Chapitre 14 : Steeve

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Je suis éberlué, il le remarque et rougit.

— Je voulais juste te remercier de m’avoir aidé ce matin…

Je déglutis avec difficulté.

— Pas de problème…

« Steeve ! Reprends-toi, bon sang ! ». Je secoue la tête.

— Moi c’est Yohan… et toi ?

Il me prend au dépourvu. J’ai l’impression d’être un gosse à qui l'on racket son argent de poche. Je me racle la gorge.

— Steeve…

Sa main glisse de mon épaule le long de mon bras, ses doigts effleurent les miens. Un frisson me parcourt la totalité du corps. Je me lève maladroitement de mon tabouret.

— Je… j’suis enchanté de te connaitre, Yohan, parvins-je à articuler.

Ses yeux se plissent, ses lèvres se pincent, ses pommettes sont écarlates. Il est irrésistible.

— C’est ton copain ? me demande-t-il en désignant Tane de la tête.

— Euh… oui… enfin, si on veut…

« Mais qu’est-ce qui t’arrive, bordel de merde ? »

— C’est un sacré colosse…

Il l’observe, impressionné comme un gamin à qui l’on montre un jouet dans une vitrine. Pas de remarques graveleuses ? De commentaires sur son aspect physique ou la proéminence de son entrejambe ? C’est quand même ce qui saute aux yeux, non ?

— Il est super sympa, en tout cas, ajoute-t-il.

Qu’est-ce qu’il me veut ?

— Ouais… il est… super…

— T’as pas l’air sûr de toi, s’étonne-t-il en inclinant la tête avec un adorable sourire moqueur.

Je rougis à mon tour. Tane nous rejoint et enroule un bras autour de mes épaules.

— Alors, Steeve. Tu m’avais caché que tu connaissais ce charmant jeune homme, lance Tane de sa voix grave et avenante.

Le gamin glousse en se dandinant comme un ingénu. Je suis au bord de l’évanouissement. « Barre-toi tout de suite ! »

— Je dois y aller !

Sans même prendre ma veste, je me tourne vers la porte et m’enfuit à toute jambe. Dans la rue, une pluie glacée inonde les trottoirs, je ne la sens pas et continue mon chemin, le regard perdu dans le vide. Mais une main me retient soudain avec force. C’est Tane.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? me demande-t-il, le regard inquiet.

— Je… j’en sais rien…

J’éclate en sanglots. Je voudrais ne pas me laisser aller de la sorte devant lui, mais j’en suis incapable. Un flot de sensations et de sentiments me submerge. Je dois les laisser sortir.

Il repose doucement ma veste sur mes épaules et me prend dans ses bras. La chaleur de son corps m’apaise, mais impossible de retenir mes larmes, les vannes sont ouvertes. Il plonge son regard dans le mien.

— Attends-moi là, je prends mes affaires et on rentre à la maison.

Cette phrase me fait sourire.

— À la maison ? répété-je en hoquetant.

Il me sourit, puis me pousse sous l’auvent d’une boutique avant de retourner au bar. Mes cheveux dégoulinent, je tremble, de froid ou d’émotion, je n’en sais rien. Le gout salé de mes larmes se mêle à l’eau de pluie. Tane est déjà de retour. Son blouson en cuir le montre encore plus viril. Mon prince charmant, fort, protecteur…

Nous passons la porte de son petit appartement de la rue Vavin, à deux pas du bar. Il m’aide à retirer ma veste et mes chaussures avant de se déchausser à son tour. Je grelotte. Il se précipite vers un placard et en sort une grande serviette de bain dans laquelle il s’empresse de m’envelopper. La force de ses mains qui me frictionnent et l’agréable odeur de lessive me rassurent. J’ai pleuré tout au long du chemin malgré ses bras protecteurs. Il n’a pas prononcé un mot. Je renifle en hoquetant.

Il s’éloigne à nouveau et le son d’un robinet coulant à grandes eaux me parvient. Il réapparait avec le sourire et m’attire vers la salle de bain. Sans m’en laisser le choix, il retire la serviette de mes épaules et me déshabille entièrement. Lorsqu’arrive le moment de retirer mon boxer, il se met à genoux devant et l’abaisse, dévoilant ma honteuse petite quéquette recroquevillée par le froid et l’humidité. Il rigole et y dépose un baiser avant de porter mon sous-vêtement à son nez.

— Celui-là est pour moi, lance-t-il avec un clin d’œil. En échange de mon Calvin Klein préféré.

Je sers les bras en rougissant, le corps parcouru de tremblements incontrôlables. Il se relève et se dénude avant de se glisser dans l’étonnamment spacieuse baignoire qui finit de se remplir. Il attrape délicatement mon poignet et m’attire pour que je m’allonge sur lui dans l’eau bouillante.

Une incroyable sensation brulante de plénitude m’envahit tandis qu’il m’enlace de ses bras robustes. Je ne l’avais pas remarqué, mais sa peau sans un agréable mélange de fruits et de monoï, une combinaison exotique et voluptueuse. Je soupire à mesure que mon corps se délasse.

Il pose un délicat baiser dans mon cou.

— Ça va mieux ?

J’acquiesce et il resserre son étreinte. Je ne me suis jamais autant senti en sécurité qu’à cet instant, une sensation qui me fait aussitôt remonter les larmes aux yeux. J’hoquète en tentant de cacher mon émoi qu’il remarque aussitôt. Ses mains sur mes épaules commencent à me bercer tendrement, complétées par le rythme linéaire de sa respiration dans mon dos et la chaleur de son corps.


Te aroha

Te whakapono

Me te rangimarie

Tatou tatou e

Te aroha

Te whakapono

Me te rangimarie

Tatou tatou e

Me te rangimarie

Tatou tatou e


La douceur de sa voix grave et son accent que je n’avais pas remarqué plus tôt me transportent aussitôt. Je ne me suis jamais senti aussi apaisé.

— C’est magnifique…

— Merci. C’est une waiata, une sorte de chant, un mantra, de paix, d’amour, de tolérance...

— D’amour ?

— Oui…

Je sens sa gorge se nouer. Je me redresse entre ses jambes et me retourne tant bien que mal. Une larme roule sur sa joue à la peau dorée. Il me fait de la peine.

— Ce n’est pas ta faute, me rassure-t-il. Parfois, mon peuple me manque…

Attendri, je m’allonge sur son torse tandis qu'il m'enveloppe de ses bras puissants. J’entends son cœur battre dans sa poitrine et sa respiration s’accélérer. Je relève la tête, il me regarde, souris. Je n'ai jamais vu plus belle créature au monde et Dieu sait que j'me suis tapé un tas de mecs. J’ai envie de l’embrasser, mais je n’ose pas faire le premier pas. Lui n’a pas ce genre de blocage. Ses lèvres sont si douces.

Je pose à nouveau ma tête sur son torse et ferme les yeux. Bercé par sa présence, la torpeur me plonge doucement dans un sommeil serein.

« Il ne peut rien m’arriver dans ses bras… »

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