Chapitre 116 : Quatre airs/R pour Steve

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Stair

- Va dormir. Et mets des boules Quiès.

- Mais, Stair ! Steve n'arrête pas de pleurer...

- Il fait une dent. C'est sa première. C'est hyper douloureux. Je déteste aller chez le dentiste à cause de ça, même si j'sais bien qu'il faut pas y couper. Mais bon, va lui expliquer ça... Et t'as besoin de te reposer. Si tu veux le nourrir correctement à la prochaine tétée, t'as pas le choix, baby.

Ally était crevée. Elle avait les traits tirés, de beaux cernes bleus sous les yeux. Je n'étais pas beaucoup mieux, car depuis trois jours, c'était assez infernal. Lynn et Jenna avaient beau nous avoir prévenus, j'avais beau bien me souvenir de leur tête quand Thilia faisait une dent, je n'imaginais pas que ce serait aussi terrible. Et encore, Steve n'était pas enrhumé, par rapport à Thilia, on pouvait dire qu'on avait de la chance...

Il fallait absolument qu'Ally dorme. La dernière tétée avait été laborieuse, elle était trop stressée et Steve le sentait. Heureusement, elle avait pu régulièrement tirer du lait et il avait fini son repas dans mes bras, avec un biberon. Ca l'avait un peu - à peine - calmé. Et là, on en avait à nouveau plein les oreilles.

- C'est pas normal, quand même, reprit-elle. Il doit y avoir autre chose que sa dent...

- On a vu la puéricultrice hier, Ally, fis-je d'un ton encourageant. Elle a dit que tout allait bien et que c'était vraiment juste sa dent. Faut qu'on soit patient... Elle pointe. On commence à bien la voir.

Elle poussa un long soupir, remit une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Ce fut à ce geste que je me rendis compte qu'elle avait aussi besoin de passer chez la coiffeuse. Et même de se faire un shampoing. Depuis quand mon Ally n'avait-elle pas pris un peu soin d'elle ? Il allait falloir y veiller. Je décidai de sortir l'artillerie lourde. Enfin, semi-lourde. Histoire de garder un peu de réserve si sa fatigue et son stress montaient encore d'un cran.

- Ally. J'te laisse pas le choix. Tu vas dormir. Moi, je veille, je m'occupe de Steve. Dès que l'averse s'arrête, je sors pour le promener. Ca lui fera du bien de prendre l'air, ça le fatiguera un peu. Et moi aussi, ça me fera du bien. Et si t'es pas d'accord, j'appelle ma mère, la tienne et les frangines.

- Oh la ! fit-elle en ouvrant de grands yeux. Je suis si pitoyable que ça ?

- Si tu continues comme ça, oui, tu le seras.

- D'accord... Tu promets que tu me réveilles, si...

- Promis. Et là, dodo.

Elle sortit enfin de la salle pour gagner la chambre. Je retins un soupir de soulagement et reportai mon attention vers Steve. Installé dans son transat, le visage tout rouge, il s'égosillait comme pas deux. Limite il faisait plus de bruit qu'une horde de groupies à l'assaut de Snoog. Même le petit jouet à mâchouiller, il le rejetait. Il allait vraiment falloir faire quelque chose. Lors de mon dernier appel téléphonique à nos amis, Jenna m'avait glissé une suggestion à laquelle elle avait dû se résoudre pour une des dents de Thilia : cela faisait deux jours que la petite hurlait, la dent était vraiment toute proche. Il ne restait qu'une très fine couche de peau à la recouvrir. Même Lynn trouvait cela très dur et abandonnait la partie plus souvent qu'à son tour pour aller taper sur sa batterie. Mais Jenna, elle, commençait à trouver cela vraiment très pénible et difficile. Elle avait alors pris un morceau de sucre et d'un geste sec et précis, elle l'avait passé sur la gencive rougie de Thilia. Cela avait suffi pour enlever le petit morceau de peau récalcitrant et douloureux. La louloutte avait hurlé un bon coup, puis s'était calmée aussitôt, grâce à un gros câlin de son père. Et nos amis avaient enfin pu souffler et récupérer.

J'estimais qu'on n'en était pas encore à ce point, avec Steve : la dent se voyait, mais à mon avis, il y avait encore un morceau de peau assez épais à la recouvrir. La méthode de Jenna serait peut-être à utiliser demain ou après-demain. Là, il allait falloir que je fasse autre chose. Comme avec sa mère, finalement. Méthode semi-lourde avec le fiston.

**

Je fis un tour dans la chambre, Ally s'était endormie comme une masse. Et elle avait bien mis les boules Quiès. J'allais pouvoir faire plus de bruit que mon fils. Je me réinstallai au salon, la basse à la main. Je branchai le petit ampli que j'avais à la maison, le réglai au minimum. Steve était toujours dans son transat, à mes pieds. Je vérifiai qu'il n'avait pas besoin d'être changé, puis j'attaquai :

- Bon, mon loustic. Je sais que c'est pas marrant pour toi, mais pour nous, non plus. Et je ne te parle même pas des voisins. Heureusement que l'immeuble est bien insonorisé. Aux grands maux, les grands moyens. J'ai quelque chose qui devrait te calmer.

Et je commençai à jouer la ligne de Reviens !. Je la fis deux fois de suite. A la fin de la deuxième, les pleurs avaient légèrement diminué. Je poursuivis sans m'arrêter avec Revelations, puis j'enchaînai avec Remember Tomorrow. Ca le calmait. Il hoquetait encore, laissait parfois échapper un petit pleur, mais il me fixait de ses grands yeux. Je pouvais y lire étonnement et comme une forme de soulagement. Ok, mon grand, si la musique te fait du bien, on continue. Je peux jouer longtemps, tu sais...

Je fis deux fois Remember Tomorrow, rejouai Reviens !. Enfin, je terminai avec Redemption.

Et là, miracle, il s'endormit...

Ally

Lorsque je me réveillai, je constatai avec horreur que c'était déjà la fin de l'après-midi. Steve avait manqué deux repas, mes seins étaient lourds et perlaient. Il y en avait plein les draps, même si j'avais mis les petites protections. J'avais vraiment besoin de dormir pour avoir écrasé pendant plusieurs heures, sans me réveiller.

Je me levai rapidement, passai une tête dans le salon pour constater qu'il était vide. Dans le couloir, la poussette de Steve avait disparu : il ne pleuvait plus et Stair l'avait certainement sorti. L'heure m'indiquait que j'avais du temps devant moi avant la prochaine tétée. Je commençai par tirer un peu de lait, pour me soulager, puis j'enchaînai avec une bonne douche. J'en avais bien besoin. Stair m'avait offert plusieurs heures de répit, je devais en profiter. La nuit prochaine, il aurait besoin de dormir à son tour, même s'il pouvait plus facilement se passer de sommeil que moi.

Je demeurai un moment dans la salle de bain, tentant aussi de discipliner ma coiffure : il allait être grand temps que je passe chez la coiffeuse et je me promis de prendre rendez-vous pour les prochains jours. Je n'y passerais pas des heures et Stair pourrait s'occuper de Steve pendant ce temps. Je me dis que j'avais bien de la chance que le papa soit si disponible et me demandai comment faisaient certaines mamans. Et encore, je pouvais compter sur les mamies et les tatas... Même le tonton s'était proposé ! Quand nous serions à Glasgow, je pourrais m'appuyer sur Jenna et réciproquement, comme nous l'avions fait durant nos deux séjours depuis la naissance de Steve, en janvier et au début du printemps. Le prochain séjour, en juillet, s'annonçait déjà prenant : nous commencerions à visiter des appartements et maisons que nous avions repérées pour un futur achat. Jenna et Lynn étaient aussi à l'affût, relevant des annonces pour nous et se rendant parfois sur les lieux, pour voir au moins de l'extérieur si cela pouvait convenir. Quand je leur avais demandé si ça ne les dérangeait pas, Jenna m'avait répondu que pas du tout, car c'était une excellente occasion de sortir promener Thilia. Et Lynn avait ajouté qu'ainsi, ça donnait une idée de la distance par rapport au studio.

Lorsque je regagnai le salon, j'y trouvai mes deux amours. Steve avait l'air calmé, il écoutait avec attention son père jouer.

- Ca va mieux, baby ? me demanda Stair sans quitter son fils du regard tout en continuant à jouer la ligne de basse de Remember Tomorrow.

Celle-là, je l'avais suffisamment entendue pour la reconnaître aux premières notes : Stair la jouait souvent, comme celle de Reviens ! quand nous nous étions remis ensemble. Rien de surprenant donc à ce qu'il la joue aussi pour Steve.

- Oui, ça va mieux. Mais j'ai dormi vraiment longtemps !

- Tu en avais besoin.

- Ca fait longtemps que tu joues ?

- Hormis pour ses biberons, le changer et la promenade, je n'ai pas arrêté depuis que tu t'es couchée. Mais ça le calme.

- Incroyable, fis-je en m'asseyant dans le canapé.

- Ouaip.

Il enchaîna avec Reviens !, puis Redemption et Revelations, puis rejoua Remember Tomorrow.

- La finale du concert avec Maiden, dis-je en souriant.

- Hum, hum, fit Stair. Ca lui convient.

- Et à toi aussi ! ris-je doucement.

- Je l'reconnais, me sourit-il en levant brièvement les yeux vers moi. Quatre R pour Steve...

Il avait raison : quatre airs de chansons commençant toutes par la lettre R...

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