Journal d’Orlion
J’ignore ce que je dois faire. J’ai même du mal à comprendre la situation. Elaena est venue me porter le corps blessé d’Enton, au beau milieu de la nuit, ses yeux baignés de larmes me suppliant de lui venir en aide. Il y en a d’autres, m’a-t-elle dit. Mais elle ne pensait pas qu’ils étaient encore en vie. Comment cela est-il arrivé ? Pour toute réponse, un simple Je ne sais pas. Je ne le sais pas non plus, d’ailleurs. Même maintenant que j’ai découvert que ma petite était une Trismos. Je ne peux toutefois la détester, comme tous ces gens qui hurlent justice au pied de notre maison, en ce moment même. Même s’il semble qu’elle soit une sorcière, comme ils le disent, elle reste ma fille, celle que j’aime plus que tout au monde. Je ne peux tolérer que l’on s’en prenne à elle, même si elle est maudite, même si elle a tué ces deux garçons. Elle ne le voulait pas, c’est évident. Pourquoi l’aurait-elle voulu ? Elle est parfois turbulente, je suis prêt à le reconnaître, mais jamais elle n’aurait pu tuer qui que ce soit. Hélas, j’ai beau le leur expliquer, ils ne veulent rien entendre. Elle est maudite, alors il faut la brûler. Mais savent-ils vraiment ce qu’ils disent ? Jeter une jeune fille de treize ans à peine sur le bûcher sous prétexte qu’elle a été maudite contre son gré ? Elle a le droit de vivre et de grandir, Trismos ou non. Et s’ils refusent de l’entendre, alors je l’emmènerai loin d’eux. Tant pis pour Lanelle, tant pis pour ces gens dont je suis responsable. Jamais je ne tolérerai qu’Elaena soit injustement exécutée. Peut-être est-elle une sorcière, peut-être est-elle dangereuse, mais jamais je ne l’abandonnerai. Et s’il le faut, je tuerai pour la protéger. Parole de Syana.
— Quelle histoire. Dommage qu’elle se termine ainsi, c’était un homme bon, dit-on en jetant le petit livre dans une caisse de bois.
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