fée Clochette.

  Un sourire en coin, les paumes devant lui, il abdiqua. Pour l’instant. Robbie ne la croyait pas, elle le voyait dans ses yeux. Et elle n’imagina même pas ce que lui pouvait lire dans les siens. Il lança un dernier regard vers la fenêtre, sourcils froncés, et s’en alla prendre un livre dans le tas entassé sur le meuble le plus proche. Et il s’installa en face d’elle. Ils gardèrent tous les deux le silence pendant un moment, savourant le calme de la nuit, la lumière vivante de la bougie, la réalité de ne plus être seuls, même si ce n’était que pour un moment défini. Seul le bruissement des pages du livre de Robbie troublait le calme ambiant. Il avait gardé son manteau noir. Il le portait bien, mais en l’observant plus attentivement, Charlie remarqua qu’il était un peu grand pour lui. Et que le bas présentait des marques de brûlures.

- Tu ne lis plus ? demanda-t-il soudain en relevant la tête.

- Je réfléchis, dit-elle surprise.

- Ah.

  Il replongea la tête dans son livre. Le silence reprit son cours, un silence apaisant que seuls quelques rares élus peuvent partager.

- Robbie ?

- Hum ?

- C’était le manteau de ton père, pas vrai ?

- Oui, acquiesça-t-il en la regardant. C’est la seule chose que j’ai pu sauver qui lui appartenait.

  Son expression restait neutre mais Charlie aperçut le flot de souvenir qui se jouait dans le fond de ses yeux. La curiosité la titillait, elle voulait lui demander tant de choses, le comprendre. Elle pressentait que tout avait un lien, sans trop savoir comment ni pourquoi. Le passé de Robbie, l’attitude de Grant puis de Crumpek, l’irrépressible désir de Robbie de mettre les voiles loin de l’orphelinat. Tout ce qui arrivait, ses malaises ne pouvaient être le fruit du hasard. Elle en prit conscience tout à coup, comme on recouvre la vue après être longtemps resté dans une pièce sombre. Elle revit, une fois de plus, le visage de Crumpek, déformé par la rage et la … Faim ? Les coups portés à Robbie. Son évanouissement non élucidé. Elle frissonna.

- Charlie ?

- Oui ?

- Si je te pose une question, tu promets de ne pas me frapper ?

- Ça dépend de la question ça, dit-elle l’air espiègle.

  Il rigola, puis reprit un air sérieux.

- Tu n’as pas peur de Crumpek.

- C’est une affirmation ça, pas une question.

- Mais c’est vrai. Tu lui tiens tête, tu ne te recroquevilles pas quand elle est là, à peine un raidissement.

- Toi non plus, fit-elle remarquer.

- Elle m’inquiète, mais je la hais davantage, ça aide à contrôler la peur. Elle en sait trop sur moi, ajouta-t-il devant l’expression interrogatrice de Charlie.

  Celle-ci hocha la tête, grave. Elle ne comprenait que trop bien le sentiment de Robbie. Même si les raisons de la haine à l’égard de la Directrice différaient des siennes.

- Je ne supporte pas de la voir s’en prendre constamment au reste d’entre nous sans raisons valables. Elle est cruelle pour le plaisir de l’être.

- Tu vas y laisser des plumes, la prévint-il.

- Je m’en suis mieux tirée en plusieurs années que toi en une semaine, lui rappela-t-elle.

- Tu marques un point, reconnut Robbie en effleurant sa paupière. Mais revenons à ma question. Tu joues les Zorro, mais tu perds tous tes moyens dans l’Isoloir. C’est pas simplement de la claustrophobie, je me trompe ? Il y a autre chose.

- C’est qui Zorro ?

- Un super-héros si tu veux… Mais change pas de sujet.

  Charlie grimaça. La question qui fâche. Que pouvait-elle lui répondre ? Que sous terre elle se sentait étouffer ? Qu’elle avait peur de plus jamais pouvoir remonter, que les ténèbres l’engloutissaient ? Qu’elle avait peur chaque qu’elle ne voyait pas le ciel car elle ne voyait, ne pouvait sentir son étoile ? Elle ne savait pas elle-même d’où lui venait cette peur panique ; ce n’était qu’une pièce sombre après tout. Elle ricana intérieurement. Tout son être était allergique à cet espace privé de lumière, d’air frais, de … Ciel ? Elle coula un regard en direction de la fenêtre.

- C’est … compliqué, souffla-t-elle finalement.

- Qu’est-ce que tu regardes tout le temps ? On dirait que tu attends quelque chose… Ou quelqu’un.

  Charlie hésitait. Elle voulait se confier. Mais comprendrait-il ? La minable sans existence de Greywall, parlant à une étoile ? Et pourtant, elle sentait qu’ils s’étaient rapprochés, que le Robbie agaçant n’était qu’un masque qu’il laissait volontiers tomber avec elle. Il l’avait sortie de l’Isoloir, il s’était confié à elle en lui parlant de Hopkins. Il lui avait offert le livre de sa mère.

  L’adolescent devait avoir perçu son hésitation car il lui proposa d’un ton léger :

- J’ai une idée : tu me parles de l’Isoloir et de ce que tu regardes toujours par la fenêtre, et je réponds à n’importe laquelle de tes questions. Ça marche ?

  Elle hésita une fraction de seconde supplémentaire, puis elle se tourna vers Robbie et se lança.

- J’ai toujours vécu entre ces murs, ça tu le sais déjà. La seule chose que je connaisse de l’extérieur, ce sont les champs qui entourent Greywall et le ciel. Je suis venue très tôt dans le grenier, dès que j’ai su me débrouiller. C’est à peu près au même moment que j’ai mes premiers souvenirs de Crumpek et de ses punitions ; et où j’ai eu mes premiers ennuis.

  Charlie parlait vite. Elle se disait que plus vite ça sortirait, moins étrange cela semblerait à Robbie. Elle ne savait pas comment raconter les choses dans l’ordre, pour que cela ait du sens, alors elle laissait venir les mots comme ils sortaient.

- J’ai toujours préféré rester dans mon coin. J’adore les autres mais je ne me suis jamais sentie totalement à ma place, sauf parfois avec La Resistencia. Et Crumpek montrait de plus en plus qu’elle avait une dent contre moi, alors je restais à l’écart. Je ne m’attirais pas d’ennuis, sauf pour défendre les autres quand je le pouvais. Ensuite je montais ici, et je… Je parlais avec mon étoile.

  Elle fixa les yeux glace de l’adolescent. Il ne la regardait pas comme une folle, ne se moqua pas. Il attendait qu’elle poursuive.

- D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours senti comme une… présence rassurante là-haut. Il y avait toujours cette petite étoile le soir, par la fenêtre du dortoir ou ici, qui scintillait plus fort que les autres, qui semblait m’écouter quand je lui parlais ou me comprendre mieux que quiconque… Je sais que dit comme ça, ça semble dingue.

- Pas du tout, répondit Robbie. Parfois, moi aussi j’ai l’impression qu’on veille sur moi là-haut… ça me rassure de regarder en l’air quand je me sens seul.

  Ils se regardèrent dans les yeux, se sondant l’un l’autre et comprenant qu’ils étaient plus semblables que le laissaient croire les apparences.

- Et l’Isoloir ?

- Quand Crumpek m’enferme là-dedans j’ai l’impression de m’éteindre. Je me sens comme étouffer, je ne sens plus la lumière des étoiles. Le sol me mange toute crue. Et je … ça me fait paniquer.

  Charlie s’arrêta de parler, soulagée en quelque sorte d’avoir partager son angoisse avec quelqu’un ; cela la rendait moins tenace, plus affrontable.

- Tu me prends pour une folle maintenant ?

- Je te prends pour une folle depuis le jour où tu as déposé une pomme près du soupirail pour que je la prenne, sourit Robbie.

  La jeune fille sourit aussi au souvenir du premier jour où elle avait aperçu Robbie. Cela lui semblait une éternité auparavant. Son ami se pencha vers elle comme pour lui dire un secret. Elle s’approcha également.

- Il y a pire que de parler à une étoile tu sais, murmura-t-il sur le ton de la confidence.

- Ah bon ?

- Les criquets imaginaires sont insupportables dans leur genre.

  Charlie pouffa.

- Je tâcherai de les éviter.

- Bonne idée, rigola-t-il.

- Quand tu as dit que Crumpek en savait trop sur toi… Qu’est-ce que tu voulais dire ?

- Tu perds pas de temps…

  Il souriait toujours en disant ça, mais son sourire avait perdu de son éclat. Son expression devint grave et le voile de souvenirs qui dansait au fond de ses yeux envahit tout son visage.

- Mes parents sont morts dans un incendie, commença-t-il à raconter.

  Et il lui raconta tout, ou presque. Tout ce qu’il savait et voulait bien partager en cet instant. Il lui raconta cette nuit affreuse où il avait perdu ses parents, sa maison, sa vie. Il lui répéta l’avertissement de sa mère, les dernières paroles qu’elle avait prononcée. Reste éloigné de l’orphelinat, mon ange. Ne t’en approche pas. Les flammes dévoraient tout sur leur passage et continuèrent de brûler bien après que tout fut consumé.

  Il lui raconta comment toute la bonne société, amis de la famille pourtant, lui avait tourné le dos. Il avait neuf ans. Il avait alors décidé de se débrouiller seul. Seul il était désormais, eh bien seul il survivrait. Et il s’en était plutôt bien tiré jusqu’à présent. Il faisait affaire avec ceux qui lui avaient tourné le dos, avec les canailles des ruelles. Ses manières et son caractère conjugué en faisait un chapardeur et un acquéreur hors pair. Les plus aisés se servaient de lui pour obtenir des choses que la bonne société ne pouvait se permettre de se procurer elle-même. Sans comprendre pourquoi, les gros dur le respectait dans les ruelles. Petit garçon, il se bagarrait souvent avec les petites brutes des mauvais quartiers ; bagarres qu’il remportait presque toujours. Robbie s’était dit que cela avait joué en sa faveur, en plus de se payer la tête des fortunés sans qu’ils ne s’en aperçoivent.

  Il lui décrit également le comportement de Grant, puis de Crumpek, ce qu’elle lui avait dit, ce qu’il pressentait mais ne parvenait pas à expliquer. Il lui raconta involontairement par ses mots sa solitude, les nuits froides passées seul – ceux qu’il aidait se désintéressant de lui une fois le service rendu. Charlie comprit mieux sa panique, son besoin de sortir des murs de l’orphelinat. Robbie était un esprit libre ; la pression que lui infligeait Crumpek, l’impression d’être pris au piège lui étaient insupportables. Il avait l’impression d’avoir trahi sa mère.

  Enfin, il lui confia que parfois, il levait le visage vers le ciel et imaginait que sa mère s’était changée en étoile, à l’instar des Ames peuplant l’histoire que Charlie tenait entre ses mains.

- Je suis désolée Robbie.

La rouquine avait parlé d’une toute petite voix.

- Ne le soit pas.

  Robbie s’éclaircit la voix. La tristesse qui avait envahi les traits du garçon pesait sur le cœur de son amie. Elle ne voulait plus jamais qu’il connaisse pareil chagrin, elle voulait l’aider. Le faire se sentir mieux. Le protéger de Crumpek.

- T’en fais une tête, constata-t-il en reprenant son expression coutumière. Ne me dis pas que j’ai perdu toute crédibilité à tes yeux ?

- Aucun risque, tu n’en as jamais eu aucune, le rebiffa-t-elle pour la forme.

  L’adolescent haussa les deux sourcils et porta la main à son cœur, dans une posture outrée. Charlie le regarda un moment sans rien dire, Robbie ne bougeant pas d’un centimètre. N’y tenant plus, ils éclatèrent de rire en même temps.

- Tu veux que je te dise petit farfadet ? Il y a pas que des désavantages à être coincé dans ce trou pour le moment.

- Appelle-moi comme ça encore une fois, Hunter, et tu vas le regretter !

  Elle tenta d’avoir l’air menaçant, plissant les yeux, mais elle avait trop envie de rire pour être convaincante.

- Farfadet.

  Charlie l’ignora royalement en reprenant le livre sur ses genoux et fourrant son nez entre les pages. Robbie fit de même. En l’observant de biais, Charlie vit que son sourire ne quittait pas son visage. Un vrai sourire comme elle lui en voyait rarement, excepté ce soir. Léger, mais communicatif jusqu’à ses prunelles azurs.

- Wow ! s’exclama-t-elle, incrédule.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

  Il avait relevé la tête, sourcil arqué comme à son habitude.

- C’était bien un sourire, cette grimace que tu as faites là ? lâcha l’adolescente en riant. Un vrai sourire ?

- T’habitues pas trop, farfadet, grommela le garçon en se renfrognant.

  Mais il ne parvint pas à se défaire totalement de son sourire.

- Les blagues les plus courtes sont les meilleures, rétorqua la jeune fille suite au « farfadet ».

  L’adolescent la détailla de haut en bas, un sourire en coin moqueur laissant clairement deviner à quoi il avait pensé. Charlie leva les yeux au ciel.

- Tu es insupportable !

- L’influence de ta compagnie sûrement.

  Sur ces mots, la rouquine tira la langue à un Robbie hilare. La légèreté que leurs confessions mutuelles avaient créé les enveloppait d’un cocon rassurant. Ils se replongèrent chacun dans leur livre respectif, savourant leur quiétude éphémère. Ils savaient tous deux qu’à Greywall, les moments paisibles ne duraient jamais longtemps.

  Charlie jetait de temps à autre un coup d’œil par la fenêtre, attendant que le temps se lève. La nuit était déjà bien avancée. Il s’était remis à neiger. La flamme de la bougie se fit plus vacillante ; la rouquine en ralluma une avant qu’elle ne s’éteigne. Ils partagèrent une brioche chipée à la cuisine par Robbie la veille. Il s’était acclimaté plutôt vite à ce rythme de vie, en une semaine.

  Elle poursuivait la lecture du livre de Robbie. L’histoire des Âmes et des Brûleurs la captivait. Elle était rédigée comme un témoignage, ce qui la rendait plus vivace. Elle trouvait le peuple des Âmes incroyable ; les Brûleurs la laissaient perplexe. Elle ne pouvait comprendre leur besoin de tout détruire, de s’acharner sur ce peuple. Les sourcils froncés de concentration, elle remarqua alors un détail en bas de la page. Intriguée, elle revint en arrière, et constata que c’était sur toutes les pages la même chose. Celles-ci étaient numérotées, mais les chiffres ne se suivaient pas. Robbie releva la tête en entendant les pages se tourner frénétiquement en face de lui.

- Ce sont les Brûleurs qui te mettent dans cet état ? Horribles, hein ? Tous pourris jusqu’à la moelle.

- Tous ? réagit Charlie en continuant de tourner les pages pour observer la suite de chiffres. Tu ne crois pas qu’il y en avait des bons dans leur camp ? Les Âmes pouvaient compter des traîtres aussi. Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir.

  Un « hum » peu convaincu répondit à la jeune fille.

- Qu’est-ce que tu fabriques ?

  Il s’était levé et venait de s’accroupir près d’elle. Elle tendit le livre pour qu’il puisse voir.

- Regarde la numérotation, lui indiqua-t-elle.

- J’avais jamais fait attention… ça n’a ni queue ni tête.

  Penchés tous deux sur le livre à la couverture verte, ils étudièrent le bas des pages, les tournant une par une depuis le début.

- Ce sont toujours les mêmes chiffres qui reviennent, dit Charlie.

- Et ça ne dépasse pas vingt-six, compléta Robbie.

- C’est un code !

  Les adolescents se regardèrent. L’excitation de Charlie était perceptible. Robbie, lui, semblait hésiter entre le sentiment de son amie et la prudence. Il semblait en même temps légèrement étonné que la jeune fille ait compris si vite de quoi il s’agissait ; et étonné de ne pas avoir remarqué plutôt cette suite de chiffre. Ou peut-être frustré.

- Oui, c’est un code. Et je crois que je connais la clé.

- La quoi ?

- La clé pour le décoder. Ma mère me l’avait apprise. On adorait réfléchir des heures sur des énigmes, des codes. Mais celui-là devrait être plutôt simple.

- Me regarde pas comme ça, se défendit Charlie, c’est déjà un exploit pour moi d’avoir compris que c’était un code.

- C’est un simple celui-là, même pour un œil non exercé. De 1 à 26, ça te dit rien ?

- L’alphabet ?

- Exactement, lui sourit-il. Tu permets que je te l’emprunte ?

  Charlie lui tendit le livre. Robbie s’installa en tailleur au pied du fauteuil de la rouquine ; celle-ci lui apporta crayon et cahier et le laissa se concentrer. Un code. Elle n’arrivait pas à y croire. Les chiffres étaient de la même écriture et de la même encre que celle qui avait servi à écrire le texte. La mère de Robbie lui avait laissé un dernier message. Elle était curieuse de savoir ce qu’il contenait mais elle resta tranquille, observant Robbie griffonner dans le cahier des suites de lettres et de chiffres. Il grommelait parfois dans sa concentration. Charlie avait l’impression de vivre une de ces histoires qu’elle adorait lire depuis que Robbie avait débarqué à Greywall. Elle se demanda, non sans une pointe d’anxiété, ce qu’ils allaient encore vivre comme rebondissement. Un code !

  L’adolescent griffonnait et griffonnait – l’on entendait plus que leurs respirations et le bruit du crayon sur le papier. C’est ce moment que choisit un rayon de lune pour filtrer entre les nuages et éclairer la fenêtre. Charlie se leva, Robbie ne broncha même pas, et alla ouvrir la fenêtre. L’air glacial la fit frissonner.

  Mais ce qu’elle vit – ou ce qu’elle ne vit pas – la glaça davantage que le plus froid des blizzards. Là-haut, dans le ciel d’encre percé de centaine de millier de points lumineux, son étoile n’était plus là. Le malaise qui grondait en elle depuis son réveil explosa dans sa poitrine. Ses membres devinrent lourds, sa respiration courte. Ce n’était pas normal. Elle le sentait. Elle se laissa tomber sur les genoux, complètement sonnée.

  Elle avait disparu.

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