11-1 Le piège

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  Sonia porta la tasse à ses lèvres, elle souffla légèrement sur la surface fumante et but une gorgée. L’horloge indiquait 4h40. Encore vingt minutes… Elle était réveillée depuis 3h00 sans qu’elle ait eu recours à son alarme. Elle ne se sentait même pas fatiguée ! Pourquoi était-ce si difficile de sortir du lit le matin pour aller travailler ? Pourquoi d’ailleurs avait-t-elle toujours eu du mal à sortir de son lit, alors que maintenant, elle se levait au beau milieu de la nuit pour rejoindre des aventuriers de jeu vidéo et elle se sentait fraiche comme un pinçon, l’esprit plus aiguisé que jamais ? Pourquoi ? Était-ce à cause de l’ennui ? Était-ce parce qu’elle faisait partie d’un groupe, qu’elle s’était engagée, qu’elle avait une dette envers eux ? Était-ce cela ? D’un autre côté, elle aimait les casse-têtes, les enquêtes, résoudre des problèmes ; et ce dinosaure en était un sacrement gros. Elle avait réfléchi, mais n’avait pas trouvé d’idée géniale. Enfin, elle avait une idée, mais elle n’était pas géniale.

  A cinq heures moins cinq, elle se reconnecta et Xena apparut sur le pont du navire, face à l’île. Le soleil avait entamé sa descente, mais la lumière était encore vive. Elle était seule. Depuis le navire, elle ne voyait aucune trace du monstre. Les jeeps étaient garées sur la plage là où ils les avaient laissées la veille. L’île semblait paisible.

« Bonjour Xena » fit une voix derrière elle. Elle se tourna et vit Henry accompagné de Laura qui émergeait de l’escalier. Elle les salua en retour. Elle se demanda si cela faisait longtemps qu’ils étaient là.

« Quelle heure est-il pour toi, Xena ? demanda Laura.

— Cinq heures du matin.

— C’est tôt ! Je ne pourrais jamais me lever à cette heure-là. »

C’est ce que je croyais aussi, s’abstint-elle de répondre et encore moins qu’elle était debout depuis bien plus longtemps. Un à un, les autres membres du groupe apparurent sur le pont.

« Bonsoir Mona, dit enfin Henry lorsque le dernier membre arriva. Je crois que nous sommes au complet ».

Commença alors un débat sur la stratégie à suivre.

« Et si on allait tout en haut du volcan, dit Sonia, et là on sort le prisme. De là-haut, on pourrait voir exactement le lieu sans être gênés par les arbres. Et on aurait assez de temps pour se cacher du monstre, vu la distance.

— J’aime assez bien, dit Henry, même si ça risque d’être très long. D’autres idées ?

— On amène le bateau à proximité de l’île, mais hors de portée du monstre, proposa Joe. De là on sort la pierre qui pointera vers notre objectif. Le reste du groupe aura été débarqué en douce et suivra le faisceau de lumière pendant que le monstre s’énerve sur la plage.

— C’est mesquin. J’aime aussi. J’ai quand même un peu peur que ce soit difficile de suivre la trace du faisceau si on ne l’a pas en main. Et dans les deux cas, vous supposez que la portée du rayon soit très longue. Rien n’est moins sûr.

— Et si, dit Laura, on essayait simplement de se débarrasser du monstre ? »

Henry sourit.

Sonia comprit que ces deux-là avaient une idée derrière la tête.

***

  Le groupe marchait dans la jungle. Ils avaient laissé les jeeps le long de la route. C’est Joe qui ouvrait la marche. Il guida les autres avec sa carte personnelle. Au bout de quelques minutes, ils retrouvèrent les ruines éparpillées entre les arbres au fond de la combe. Le cercle de pierre était encore là, parfaitement dessiné sur le sol depuis sa dernière activation. La terre qui le recouvrait avait été aspirée vers Elisor.

« Il est grand, commenta Joe, mais…

— Oui, reprit Mona, il n’est pas aussi grand que ça. Est-ce que le monstre va rentrer là-dedans ? »

L’idée d’Henry et Laura était on ne peut plus simple : attirer le monstre, le faire tomber dans la porte dimensionnelle et le coincer sur Elisor. « Ça ne coûte rien d’essayer, dit Henry. Ce portail n’est pas là pour rien. Même si la bête ne passe pas en entier, si elle reste coincée dedans, ça me convient largement.

— Et si elle reste coincée dedans, reprit Laura, on pourra peut-être fermer le portail et la couper en deux ».

Restait à trouver le moyen de faire plonger le monstre. « Si je me tiens de l’autre côté du cercle avec le prisme, il risque de sauter par-dessus ou même me gober sans même devoir le traverser.

— Ce qui veut dire qu’il te faut sauter dedans et espérer qu’il te suive…, supputa Joe.

— Ça nous avance à quoi de se retrouver de l’autre côté du portail avec la pierre ? demanda Sandra

— Et avec le monstre… compléta Mona.

— Et une bonne chance de crever… » conclut Antonio.

Sonia essayait de s’imaginer Henry courir sur l’île désertique avec la pierre en main poursuivi par le monstre. Il ne lui sembla pas que le plan était formidable.

« Vous oubliez un détail les amis, dit Henry.

— Ah ! Bien sûr ! fit Joe. Tu seras sur Elisor !

— Exactement ! » s’exclama Henry triomphalement.

Sonia fut heureuse de constater qu’elle n’était pas la seule à ne pas voir le rapport. « Ça change quoi, maugréa Sandra, d’être sur Elisor ?

— Eh bien, si tu étais déjà allée sur Elisor, expliqua Henry, tu saurais que, contrairement à ici, dans le monde guerrier, il y a moyen de se téléporter. Pour cela, il suffit d’avoir les bons objets. Ou être un mage... Mais moi, je me contente d’acheter les bons objets ! On peut mourir, certes, mais on peut aussi s’échapper. Une fois de l’autre côté, je n’aurais qu’à me téléporter instantanément vers la ville la plus proche et de là ressortir d’Elisor, retourner sur mon bateau et le tour est joué ! »

  Le plan commençait à prendre forme peu à peu. Chaque sous-univers d’Autremonde possédait des points d’accès principaux utilisés pour les entrées et sorties. Tout joueur pouvait se déconnecter d’Autremonde à n’importe quel endroit mais revenait systématiquement au même point lors sa connexion suivante. Ici, il fallait ressortir à un autre endroit et pour ce faire, les villes d’Elisor servaient de porte d’entrée et sortie pour retourner sur le monde principal ou la planète-mère.

« Bon, et si jamais Johnny te suis pas, avança Antonio, on se retrouve tous ici sans défense avec lui ? » Le groupe pouvait attendre en sécurité sur le bateau, mais mener à bien l’opération en solo semblait compliqué : il fallait activer le portail, retirer l’ovale du socle, mais ni trop vite, ni trop tard, sauter dans le trou et espérer que le monstre suive avant que le portail ne se referme. « Non, idéalement, il faut que quelqu’un reste, jugea Antonio. De toute façon, on ne peut pas vraiment mourir, non ?

— N’oublie pas que la dernière fois, grommela Sandra, Henry a failli se faire avaler ! Et être vivant dans l’estomac d’un monstre, je ne vois pas trop l’intérêt !

— Moi, dit Laura, il est hors de question que je rate une miette de la scène. Je reste. On n’a qu’à se cacher derrière les arbres. De toute façon, il va foncer droit sur le prisme comme la dernière fois.

— Très bien, coupa Henry, on va pas débattre durant des heures ! Quelqu’un s’occupe de l’opale, les autres se planquent, et moi j’attends et je saute. Une fois de l’autre côté, je me téléporte et je reviens sur le bateau. Vite fait, bien fait. »

Il y eut un moment de silence. Puis Mona demanda « Tu es certain que tu peux te téléporter ?

— Bien sûr, j’ai plusieurs artefacts de téléportation d’Elisor dans mon inventaire et je t’assure qu’ils fonctionnent très bien.

— Oui, je te crois. On peut se téléporter depuis Elisor. Mais es-tu certain que, dans le cadre de cette chasse au trésor, sur cette île que tu n’as même pas pu répertorier sur ta carte, es-tu certain de pouvoir te téléporter ? »

Henry ne répondit pas. Le vent se mit à souffler. Il sembla à Sonia que le vent se levait toujours en début de soirée lorsque le soleil se rapprochait de la ligne d’horizon. C’était peut-être une constante sur cette île.

« On fait un test ? proposa Antonio. Quelqu’un y va ?

— A quoi bon ? fit Henry. Si ça ne marche pas, le plan reste le plan. Simplement, je dois repasser par la porte pour rentrer. Rien qu’un essai nous ferait perdre une bonne heure pour refaire tout le trajet jusqu’ici.

— Mais si tu te fais bouffer, on perd la pierre et on perd le trésor, répliqua Sandra.

— Et tu perds la vie, précisa Mona.

— Tu crois que c’est ça une chasse au trésor de niveau 12 ? se demanda Joe. C’est une chasse où tu dois risquer ta vie pour gagner ?

— Séparons-nous en deux groupes, proposa Sonia à brûle-pourpoint. Une ou deux personnes accompagnent Henry sur Elisor et servent de leurre pour distraire le monstre si la téléportation ne fonctionne pas. Le temps qu’Henry repasse le portail avec le prisme. »

L’idée lui était venu comme ça sans trop réfléchir, plus pour participer à la discussion qu’autre chose. Pourtant, au fur et à mesure qu’elle énonçait son plan, l’idée ne lui semblait pas si mauvaise.

« On limite les risques de tout perdre, conclut-elle.

— J’aime l’idée, dit Antonio.

— Ah oui ? sursauta Sandra. Et c’est toi qui va aller te sacrifier sur cette île pourrie ?

— Moi, je veux bien, dit Sonia. Je n’ai pas grand-chose à perdre à part quelques point de bonheur.

— Je viens avec Xena, dit Joe. J’ai l’habitude de combattre sur Elisor. On pourra peut-être distraire la bête et même se lancer la pierre si nécessaire. Comme au baseball !

— Je commence à aimer ce plan ! clama Henry. D’autres amateurs pour aller risquer sa peau sur Elisor ?

— Je pense qu’on sera assez à trois, fit Joe.

— Très bien ! dit Henry. Mona, je te confie l’opale. Sandra, Antonio, Laura, vous vous cachez dans les buissons… et pas de cochonneries, s’il vous plait ! Joe, Xena, vous passez les premiers et vous m’attendez sur Elisor. »

Sonia souffla profondément pour calmer son rythme cardiaque qui s’accélérait.

Je crois que je fais une connerie là.

« Allez, Sonia ! murmura-t-elle pour elle-même. Alea Jacta Est ! »

Elle eut une petite pensée pour son papa qui affectionnait cette expression.

Et qui n’aurait jamais pris un tel risque...

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