16-3 Le Phoenix

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« Bienvenue Xena, fit Highlander.

— Bonsoir… Highlander.

Rien à dire, il était vraiment magnifique dans son costume de mercenaire.

— Je suis content que tu aies trouvé notre jardin secret. Xena, je te présente le groupe du Phoenix au grand complet : le grand noir, c’est Contraste.

— Bonjour Xena, fit une voix grave, une voix qui collait bien au physique d’un afro-américain puissamment bâti.

— Le prince à la peau bleue, c’est Arjun.

— Salut à toi, précieuse fleur de nénuphar.

— Enchantée Arjun. »

  Arjun était un homme élégant et bien bâti. Il avait le visage fin et un regard doux malgré des sourcils proéminents. Il portait un turban blanc sur la tête et un gilet brodé d’argent, ouvert sur un torse musclé, imberbe, finement dessiné. Sa peau était d’une étonnante teinte bleu clair lumineuse. Il respirait la force et la sagesse.

« Et voici enfin Manhattan, notre corsaire.

— Corsaire et super-héros ! corrigea le jeune homme en levant un doigt. Quand le besoin s’en faire sentir, bien sûr ! Salut Xena, bienvenue dans notre tanière.

— Bonjour Manhattan, heureuse de te connaitre. »

  Le front barré d’un bandeau bleu nuit, Manhattan portait un chapeau noir à plume couvrant une chevelure mi-longue châtain clair. Sous un élégant manteau bleu, décoré de broderies en or décousues par endroit et armé d’épaulettes de cuivre, il dévoilait une chemise blanche épaisse, ourlée, largement échancrée, ternie par l’usure. Une grande gaine en cuir noir lui ceinturait la poitrine en diagonale. Tout dans ses vêtements rappelait le pirate endurci, mais son visage, encadré de favoris coupés courts et nets, restait celui doux et bien rasé d’un jeune homme moderne. Il n’avait ni cicatrice, ni moustache.

  Highlander lui expliqua que le bateau pirate était leur lieu de rencontre préféré pour préparer leurs missions. C’était Manhattan qui leur avait fait découvrir l’endroit, connu des seuls initiés. Ils l’appréciaient d’autant plus qu’il était peu fréquenté par les joueurs qu’ils avaient coûtume de côtoyer. Les commandos post-apocalyptiques préféraient en général les bars sur les astéroïdes, les mess de vaisseau spatial ou la frénésie des villes futuristes, mais rarement le charme désuet d’un lagon isolé dans un décor du 17e siècle.

« La quête d’Altengard, annonça-t-il, est une mission unique, comme je te l’ai dit, et son prix est exceptionnel ». Les missions uniques avaient une durée déterminée et elles ne se produisaient en général qu’une seule fois. Il ne fallait donc par partir en vacances à ce moment-là. Du moins, pas sans une bonne tablette et une bonne connexion internet. Lui et ses amis s’évertuaient, depuis maintenant plusieurs semaines, à passer les épreuves qui devaient leur permettre d’obtenir les clés de la porte d’Altengard.

  Altengard était une citadelle mythique du monde d’Elisor, un univers médiéval fantaisiste très prisé des résidents, surtout des plus anciens. Les générations plus récentes s’intéressaient davantage aux univers cyberpunk ou hérités de la guerre des étoiles. Mais en fonction des prix à gagner lors des missions spéciales, il n’était pas rare que des joueurs d’univers très différents se mêlent les uns aux autres dans des compétitions haut en couleur. Highlander et ses compagnons avaient en l’occurrence été séduits par le défi proposé dans l’univers d’Elisor. Tout résident d’Autremonde avait entendu parler de la citadelle mythique, pour la simple et bonne raison qu’elle était réputée inexpugnable.

  Personne n’en avait franchi les murs depuis près de vingt ans et une aura de mystère enrobait son origine et sa fonction. Le défi proposé donnait la possibilité d’en obtenir l’accès pour une mission encore plus exceptionnelle : mettre la main sur le Coeur d’Elisor.

« Seulement voilà, poursuivit-il, il ne reste que huit jours avant la clôture de la mission et nous sommes coincés depuis dix jours dans la dernière épreuve ».

  Ils sillonnaient le labyrinthe depuis dix jours, mais au total, ils se démenaient sur la piste d’Altengard depuis trois semaines. Ils avaient franchi nombres d’épreuves pour en arriver là. Et comme souvent, la dernière était de loin la plus ardue. « Kulkukan recèle quatre clés qu’il faut glaner en tuant leur gardien respectif. La particularité du labyrinthe tient à ce qu’on ne peut y rester que deux heures par jour avant d’en être expulsé. Et qu’il change à chaque fois qu’on y revient.

« Pour le moment, on n’a pas encore réussi à réunir les quatre clés dans le même laps de temps. Il nous manque toujours quelque chose… »

Il attendit un instant avant de reprendre le fil de ses pensées : « C’est un peu comme s’il nous manquait un élément, une grille de lecture pour comprendre comment réussir dans les temps. »

  Sonia n’était pas certaine de savoir ce qu’il convenait de dire. Elle était néophyte dans les jeux de rôle. Elle n’était peut-être pas la partenaire idéale. D’ailleurs, Highlander lui avait donné rendez-vous pour la présenter à ses amis. Il n’avait pas parlé de participer au jeu. Si elle leur proposait son aide, ils allaient peut-être simplement lui rire au nez. Du coup, le commentaire de Contraste la prit totalement de court. « Highlander pense que tu pourrais nous aider. » Sonia avait ressenti de la méfiance dans le ton. Apparemment, il n’y avait pas consensus sur le sujet. « C’est vrai, dit Highlander. Je sais que tu viens d’arriver dans Autremonde, mais ce serait une bonne expérience pour toi et ça pourrait peut-être nous tirer du pétrin.

— Mais… je n’y connais rien. Et il y a surement plein de gens plus compétents qui pourraient vous aider, non ?

— Oui, probablement plein de gens, mais pas un seul qui soit libre tous les jours à heures fixes, ou à qui on ait envie de donner accès au groupe, même pour un temps limité. La plupart de nos amis ou alliés ne sont pas intéressés par une mission dans Elisor. Et de par notre profil de joueurs... on n'a pas beaucoup d'amis dans Autremonde... 

— Pourquoi moi ?

— Highlander te connait dans la VR, non ? fit Manhattan. S’il dit qu’il a confiance en toi, nous aurons confiance en toi. Peut-être pas dans tes capacités sur le terrain, mais au moins dans tes intentions à nous aider ! conclut-il en riant.

— Au point où on en est, on n’a pas besoin de plus, renchérit Highlander. La majorité des groupes qui participent à la quête sont composés de cinq combattants. Peut-être qu’on s’est mis tout seul en difficulté en étant que quatre à s’inscrire. Ou peut-être que la solution est juste devant nos yeux et qu’on a besoin de quelqu’un d’extérieur pour retirer nos œillères.

— Je ne sais pas, je…

— Si tu as réussi une chasse au trésor de niveau 12 avec quasi aucune expérience, intervint Arjun, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : soit tu as une très bonne intuition, soit tu as beaucoup de chance. Et dans les deux cas, ça pourrait nous être utile.

— Tu as déjà prouvé que tu étais du genre débrouillarde. Et nous, on n’a rien à perdre, insista Highlander. Alors, ça te tente ?

— C’est dangereux ? Je veux dire… on peut mourir ?

— C’est dangereux oui, mais il ne peut rien t’arriver de grave. C’est une mission protégée. Si tu perds la vie dans le jeu, tu es simplement éliminée de la mission et tu perds tout ce que tu aurais pu gagner durant ton parcours. Rien de plus.

— Et justement, j’ai le droit de rentrer dans la mission en plein milieu, comme ça ?

— Nous ne sommes pas inscrits individuellement, mais en tant qu’équipe. Tout membre du Phoenix est admis au dernier point d’enregistrement. Nous avons payé le droit d’inscription en tant que groupe. Il y a un maximum de cinq joueurs admis simultanément par équipe. Donc, dans notre cas, ça ne pose pas de problème. À partir du moment où nous t’admettons dans le groupe, tu auras le droit de démarrer la mission là où nous nous sommes arrêtés. »

  Tout ça paraissait trop rapide. Sonia sentait son coeur battre dans sa poitrine. Les idées contradictoires s'y bousculaient. Pas à la hauteur... être ridicule... la risée... une chance unique ? Elle repensa à Xena faisant face au monstre sur la falaise. L'excitation ressentie. Ce n'était pas une chance unique, c'était sa dernière chance. Si elle refusait, elle quitterait le jeu pour de bon et Xena mourrait dans l'oubli. En fait, si elle voulait encore donner un sens à tout ça, elle ne pouvait pas refuser. Elle avait déjà refusé de prendre ses responsabilités dans la vie réelle. Quelqu'un voulait lui donner une seconde chance. Elle ne pouvait pas dire non. 

« Bon… murmura-t-elle. Dans ce cas… si ça peut vous aider.

— Tu acceptes de faire partie du groupe ?

— Oui, c’est d’accord » dit-elle la gorge sèche.

Une invitation s’afficha à l’écran. C’était une demande d’intégration au groupe du Phoenix. Elle accepta. Un autre message indiqua que la demande était en cours de validation par le groupe. « Dès que tous les membres auront accepté, tu feras partie du Phoenix. » expliqua Highlander.

Il y eut un moment d’attente. Rien ne se passa. « Alors ? fit Highlander. Qui n’a pas encore accepté ?

— J’ai accepté, dit Arjun. Bienvenue Xena.

— Quand je pense aux efforts que j’ai dû faire pour être accepté moi ! s’exclama Manhattan en riant. Au fait, j’ai dit oui, bienvenue Xena !

— Merci de partager tes états d’âmes Manhattan » commenta Highlander.

L’attente se fit longue.

« Contraste ? C’est toi qui traine ? »

Un message apparut sur le moniteur de Sonia.

« Votre demande a été accepté. Bienvenue dans le groupe Phoenix. »

***

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