15-3 Hors-jeu

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— C’est ça, ton cours collectif ? grommela Sonia, qui ne put s’empêcher d’enfoncer le clou devant le ridicule de la situation.

— Je me suis planté d’heure. Le cours a eu lieu il y a deux heures, j'ai confondu avec l'horaire de demain. Eh bien… C’est pas grave ! Puisqu’on est là, on va quand même en profiter !

— Et ce sera toi mon professeur ?

— Tu vas voir, je ne suis pas le pire. Enfin, pour débuter ! »

  Comme annoncé, la danse avait quelques points communs avec les techniques de combats. Un large menu de mouvements s’affichait et, pour chaque position, les options changeait pour s’ajuster à la position du danseur en temps réel. Aucun des mots qui apparaissaient dans la liste ne lui étaient familier.

Il aurait pu me prévenir qu’il fallait connaitre l’espagnol pour danser le tango !

  Durant les premières minutes, le tango lui sembla un problème insoluble. Mais elle comprit bientôt que sélectionner des combinaisons dans un menu déroulant à la vitesse de l’éclair n’avait aucun sens et que l’apprentissage de la danse se faisaient de toute autre manière. Tout reposait sur la compréhension du rythme et d’une séquence de mouvements types. De plus, l’homme guidait en principe la femme avec pour conséquence que les déplacements de base étaient automatiques et suivaient parfaitement la musique. Sonia pouvait donc danser plus ou moins correctement sans rien faire. Évidemment, la magie ne prenait qu’en tentant des mouvements plus complexes.

  De plus, très peu d’avatars pouvaient se targuer d’avoir un tel menu de pas de danse à leur répertoire. Les packs spéciaux offerts par Henry lui offraient un avantage compétitif indéniable sur une piste. Restait à apprendre à les utiliser. Henry eut la bonne idée de faire répéter les deux ou trois mêmes morceaux classiques toute la soirée. Ce qui permit à Sonia de s’habituer au rythme des mélodies et peu à peu se concentrer plus aisément sur les combinaisons. Elle n’était pas obligée de mimer les pas de son avatar pour maintenir le tempo, mais elle finit par bouger en rythme avec l'impression satisfaisante de faire un avec la belle danseuse.

  Heureusement que personne ne la voyait gesticuler, seule avec son casque. Ses pseudo-mouvements de danse devaient atteindre les summums du ridicule ! Pourtant, elle se prit au jeu, écoutant la musique et épousant les pas de son partenaire avec qui, elle combina de mieux en mieux au fil des minutes. Ce fut la petite fatigue dans les yeux qui lui fit réaliser que plus de deux heures s’étaient écoulées. Elle commençait à avoir chaud. Même Xena, au bout d’un moment semblait avoir chaud, mais sans doute n’était-ce que son imagination à force de voir son avatar multiplier les pas, les pirouettes et élégantes acrobaties. Elle en vint à se demander si elle n’avait pas raté quelque chose dans la vraie vie en évitant soigneusement de vouloir danser. Ce que Xena faisait était beau, même sans les excès physiques que seul un avatar pouvait se permettre. Et cette musique avait quelque chose d’hypnotique.

« Je te félicite. Pour une débuttante, tu t'en sors à merveille ! Comment tu te sens ?

  • Ça va, je pensais que ce serait pire. Il faut croire que Xena a aussi un don pour la danse, ajouta-t-elle discrètement pour souligner qu'elle était encore sur ses gardes.
  • Oui, je ne te le fais pas dire. Je connais peu de danseurs qui prennent si vite le rythme. Évidemment le reste de notre groupe de ce soir ne rend pas hommage à notre performance...
  • Oui, j'en conviens. D'ailleurs, où sommes-nous exactement ? Dans une réplique d'un vrai château ?
  • Oui et non. Le Château Viscente de Glenshire est un palais typiquement autremondienne au coeur de la Cité Monde. Très inspiré de Versailles - qui est un peu la référence du genre - mais qui puise dans tous les styles européens. D'ailleurs, si ça te tente, nous pouvons finir le cours dans la galerie des miroirs, qui est juste derrière cette porte là-bas. C'est spectaculaire.

Sonia s'était justement demandée en arrivant ce qu'il y avait derrière les portes de la salle de bal.

  • Ok. »

  Elle suivit Henry jusqu'à la grande porte blanche ornée de dorures. Henry ouvrit la porte et ils se retrouvèrent face à un immense couloir.

« Voilà la galerie des miroirs ! »

  À peine avait-il dit cela que d’immense lustres de cristal s'illuminèrent les uns après les autres, éclairant un couloir couvert de marbre. Des statues antiques d’hommes et de femmes nus s’étalaient le long des murs entièrement couverts d’immenses miroirs aux cadres sculptés. La galerie des miroirs était si longue qu’on n’en voyait pas le fond. L’endroit était d’une beauté froide éblouissante.

Henry et Xena marchèrent quelques mètres dans la luxueuse pièce.

« C'est magnifique, fit Sonia, émerveillée devant son reflet qui s'étalait à l'infini entre les appels de miroirs qui, d'un mur à l'autre, se renvoyaient son image sans fin.

  • C'est un de ses endroits exclusifs auxquel tout le monde n'a pas accès. Le summun pour finir un cours de danse ! »

  À ces mots, il lui tendit la main. Sonia lui répondit sans même s'en rendre compte. Bien que la musique fût jouée dans l'autre salle, l'acoustique extraordinaire du lieu amplifiaient les sons assourdis en recréant une atmosphère étrange comme si, à l'instar de leur reflets, les ondes musicales rebondissaient sur les miroirs et résonnait dans sa tête.

  Les deux danseurs reprirent leur mouvements. Mais à présent Sonia n'avait plus l'impression d'être dans un cours, mais d'être la danseuse étoile d'un spectacle que des millions de visages à son effigie observaient avec ravissement.

  Il y avait des ratés, certes. Prise par l'enthousiasme de la mélodie et des combisaisons, elle perdit son compagnon à maintes reprise. Et elle fut prise deux fois de tournis dans son salon. Cependant, elle avait retrouvé le sourire.

Elle comprit assez tard que quelque chose clochait.

  En fait, elle avait eu le sentiment que quelque chose d’étrange se passait chez Xena sans pouvoir mettre le doigt dessus. Elle avait pensé que son avatar avait chaud à force de danser, ce qui n’avait pas de sens. C’est lors d’un énième passage rapproché entre l’homme et la femme que Sonia vit la barre de plaisir clignoter. Elle avait surement clignoté plusieurs fois déjà, mais concentrée sur la danse, elle l’avait confondue avec les mouvements du menu déroulant. Là, lorsque la jambe de son partenaire lui effleura la cuisse, elle vit le plaisir monter sur la barre dans les tons orange, avant de disparaitre.

  À ce moment, elle réalisa que la poitrine de Xena avait à nouveau enflé. Comme s’il l’avait senti, Henry emmena Xena dans une série de mouvements beaucoup plus proches et intimes, augmentant par là l’intensité émotionnelle de la danse. Sa main parcourut alors le corps Xena en un hymne délicat à la sensualité. La barre de plaisir de Xena se remplit de moitié. Ce qui n’avait aucun sens. Sonia ne dit rien. Elle ne voulait pas attirer l’attention d’Henry sur ce point. Puis, les visages des deux danseurs se rapprochèrent.

Et l’insensé se produisit.

Elle l’embrassa.

« Il » ne l’embrassa pas.

Sonia vit clairement la scène. Xena saisit le visage de l’homme et l’embrassa fougueusement.

« Oh » fit-elle.

La barre de plaisir ne disparaissait pas. Xena commença à caresser le corps d’Henry.

« Qu’est-ce qui se passe ? dit-elle.

— C’est toi qui me poses la question ? » répondit Henry.

La barre de plaisir pulsait. Xena, dans un mouvement sensuel laissa glisser sa robe le long de son corps et se retrouva simplement vêtue d’une culotte rouge.

« C’est toi qui as fait ça ? demanda Henry.

— Non, bien sûr !

— Incroyable ! »

Les mains de la guerrière caressèrent le torse du danseur et descendirent jusqu’à son entre-jambe. Par quelque magie, elle sortit du pantalon le membre en érection et le caressa.

« Je ne réponds de rien, précisa Henry.

Xena s’accroupit et enfourna le sexe dans sa bouche.

La danse tournait au cauchemar. La scène était d’un ridicule effarant. Xena, presque entièrement nue, effectuait devant elle une fellation à son partenaire, au milieu d'un décor baroque tout droit sorti de la Versailles des rois de France.

« Je ne peux rien faire ! cria Sonia en portant ses mains devant son visage. Fait quelque chose, tu m’avais promis !

— Mais j’y suis pour rien !

— Tu peux arrêter ça, non ? »

« Non je… attends… »

Le message +454 points de bonheur s'afficha au-dessus d'Henry lorsqu'il jouit dans la bouche. Sonia vit clairement Xena avaler ce qui ne dégoulina pas d'entre les lèvres.

« Mais… » fit Sonia, révulsée.

« Vraiment, je suis confus... »

Elle se sentait paralysée. De honte. D'incompréhension. Q'avait-elle fait de mal pou mériter une telle humiliation ?

Comme si l'exercice d'auto-flagellation ne devait jamais finir, Xena fit glisser sa culotte jusqu'au sol et, entièrement nue, se coucha sur le dos. Elle écarta les jambes et invita son amant à prendre possession d'elle.

Déconnexion.

Sonia s'était enfuie. Sans un mot.

  Elle savait qu’en faisant cela, elle réapparaitrait exactement au même endroit la fois suivante. Mais elle ne pouvait en supporter davantage. Elle venait de découvrir dans toute sa splendeur la notion de bonheur vu par les hommes : créer des avatars féminins nymphomanes. Voilà le bonheur ultime des hommes ! À croire que l’égalité homme-femme n’existerait pas avant que tous les hommes soient castrés !

Elle jeta son casque sur la table.

« C’est pas possible ! »

  Xena ne pouvait pas s’être changée en une folle assoiffée de sexe toute seule. Henry l’avait droguée ! Il racontait n’importe quoi ! Il ne pouvait pas ne « pas » y être pour quelque chose ! Et cette salle aux jeux de miroirs qui renvoyaient leurs corps à l’infini, c’était un hasard, ça ? Mais comment ?

  Ils venaient de passer une soirée tellement belle, ils avaient ri, beaucoup ri, et elle s’était follement amusée. Elle avait tellement progressé, et elle avait envie de continuer ! Mais là… Comment pouvait-elle encore s’imaginer danser une seule fois avec lui ? Comment s'imaginer ne serait-ce que le revoir ? Elle s’était fait ridiculiser, humilier, rabaisser à un tas de chair sans honneur.

Xena l’avait trahie, salie...

Quand je pense que je voulais être comme elle !

  Il pouvait bien la garder et en faire sa poupée gonflable, vu que c’était tout ce qui l’intéressait ! Qu'est-ce qu'elle avait été bête de croire qu'elle pourrait vivre une vie meilleure dans Autremonde. Ici les femmes étaient encore moins respectées que dans la vie réelle.

Elle avait crû que Xena et elle...

Mais non, Xena l'avait vraiment abandonnée.

Si ça tombe elle est toujours là-bas avec lui, en train de copuler, et personne ne s'est aperçu que je suis partie !

  Elle resta prostrée un long moment dans son divan avant d'aller se coucher. Ces deux derniers jours avaient été parmi les pires de sa vie. En fait, à chaque fois qu'elle avait tenté quelque chose de différent dans sa misérable petite vie, ça avait toujours tourné au fiasco.

En éteignant la lumière, elle était sur les nerfs. Elle n’était pas sûre de pouvoir dormir. Elle n’était même pas certaine de vouloir s'endormir.

Quelqu’un avait décidé là-haut qu’elle n’avait pas le droit de rêver...

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