Successions d’événements, ainsi nous vivons chaque jour avec Samy. Depuis la première seconde où nos corps se sont télescopés, où nos regards se sont percutés, où mes premiers mots l’ont transpercé, tout s’enchaîne et parfois se déchaine. Là où je fonce et parfois m’enfonce, lui est d’un calme olympien. Quelle que soit ma rage, il la contient. Si l’orage menace notre lendemain, mon dragon me ramène dans le droit chemin. Nous avons croisé plus d’une ornière dans laquelle j'aurais pu rester sans rien faire, mais à ses côtés tout est facile, il a cette capacité de gommer les problèmes d’un coup de crayon.

Successions de choix, ainsi nous avançons pas à pas. Certains penseront que nous sommes insouciants, immatures ou peut-être même fous. Pourtant c’est la première fois que je sais parfaitement où je vais. Avant de partir, je tente d’écrire une dernière lettre à ma mère. Samy m’a demandé de le faire, il désire que je pose des mots pour panser mes maux, dans sa bouche cela semble aisé mais une fois devant la page, elle reste désespérément blanche. Je manque de courage. Le stylo tourne autour de mes doigts, il passe de l’un à l’autre alors que dans ma tête les nœuds se font. Je pensais que mon amertume se serait atténuée et à l’heure d’un nouveau départ, je m’aperçois que je dois essayer de lui offrir une nouvelle chance. Heureusement, mon père sera présent samedi quand nous lèverons les voiles. Il a accepté mes choix et à fait les siens en prenant ses distances avec cet appartement haussmannien où le vide comblait les silences depuis mon départ.

— Victor, suis-moi, me dit Samy en arrivant avec un panier dans les mains.

Il est tellement mignon dans son tee-shirt à rayures blanches et marines. Son apparition dans la pièce provoque en moi une succession d’émotions. Je frémis au plaisir de l’accompagner au bout du monde les yeux fermés. Je souris à l’idée de l’effeuiller sur des plages inconnues au soleil levant. Je fantasme sur ses fesses si joliment dessinées dans ce short beige.

— Où va-t-on ? demandé-je curieux.

— Là où tes yeux pourront me dévorer loin des regards indiscrets.

Je ferme l’enveloppe dans laquelle je glisse un papier où une seule phrase a trouvé sa place : “Notre vie a été une succession de rendez-vous manqués, si tu ne veux pas rater définitivement ton rôle de mère, toi qui ne supporte pas l’échec, alors je t’attendrai devant la Tour de la Lanterne samedi à midi. Ton fils, Victor”.

Maintenant plus rien ne m’arrêtera. Je suis enfin libre de rêver auprès de celui qui fait briller mes yeux.