Déjà des heures que Nichol se pavane en attendant sa sortie du travail.Physiquement présent, mais absent du monde, dans un mélange où il ne sait plus s'il est dans le film ou un spectateur. Il déambule à travers les rues, au-dessus de tous. Eux, contraitement à lui, ne savent plus voir le ciel. Entre les téléphones et ceux qui se méfient des autres, plus personne ne lève la tête pour le voir, le pauvre. Pourtant il le voit à travers les immeubles plein de poussières, et la fumée lourde de la pollution qu'il supporte de moins en moins. Tant pis, il n'en a pas pour longtemps dans cette ville, il en sort presque d'ailleurs.

Il rejoint sa moitié, à grande vitesse. Il ne l'a jamais vue, mais il sait qu'elle habite quelque part dans la campagne, à l'abri de tous, et qu'elle l'attend. Cela fait un moment qu'ils communiquent tous les deux, il a reçu des messages de sa part. D'abord une présentation complète, puis des messages plus directs qui l'ont plutôt excité. Il faut dire que Pauline sait y faire dans ce genre de choses. Il la pense poète, sans aucun doute, ou alors tisseuse, de celles qui inventent avec leurs corps, ne sachant rien faire d'autre que de créer toute sa vie, tellement elle en a à dire. 

Durant son périple, les messages se font plus rares, mais ce n'est pas grave, Nichol a du cran. Il zigzague à travers la campagne, prend les virages précautieuneusement : pour lui c'est le dernier espoir. Il sait que la ville l'a déjà consumé, lui a déjà usé toute une partie de sa vie. Philosophe, il regarde derrière lui, fier de ce qu'il a entrepris durant tout ce temps, depuis que ses parents, morts juste après sa naissance, l'ont laissé tomber. Il ne leur en veut pas, la vie est comme ça, elle ne pardonne pas.

Il imagine Pauline. Son prénom résonne en lui comme un mélange de peau et de colline. L'ayant dans la peau et devant franchir des collines pour l'atteindre, il trouve que ce prénom lui va vraiment comme un gant. Et il l'a dans la peau, comme s'il connaissait son odeur, Nichol est enivré par elle. Il invente aussi ses yeux, qu'il voit grands, légèrement gris. Il adore cette couleur, c'est sa préférée, il la porte d'ailleurs aujourd'hui. Il se rêve dans ses bras pour lui donner tout l'amour nécessaire. Un jour naîtra sans doute de leur union le fruit de leurs êtres, il est curieux de voir ça.

Il lui reste encore beaucoup d'efforts à fournir. Nichol accélère comme jamais, sans moyens de transport les choses sont moins faciles, mais il y arrive, doucement. Il reçoit un message de Pauline qui le rassure et lui donne une force considérable pour y arriver. Il s'interroge sur l'Amour tout de même, sur le fait que ça durera ou non après, après la rencontre, après la fusion... Pour la première fois, il a peur. Mais Nichol ne se décourage pas. Il est prêt à tout. Il met encore un coup de cravache. Il arrive près de chez elle. Il regarde autour de lui. Il est heureux de voir ce qu'elle voit, même s'il ne l'a pas encore vue elle.

Nichol s'avance doucement derrière le mur de la grange. Pauline se tient là, plus grande qu'il ne l'avait pensé, plus grande que lui. Il s'approche doucement. Ils se plaisent. Leur communion sonne comme une évidence. Après cela, Nichol s'effondre au sol, exténué par son voyage.

Pauline déploie ses ailes violettes comme pour le remercier de son voyage unique. D'ici quelques mois, le résultat de leur fusion trouvera lui aussi sa voie. Nichol meurt, heureux, la couleur de ses ailes s'envolant doucement vers le ciel.

Petits œufs deviendront grands papillons.