Chapitre 8 : "LES ÉCHOS DU PASSÉ" - 

11 minutes de lecture

Partie 1

L'Éveil au Sommet

Au sommet de la Tour Centrale, dans une salle que personne n'avait jamais découvert, quelque chose s'éveilla.

L'Orbe reposait sur un piédestal de cristal noir, à côté d’un autre piédestal vide, immobile depuis si longtemps que la poussière s'était accumulée sur sa surface parfaitement lisse. Mais en cette nuit particulière, alors que Kaï s'entraînait dans le grenier à plusieurs kilomètres de là, la sphère commença à pulser d'une lumière dorée douce.

D'abord, ce ne fut qu'un scintillement, si faible qu'il aurait pu passer pour un reflet. Puis la lueur s'intensifia, battant en rythme avec quelque chose d'invisible, comme un cœur énergétique qui reprenait vie après un long sommeil.

Des capteurs oubliés depuis longtemps s'activèrent dans toute la Tour. Dans les niveaux inférieurs, des écrans poussiéreux s'illuminèrent soudain, affichant des données en langues anciennes que seuls quelques érudits auraient pu déchiffrer. Des alarmes silencieuses se déclenchèrent dans les bureaux administratifs, où des fonctionnaires endormis ne remarquèrent rien d'anormal.

Mais au niveau -45, dans les Archives, un homme aux cheveux blancs se redressa brusquement dans son lit.

Aetherion, le Level Master des Archives, n'avait pas dormi depuis des années - les Level Masters n'en avaient pas vraiment besoin. Mais il méditait, dans un état de conscience réduite qui lui permettait de surveiller les flux énergétiques de son domaine même au repos.

Et maintenant, quelque chose venait de réveiller des systèmes qui étaient restés dormants depuis l'époque des Cinq Piliers.

Il se leva d'un mouvement fluide, ses pieds nus ne faisant aucun bruit sur le sol de pierre polie. D'un geste de la main, il fit apparaître une projection holographique montrant les flux énergétiques de toute la Tour. Ce qu'il vit le fit froncer les sourcils.

Un signal puissant émanait du sommet - un signal qu'il reconnaissait mais qu'il n'avait pas perçu depuis plus de quatre siècles. Un Orbe de première génération venait de s'éveiller.

Mais ce qui l'intriguait davantage, c'était la source de la résonance. Le signal ne venait pas seulement du sommet vers le bas. Il y avait une réponse, faible mais claire, quelque part à la surface. Quelque chose - ou quelqu'un - était en train de répondre à l'appel de l'Orbe ancien.

Aetherion ferma les yeux et étendit sa perception au-delà des limites de son niveau. Ce qu'il perçut le troubla profondément.

L'énergie qui répondait à l'Orbe était pure. Plus pure que tout ce qu'il avait senti depuis... depuis l'époque d'avant la Grande guerre. C'était une signature qu'il reconnaissait dans les archives les plus anciennes, mais qu'il n'avait jamais pensé ressentir de nouveau.

"Cela explique tant de choses," murmura-t-il dans le silence de sa chambre.

À plusieurs kilomètres de là, dans le grenier de la librairie, Kaï s'arrêta brusquement au milieu d'un exercice de dissimulation énergétique.

"Qu'est-ce qui ne va pas ?" demanda Sera, remarquant son changement d'expression.

Kaï porta une main à sa poitrine, l'air désorienté. "Je... je sens quelque chose. Comme un... appel ?"

Niko se redressa immédiatement, ses yeux se fermant pour se concentrer sur sa perception énergétique. "Moi aussi. C'est faible, mais il y a quelque chose qui... résonne. Comme un appel lointain."

Aldrich, qui était en train d'ajuster un cristal d'éclairage, se figea. "Décrivez-moi exactement ce que vous ressentez."

"C'est comme si quelque chose m'appelait," dit Kaï lentement. "Pas avec des mots, mais... énergétiquement. Comme si une partie de moi reconnaissait quelque chose."

"Et cette sensation vient d'où ?"

Kaï leva instinctivement les yeux vers le plafond, puis plus haut encore. "De là-haut. De très haut."

Aldrich et Sera échangèrent un regard. "La Tour," dit Sera.

"Plus précisément, le sommet de la Tour," confirma Aldrich, son expression devenant grave. "Et si c'est ce que je pense..."

Il ne termina pas sa phrase, mais se dirigea rapidement vers son sac de livres. "Il faut que je vérifie quelque chose. Kaï, peux-tu encore sentir cette... connexion ?"

"Oui. Elle devient même plus forte."

"Ne tente pas de lui résister. Laisse-la se développer naturellement." Aldrich sortait des manuscrits de son étagère avec une urgence inhabituelle. "Si mes soupçons sont corrects, nous venons d'assister à quelque chose qui ne se produit que très rarement!"

"Quoi donc ?" demanda Tobin.

"L'éveil d'un Orbe de première génération. Et sa reconnaissance d'un porteur compatible."

Un silence stupéfait accueillit cette déclaration. Puis Sera demanda : "Un porteur compatible ?"

"Les Orbes les plus anciens ne sont pas de simples outils," expliqua Aldrich tout en feuilletant rapidement ses textes. "Ils possèdent une forme de conscience rudimentaire et peuvent choisir leur utilisateur. Mais ils ne s'éveillent que pour quelqu'un avec qui ils ont une affinité exceptionnelle."

Il s'arrêta sur une page particulière, étudiant le texte avec attention. "Voici. 'Lorsque les Gardiens du Flux marcheront de nouveau parmi nous, les Orbes Premiers reconnaîtront leur essence et s'éveilleront de leur long sommeil.'"

"Gardiens du Flux ?" répéta Kaï.

"C'est l'ancien terme pour désigner ceux qui possédaient naturellement un flux énergétique pur et constant. Ceux qui pouvaient maintenir l'équilibre énergétique de leur environnement." Aldrich leva les yeux vers Kaï. "En d'autres termes, des gens comme toi."

Niko sursauta soudain. "Quelque chose vient de changer. La résonance... elle se rapproche ?"

Avant que quiconque puisse répondre, un bruit sourd résonna dans le grenier. Pas un son audible, mais plutôt une vibration qui sembla passer à travers les murs, le sol, et même l'air lui-même.

Tous regardèrent vers la lucarne qui donnait sur la rue. Au loin, visible même de leur position, la Tour Centrale était... différente. Une lueur dorée très faible emanait de son sommet, pulsant rythmiquement comme un phare dans la nuit.

"Tout le monde va voir ça," murmura Sera.

"Pas forcément," répondit Aldrich. "Seuls ceux qui ont une sensibilité énergétique développée pourront percevoir cette lumière. Pour la plupart des gens, le sommet de la Tour aura l'air parfaitement normal. Ils vont juste sentir la pression et la vibration que cause cette chose."

"Mais les Runners..." commença Tobin.

"Les Runners vont définitivement le remarquer. Et ils vont commencer à poser des questions." Aldrich referma brusquement son livre. "Il faut que nous parlions. Tous ensemble. Il y a des choses que je ne vous ai pas encore racontées, et après ce qui vient de se passer, vous devez tout savoir."

"Tout savoir sur quoi ?" demanda Kaï.

Aldrich le regarda longuement avant de répondre. "Sur la véritable histoire de ce monde. Sur la Grande Guerre. Et sur pourquoi les prédateurs que vous avez rencontrés ne sont que la partie émergée d'un iceberg beaucoup plus grand et beaucoup plus dangereux."

Il se dirigea vers l'escalier menant vers la librairie. "Venez. Il y a une salle secrète en bas où je garde les documents les plus sensibles. Il est temps que vous compreniez vraiment dans quoi vous êtes impliqués."

Alors qu'ils descendaient l'escalier à la suite d'Aldrich, aucun d'eux ne remarqua que la lueur dorée qui émanait de Kaï était maintenant parfaitement synchronisée avec celle qui pulsait au sommet de la Tour.

La connexion était établie.

Et dans les profondeurs des Archives, Aetherion souriait pour la première fois depuis des décennies.


Partie 2

La Salle Secrète

Derrière une étagère apparemment ordinaire de la librairie, Aldrich révéla le passage dissimulé qu’il avait déjà montré au jeune Kaï, quelques semaines plus tôt. Un escalier étroit descendait dans l'obscurité, taillé directement dans la roche qui supportait les fondations du bâtiment.

"Je me doutais que vous aviez des secrets," marmonna Sera en suivant le vieil homme dans la descente. "Mais une salle secrète complète ?"

"Quand on a passé autant d'années que moi à collectionner des informations dangereuses, on apprend à prévoir des cachettes appropriées," répondit Aldrich en allumant des cristaux d'éclairage disposés le long des murs.

La salle qui s'ouvrit devant eux était plus vaste que ne le laissait supposer l'escalier étroit. Les murs étaient couverts d'étagères contenant des manuscrits, des rouleaux, et des objets que Kaï ne pouvait identifier même s’il était déjà venu ici. Au centre, une grande table était entourée de chaises dépareillées, et sa surface était couverte de cartes, de diagrammes, et de documents ouverts.

"Bienvenue dans mes véritables archives," dit Aldrich en se dirigeant vers une étagère particulière. "Tout ce qui se trouve ici est trop dangereux pour être exposé dans la librairie au-dessus."

Il sortit plusieurs volumes épais, leurs couvertures marquées de symboles que Kaï reconnut comme appartenant à la langue des Architectes. "Asseyez-vous. Il va y avoir beaucoup à assimiler."

Une fois qu'ils furent tous installés autour de la table, Aldrich ouvrit le premier livre à une page marquée de plusieurs signets.

"Tout d'abord, l'histoire officielle que nous enseigne le gouvernement est incomplète. Pas entièrement fausse, mais... édulcorée. La vérité est beaucoup plus complexe et beaucoup plus troublante."

Il leur montra une carte détaillée du monde, mais pas celui qu'ils connaissaient. Cette carte montrait l'île et les océans navigables, avec de multiples autres îles, et des civilisations étendues.

"Notre monde n'a pas toujours été une île isolée," continua Aldrich. "Il fut un temps où de vastes civilisations prospéraient sur de multiples autres îles. Mais il y a environ plus de mille ans, une guerre éclata qui changea la nature même de la réalité, et de ce monde."

"Quelle sorte de guerre ?" demanda Niko, ses yeux brillant de fascination.

"Une guerre entre espèces. D'un côté, les humains et leurs alliés - qu'on appelait les Gardiens du Jour. De l'autre, une espèce ancienne qui dominait le monde depuis des millénaires - les Maîtres de la Nuit."

Aldrich tourna la page, révélant des illustrations détaillées de créatures qui ressemblaient troublamment à celle que Kaï avait affrontée quelques jours plus tôt.

"Les Maîtres de la Nuit étaient des prédateurs énergétiques naturels. Leur espèce est encore plus vieille que la nôtre, des millénaires peut-être avant nous. Ils se nourrissaient de l'énergie vitale des autres espèces et ils ont combattu et asservi les architectes, la seule espèce qui représentait un poison pour eux. Ces mêmes Architectes ont créé l'humanité qui existait essentiellement comme du bétail intelligent, de bonne qualité pour les Maîtres de la nuit."

"Jusqu'à ce que quelque chose change," devina Sera.

"Exactement. Les Architectes - nos mystérieux précurseurs - développèrent une technologie révolutionnaire qui permettait aux humains de manipuler directement l'énergie magique. Enfin, pour nous c’est de la magie, pour eux, c’était leur énergie vitale. Pour la première fois, nous avions les moyens de nous défendre. Et nous perdions notre place de proie…"

Il leur montra un diagramme complexe montrant la Tour et sa structure souterraine. "La Tour que nous connaissons aujourd'hui n'était qu'un prototype. Les Architectes construisirent des dizaines de structures similaires à travers le monde, chacune servant de forteresse et de refuge pour les populations humaines."

"Et la guerre ?" demanda Kaï.

"Elle dura des siècles. Les Gardiens du Jour, les Architectes exactement l'emportèrent mais au prix de leur propre vie. Les Maîtres de la Nuit furent quasiment éradiqués, leurs grandes civilisations détruites. La plupart furent tués ou contraints à l'exil dans des régions inhospitalières. Privés de nourriture…"

Aldrich tourna vers une autre page, montrant des diagrammes du système magique actuel. "Mais la victoire eut un prix. La guerre avait tellement déstabilisé la réalité que les îles, ou les continents plus exactement, furent isolés les uns des autres. Notre île - qui était autrefois le centre du commandement des Gardiens - se retrouva coupée du reste du monde par des tempêtes magiques permanentes."

"Et les survivants des Maîtres de la Nuit ?" demanda Sera, bien qu'elle semble déjà connaître la réponse.

"Certains restèrent piégés ici avec nous. Affaiblis, diminués, mais pas entièrement détruits." Aldrich les regarda tous gravement. "C'est pourquoi notre système social est structuré comme il l'est. Plus on descend dans la Tour, plus l'énergie magique est dense, plus on est protégé des prédateurs résiduels qui rôdent encore."

"Donc tout notre système de hiérarchie magique..." commença Tobin.

"Est un système de protection anti-prédateurs élaboré, oui. Les restrictions de puissance magique par niveau ne sont pas là pour nous contrôler - elles sont là pour nous protéger. Les Maîtres de la Nuit ne peuvent pas opérer efficacement dans des environnements à haute densité énergétique."

Niko leva timidement la main. "Et les groupes 'civilisés' dont parlait Sera ? Ceux qui respectent des codes ?"

"Les descendants de Maîtres de la Nuit qui ont appris à coexister avec nous. Ils ont développé des cultures et des traditions qui leur permettent de survivre sans détruire l'équilibre. Certains se nourrissent exclusivement des morts naturelles, d'autres ont appris à subsister sur de bien plus petites quantités d'énergie vitale."

Aldrich referma le livre et en ouvrit un autre. "Mais voici le point crucial : le système fonctionne grâce à un équilibre délicat. Les prédateurs civilisés aident à réguler les prédateurs sauvages. En échange, nos dirigeants ferment les yeux sur leur... régime alimentaire restreint."

"Un équilibre que ma simple existence perturbe," dit Kaï lentement.

"Exactement. Tu es un Gardien du Flux naturel, Kaï. Ton énergie pure est toxique pour tous les Maîtres de la Nuit, qu'ils soient civilisés ou sauvages. Ta présence seule affaiblit leur capacité à se nourrir, même de sources mortes."

Un silence pensif s'installa. Puis Tobin prit la parole, sa voix hésitante.

"Al'... il y a quelque chose que je dois vous dire. Quelque chose que j'ai trouvé dans les affaires de mon mentor."

Il sortit de son sac un carnet qu'aucun d'eux n'avait vu auparavant. "Nexton... il savait tout ça. Pas entièrement, mais il avait fait des connexions."

Tobin ouvrit le carnet à une page couverte de notes et de calculs. "Regardez ça. Il avait cartographié les patterns de disparition dans la ville sur les dix dernières années. Et il avait identifié plusieurs zones où les disparitions suivaient des cycles précis."

Il montra un diagramme complexe. "Mais ce n'est pas tout. Il avait aussi des notes sur les 'anomalies énergétiques' - des personnes qui ne correspondaient pas aux patterns normaux de la Fièvre Magique."

"Des personnes comme Kaï ?" demanda Sera.

"Et comme Niko. Et comme moi-même, dans une moindre mesure." Tobin leva les yeux vers eux. "Il m'entraînait pour quelque chose de spécifique. Il construisait une équipe."

"Une équipe pour quoi ?"

"Je ne sais pas. Mais regardez ça." Il tourna vers une autre page, où était dessiné un schéma de la Tour avec des annotations détaillées. "Il avait des théories sur les niveaux inférieurs. Il pensait que quelque chose se préparait dans les profondeurs. Quelque chose qui allait perturber l'équilibre actuel."

Aldrich étudia les notes avec attention. "Nexton Steelwind était plus perspicace que je ne le pensais. Ces observations sont... troublantes."

"Pourquoi ne m'a-t-il jamais dit que son travail était lié à... ça ?" La voix de Tobin était chargée de frustration et de blessure. "Pourquoi tous ces secrets ?"

"Parce que connaître cette histoire est dangereux," répondit Aldrich gentiment. "Il y a des forces - humaines et autres - qui préfèrent maintenir le status quo. Qui profitent de l'ignorance générale."

"Et maintenant ?" demanda Kaï. "Qu'est-ce qu'on fait avec toutes ces informations ?"

Aldrich regarda vers le plafond, comme s'il pouvait voir à travers la roche jusqu'au sommet de la Tour où l'Orbe continuait de pulser.

"Maintenant, nous nous préparons. Parce que l'éveil de cet Orbe va attirer l'attention de tous les camps. Et nous devons décider de quel côté nous voulons être quand les choses commenceront vraiment à bouger."

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Valentin BOUSSAC ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0