La femme que j’aime

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Celle que j’aime, Bastet, la plus belle, a deux défauts qui la caractérisent. Le premier son mépris, c’est vraiment énervant. Le deuxième, tout autant, toujours inaccessible. Une vitre, un couloir, la distance, un mur ou ces barreaux aujourd’hui. Il y a toujours quelque chose entre nous.

Je m’occupe comme je peux, qu’elle soit là ou non, elle est dans ma tête toujours impossible à atteindre, seule son odeur me parvient. Je ne sais pas pourquoi, depuis qu'elle est revenue, ça me frustre encore plus.

Puis un jour où elle dort, les barreaux coulissent, me laissant une ouverture jusqu’à elle. J'approche lentement, pas à pas, mon cœur bat fort, mon sang monte avec force jusqu’aux oreilles. Je ralentis mon souffle pour m’apaiser et me faire discret.

Son dos noir, creusé par ses muscles et sa courbe, a l’air si fragile, il y a aussi sa queue qui se balance librement ; cela m’évoque les plumeaux accrochés aux murs avec lesquels je jouais. Puis, elle se retourne sur son dos, mais la tête toujours tourné à l’opposé, je m'immobilise, elle semble endormit.

Quel magnifique et envoûtant corps. Cette petite femme qui semble si paisible, allongeait sur ce lit. Enfin, je peux m’en approcher.

Pourtant, je ressens une chose, une faiblesse. Elle me perturbe, j’ai une envie à la vue de cette perfection, si mince et élancée. C'est un désir puissant de lui exprimer mon amour. Mais comment faire ?

Peut-être simplement en la secouant doucement et en lui disant.

- Belle Bastet, je t’aime de tous mon cœur.

Non, sa première réaction serait de me déchirer l'avant-bras. En lui chuchotant dans son sommeil ?

- Félix est amoureux de toi.

Mauvaise idée, je risque de me faire mordre à la gorge.

Je ne suis pas obligée de le lui dire tout de suite. Des fleurs ? Amandines Deschamps, avait reçu des fleurs d’Éric Picard, il avait inscrit un petit mot, elle me la lut. Les mots inscrits étaient : je t’aime.

Il suffirait que je les lui pose à côté de son lit, ou dans un vase prêt de sa télévision. Pas besoin de la réveiller, ainsi, elle aurait une jolie surprise avec des mots simples.

- Pour la plus belle des femmes.

Raaaah… Mais seulement aime-t-elle les fleurs ? Je ne sais pas et si je lui demande elle va m’envoyer sur les roses. Comme dirait Deschamps.

Des roses ? Oui, pourquoi pas, c’est joli et ça mettrais un peu de couleurs à notre cellule blanche, à moins qu’elle les déteste.

J’envie le lion dans sa savane, tout est si simple pour lui. Les femelles l’aiment et se montrent gentilles avec lui. Mais qu’est-ce que tu te racontes, Félix ? Ne sois pas idiot, ce n’est pas comparable. De plus moi, je n’ai pas besoin d’une troupe de lionnes !

Oui, juste une femme, l’élue de mon cœur me suffirait. Je voudrais juste qu’elle soit un peu plus câline avec moi. Tel que me prendre la main ou même mettre sa tête contre la mienne. Ce genre de petites choses que l’on fait quand on apprécie quelqu’un.

Mais le simple fait de la frôler est dangereux. Inaccessible, encore, la belle Bastet aux yeux rayonnants d’or tel le soleil. Si seulement je pouvais les voir ouverts en sachant qu’elle éprouve la même chose que j’endure en la voyant.

Cela me torture jusque dans mes rêves, où je suis toujours proche de l’enlacer. Je me réveille avant d'y parvenir, générant une grande frustration et une solitude pesante. Les pires d’entre eux sont ceux où mes sentiments la répugnent au point que je suis repoussé violemment. Un cauchemar qui à chaque fois me réveille avec des sueurs froides.

Mmm ? Elle bouge ? Oui. Elle semble se réveiller, je recule vite de quelques mètres. Je reste cependant de son cotée. Peut-être comprendra-t-elle mes intentions, voire m’acceptait. Quand elle se redresse, je lui adresse mon habituel.

- Bonjour Bastet.

Elle me regarde, puis se lève en sursaut.

- Que fais-tu là au beau milieu de mon territoire Félix !?

- Les barreaux sont ouverts.

Elle répond agacée.

- Je vois ça ! Mais pourquoi es-tu venue !? Tu m’as touchée !?

Elle s’inspecte entièrement comme si je l’avais salie. Apparemment, la confiance règne. Elle me prend pour qui au juste ? Jamais je n’oserai la toucher d’une façon inappropriée.

- Non, je n’ai fait que te regarder dormir.

- Tu m’as regardé ?!

- Je ne vois pas où est le problème. J’ai toujours fait ça et jusqu’à présent cela ne t’a pas dérangé.

- Recule ! Reste de ton côté Félix !

J’obéis.

- Satisfaite ?

Pas du tout, si j’en crois les grimaces de dégoût et de colère. Dresser du haut de ces petites pattes, revoilà ce regard hautain. Étonnamment, cela m’attire tout en me rendant malheureux. Puis je me souviens d’un conseil de Deschamps, ouvrir son cœur, peut-être qu’avec elle cela marche.

- Bastet.

- Oui, quoi encore ?!

Mais quelle dureté, elle est impitoyable avec moi. Ça a toujours été comme cela. Elle a beau illuminer mes journées, c’est toujours avec froideur qu’elle me traite.

- Je…

Ah… Que je souffre, cette pointe de douleur dans ma poitrine. Mais je dois avouer mon amour sincère. Si je ne le fais pas, elle ne pourra jamais me comprendre. Et si elle refuse ? Rien que d’y penser… Non. N’y pense pas, soit un homme courageux et dit lui.

- Je suis amoureux de toi. Maintenant, tu le sais.

- Je sais surtout que je suis ici parce que tu là demandais à Monsieur Schäfer.

Et c’est tout ce qu’elle a retenu de mon aveu ?! Ô mon cœur ! Quelque chose s’est brisée. Reste digne Félix, reste digne.

- Être toute seule te convient ?

- Oui, car au moins, on ne vient pas m’épier dans mon sommeil.

Vraiment, je ne la comprends pas, se sens elle vulnérable quand je l’observe ? Oh, je crois avoir enfin compris, elle n’a trouvé que ça pour se protéger, le mépris et les reproches.

- Bastet, tu as peur ?

- Moi ? Peur de toi ?

Elle rit, mais pas vraiment, approche, ses hanches et sa queue qui bouge de droite à gauche, d’un pas sûr jusqu’à portée de main. L’élégance féminine à m’en faire tourner la tête et une assurance insolente qui fait son charme.

- Je n’ai pas peur de toi, Félix.

- Vraiment ? Je l’avoue, moi, Félix, j’ai peur de toi, Bastet. Alors que tu es si fragile.

- Ah ! Tu as avoué indirectement d’être d’autant plus fraAgile.

Sa voix a vacillé ? Oui, sur fragile.

- Mais je le suis, face à celle que j’aime.

Elle détourne le regard un instant, mais ce n’est pas du mépris. L’ai-je perturbé ? Je le sens, c’est étrange. D’habitude rien ne la fait osciller sur les mots. À moins qu’elle ait changé.

- C’est émouvant, mais c’est à sens unique Félix.

Aïe… C’est comme un coup de couteau ! Mon petit cœur, aïaïa, aïe… Je souffre.

- Alors, devenons au moins amis.

- Je sais ce que tu veux.

Elle tape sa hanche droite.

- C’est ça ! Alors, ne me prends pas pour une idiote.

Elle est énervée, encore plus. À raison, si elle croit que je vois en elle un objet pour assouvir un besoin.

- Je m’intéresse plus à toi que de ça, j’ai envie de partage de bon moment avec toi.

- Et de quel moment peux-tu me faire partager ?

Elle montre les crocs, grognant légèrement.

- Je ne sais pas, mais je ne te contraindrais pas. Si tu en ressens l’envie, je peux parler ou jouer avec toi.

Elle recule d’un pas, je crois, soulager par mes mots.

- Je n’ai envie de rien, Félix, et surtout pas de toi.

Et elle tourne le dos pour aller se coucher.

- Je t’entends chuchoter dans tes rêves.

Arrêtée par mes propos, elle écoute très attentivement, comme si j’avais mis le doigt sur un point sensible.

- Et cela me fait de la peine.

Lentement, sa tête se tourne et me fixe. Quand elle commence à être comme ça, je la trouve terrifiante avec ses yeux fendus à l’extrême qui s’ouvrent lentement. À chaque fois, j’ai l’impression qu’elle va me bondir dessus et me dévorait tout cru.

Ardente tel le soleil, je pourrais presque voir des flammes sortir de ses yeux, ça me brûle la peau. Je me sens oppressé et suffoque. Son rayonnement est irradiant, j’angoisse à l’idée qu’elle me déteste. Mais si c’est ainsi, alors je ferais plus d’effort.

- Qu’as-tu entendu exactement ?

- Des pleurs surtout, et de la peur.

Bras croisé, elle se braque et souffle du nez. La pression retombe un peu.

- Je te fais pitié, de la peine, comme tu dis, mais cela ne m’aide pas.

- Alors je n’ai qu’à t’aider.

- M’aider ? Peux-tu me faire disparaître mon chagrin ? Cela m’étonnerait, tu ne peux pas me comprendre.

- C’est vrai, j’ai du mal à te comprendre. Je peux, par contre, prendre le temps avec toi de perfectionner tes entraînements physiques. Je le ferai différemment par rapport à Monsieur Schäfer. Je ferai preuve de patience et de bienveillance.

Elle réfléchit, si j’en crois sa tête qui penche vers l’avant.

- Tu pourrais devenir plus forte que Monsieur Schäfer si je te soutiens.

- Plus forte que lui…

Cette idée la fait sourire, mais pas de bienveillance.

- J’accepte, cependant ne va pas imaginer que cela fait de nous un couple.

Je n’ai rien imaginé, j’ai obtenu ce que je voulais, son attention.

- Bien entendu, quand veux-tu commencer ?

- Maintenant, je suis d’attaque au réveil.

- Viens de mon côté demain, je tapisserai le sol pour les chutes.

Le lendemain, après ma demande auprès de Schäfer, des tapis sont placés.

Bastet quant à elle n’a pas hésité à venir sur mon territoire, habillée comme à son entraînement. Une fois prêtes, nous nous saluons respectueusement. Et nous commençons les combats. J’initie le premier assaut et j’ai réussi à la neutraliser sans problème d’une simple prise.

Nous nous redressons, je peux lire l’amertume sur son visage.

- Que t’a-t-il appris ?

- Du karaté, un peu de judo et du krav-maga, je crois.

Elle ne semble rien y comprendre.

- Alors Bastet, je vais t’apprendre un truc, ne le prend pas mal surtout, mais dans le Krav-maga, il y a des techniques de judo.

- Je… Je le savais ! Je voulais juste voir si toi, tu connaissais.

Mais bien sûr, elle est trop mignonne quand elle est comme ça, tout gêner de son ignorance. J’ai envie de lui tirer gentiment ses petites babines de minette pour la taquiner.

- Alors on va se consacrer au Krav-maga, tu es une petite femme, ce dont tu as besoin, c’est de retourner la force de tes adversaires.

- Et en quoi cela me serait utile ? Une fois prise, je ne peux rien faire.

- Laisse-moi alors te montrer. Strangule-moi comme le ferait Schäfer.

Elle se met derrière moi et m’entoure de ses fins bras.

- Serre un peu. Voilà. Attention, tu vas finir sur le dos, tu es prête ?

- Prête.

- J’y vais.

J’attrape la tête à deux mains ensuite, je pose mon genou au sol, j’emporte son poids avec moi, et je la fais basculer pour qu'elle passe au-dessus de ma tête. Résultat, elle est sur le dos et je peux la frapper.

- Voilà comment il faut faire en derniers recours.

Elle est impressionnée par ma force. Un peu paralysé, sans doute l’ego, ce n’est pas grave, elle en a un solide. C’est pour ça aussi que je l’aime d’ailleurs. Elle se redresse sans difficulté.

- Mais toi, tu es plus grand, plus puissant.

Enfin des compliments de sa part. Ça me fait tellement du bien.

- Justement, tu peux utiliser ma taille contre moi, ce genre de mouvement pourrait t’aider. Laisse-moi te montrer. On inverse les rôles. Tu veux bien ?

- D’accord.

Elle me tourne le dos, je vais pour la saisir doucement, mais dès que je serre, son souffle devient irrégulier et prononcé. Je la ressens, son angoisse.

- Cela te convient ?

- Oui, oui.

- Je te sens un peu tendu, musculairement parlant.

Je touche son ventre.

- Sers-toi de ton diaphragme pour inspirer profondément, là… Voilà… Détends-toi.

Elle a besoin d’être rassurée. Qu'a donc fait le capitaine Schäfer à mon soleil ? Oh… Ce parfum. Il réchauffe mon cœur comme la vue sur un désert de sable. Enfin ceux que j’ai vus dans l’écran de la télévision.

- Tout va bien, ce n’est pas grave si tu n’y arrives pas du premier coup. Je vais serrer un peu.

Mon bras droit entour son cou, puis la main droite verrouille le tout en se plaçant à l’intérieur du coude gauche, ma main gauche s’appuie sur la tête. Son stress est palpable.

- Essaie.

Elle applique tous mes gestes, mais c’est difficile pour elle.

- Prends ton temps pour décomposer chaque mouvement.

Je me laisse emporter au moment du basculement.

- Bravo, Bastet.

- Tu t’es laissé faire !

- Non.

- Tu me mens ! J’ai senti le manque de résistance !

- Je t’ai laissé finaliser la prise, pour que tu…

- Tu ne veux pas que je progresse, c’est ça ?!

Mais… Qu’est-ce qu’elle me fait ?

- Tu veux que je me fasse perpétuellement battre par Schäfer, tout ça pour te venger !

- Ce n’est pas le cas, je n'ai aucun grief contre toi.

- Arrête ! Arrête ! Tu veux m’humilier ! Et bien, moque-toi ! Aller !

J’ai l’impression que ses mots ne me sont pas vraiment destinés. Des larmes ? Elle pleure ? Je… Qu’est-ce que je peux y faire !? Je ne m’y attendais pas ! Et pourquoi d’un seul coup !?

- Mais qu’est-ce qui se passe avec monsieur Schäfer ?

- Il me violente ! Et ce, à chaque fois que je dépasse d’un chouïa de la case soldat ! Je n’en peux plus ! Je suis à bout ! Et je te déteste !

De ses poings, elle me frappe la poitrine avec une puissance que je peux subir.

- Je te déteste ! Je te déteste ! Et je suis malheureuse !

Si proche, la voilà qui s’abandonne à moi ! Dois-je l’enlacer ? Idiot de Félix, bien sûr que tu le dois.

Elle se blottit contre mon torse ; où est passée ma Bastet Rebelle ? Son assurance a presque disparu ; doucement, je l’étreins.

- Il m’a enlevé mon nom ! Il me nomme Sekhmet ! Sekhmet ! Je n’ai aucun droit ! Je n’ai rien, absolument rien…

Elle fond en larmes, et c’est inacceptable ! Calme cette pulsion. Schäfer ne doit rien voir, le seul signe de ma colère est ma queue ébouriffée. J’espère qu’il pensera que c’est une tension sexuelle. Mais cette rage. Cela bouillonne en moi, comme quand on m’avait empêché d’être avec elle au début.

Je t’ai toujours aimée, il m’a suffi de poser mes yeux sur toi pour que mon cœur soit conquis. Mais, si je te le dis maintenant de quelque manière que ce soit, tu ne croirais aucun de mes mots. Alors, au nom de cet amour. Je vais me dévouer corps et âme à ton bonheur. C’est l’homme que je veux être pour toi.

Quant à toi Schäfer, je te retiens. Tu as définitivement perdu mon respect. À présent, tu auras plus qu’une façade et jamais tu ne sauras ce que je pense réellement de toi.

- Il m’observe, toujours là à me juger ! Je sens encore son regard derrière sa maudite caméra, je n’ai personne sur qui compter ! Je me sens si seule…

Alors c’est la raison du rejet qu’elle éprouve quand je l’observe silencieusement, elle croit que je la juge. En vérité, je n’ai aucune intention autre derrière cet acte. Non, Félix, ne te ment pas. J’éprouvais de la fascination et un désir de mieux la connaître, mais à l’époque, je ne savais pas comment m’y prendre pour faire connaissance.

- C’est faux, tu m'as moi. Jamais je n’oserai lever la main sur toi pour te faire du mal.

- Penses-tu vraiment tout ce que tu dis !?

- Bastet…

Je lui redresse son visage du bout de mes doigts.

- Regarde-moi dans les yeux et dis-moi ce que tu vois.

Elle n’ose pas, même ça, ça la fait souffrir ? Alors avec une voix aussi douce que sa fourrure.

- S’il te plaît, regarde-moi.

Ce qu’elle fait, les oreilles baissées.

- Je vois un homme.

- Un homme, mais plus encore, ton meilleur ami.

Elle se ressaisit, m’échappant de mes mains. Revoilà mon insaisissable Déesse, se séchant les pommettes avec ses mains.

- Je… Hurme… Je me suis égarée.

- Il n’y a rien de mal à se perdre un peu, surtout quand il n’y a que moi. Veux-tu que l’on reprenne ?

- S’il te plaît.

J’ai failli oublier le plus important.

- Avant Bastet, j’aimerais m’excuser.

Elle est interpellée et un peu confuse, si j’en crois son tic de l’œil à moitié fermé.

- Mais de quoi ?

- Pour t’avoir observée de manière insistante, je suis sincèrement désolé si je t’ai occasionné de la gêne.

- Oh…

Voilà le plus grand des sourires, un vrai miracle.

- Et bien, j’accepte tes excuses, puisque tu sembles vraiment sincère. Allez, je veux reprendre l’entraînement maintenant.

Ainsi, je lui apprends un tas de prise durant trois mois, les plus précieux de ma vie.

Durant ce temps, je sens toute la méfiance dans son regard et surtout, de légère convulsion dans son corps. Des réflexes qu’elle refoule, celle d’une victime. Je vais tout faire pour la rendre plus forte, qu’elle surpasse les souvenirs de ses brimades, que son corps non pas qu’il oublie, c’est impossible, mais qu’il réagisse autrement.

Sekhmet la guerrière, disait Schäfer. Il l’aura, mais ce sera aussi qu’une façade. En son cœur de femme meurtrie, ce sera Bastet la rebelle incandescente. J’arrive, petit à la rassurer. Pour autant, je ne profiterai pas d’elle. Enfin si, mais de la manière la plus appropriée.

Je pourrais caresser longuement son ventre sous prétexte d’une prise, apprécier la douceur de sa fourrure. Je pourrais, sans nul doute, pour lui chuchoter des conseils, m’enivrer de son arôme. Bien que déjà à chaque inspiration, je peux l’apprécier.

Je préfère cependant me concentrer sur l’effort de nos entraînements, et c’est dans cette sueur que je me lie à elle. Chaque jour, elle y prend goût, chaque jour, sa motivation est décuplée et chaque jour est un privilège.

Aujourd’hui, on me secoue dans mon sommeil.

- Réveille-toi Félix !

C’est mon soleil, quel bonheur de voir son visage illuminer ma matinée, radieuse et joyeuse.

- J’ai réussi !

- Quoi donc ?

- J’ai battu Schäfer !

- Mais c’est formidable Bastet ! Je savais que tu arriverais !

Pour me remercier, elle m’enlace et me témoigne une affection que je n’ai jamais connue, elle me lèche le front en signe d’amitié. Je suis sans doute l’homme le plus heureux de l’univers tout entier.

Depuis, quand je la regarde ne rien faire, elle ne m’en dissuade plus. Celle qui avant s’ennuyait passe du temps à regarder avec moi la télévision.

- Pour tuer le temps.

A-t-elle trouvé comme petite excuse pour apprécier ma modeste compagnie. Adorable.

Certains films sont si mauvais qu’elle s’endort, bien souvent sur mes genoux, parfois elle bave, mignonnement drôle, mon cœur en est réchauffé. Je prévois d’ailleurs toujours une couverture pour nous envelopper et nous assoupir ensemble. Avec moi, elle fait très peu de cauchemars, si cela lui arrive, ma simple présence semble suffire à l’apaiser.

Pour ce qui est des films, un soir, elle m’a dit pour me faire comprendre à quels points ils ont de mauvais goût.

- Ils ont comme ces navets que l’on a mangés, mais avec encore moins de saveur.

Et c’était devant une comédie, il n'y a pas que ceux-là.

Pourtant, un jour, un film d’animation l’interpellait, une petite fille rousse qui était dans un orphelinat et qui voulait prendre des cours de dance. Il y avait quelque chose dans ses yeux, la lueur du téléviseur pour commencer. Mais autre chose que je ne distinguais pas.

Le lendemain, je l’ai surprise à essayer certains pas. Les mots, la dance. C’est une manière de communiquer, mais cette fois ce n’ait pas pour prouver quelque chose, pour la première fois elle s’investit de son propre chef parce qu’elle aime ça.

Pour la femme que j’aime qui reste enfermer, j’ai demandé comme récompense des films de dance et des documentaires sur le sujet.

À ma grande surprise, Bastet, même pour les plus ennuyeux, les regarde avec encore cette chose indescriptible.

Obsession et passion. Deux mots qui qualifient mon ressenti et son comportement. Le moindre temps libre au lieu de dormir ou de le passer avec moi, elle s’investit dans cet art. Elle est comme dans un autre monde et moi, son fidèle spectateur, je me laisse entraîner par cette grâce dont jamais je ne me lasserais.

L’art… Si c’est aussi beau et fascinant que ma dulcinée, je devrais peut-être m’y intéresser.

D’ailleurs, le temps qu'elle m'accorde n'est presque qu'exclusivement aux entraînements. Qu’importe, du moment que la femme que j’aime sourit, cela me convient. Et je ferais tout, absolument tout, pour se sourire.

Je crois cependant qu’elle apprécie ces moments avec moi, elle ne l’avouera peut-être jamais verbalement, mais le fait qu’elle continue de s'exercer au combat avec moi alors qu'elle bat systématiquement Schäfer me suffit amplement.

Devrais-je lui faire remarquer que je sais ? Non, mauvaise idée, elle peut nier et se braquer. Je me contente alors de cette proximité privilégiée avec elle. Et peut-être que ma patience sera récompensée. Dans le cas contraire, je profite d’elle du mieux que je peux.

Autre nouveauté pour elle, une de mes surprises. J’ai insisté auprès de Schäfer en avançant quelques arguments, Bastet pourra sortir au parc et rencontrer les autres chimères. J’ai quelques réserves, mais il faut que j’apprenne à lui faire confiance, après tous, elle a fait de même pour moi.

J’espère qu’ils verront ce que moi, je vois, une femme merveilleuse.

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