Noël
C’était le jour de Noël et il devait avoir 7 ou 8 ans, pas plus.
Il se souvient de la joie ressentie en participant activement à la décoration de la maison avant d’accueillir la famille le soir venu.
Tout concourait à la magie du moment. Le grésillement du vinyle qui tournait sur la platine, diffusant en boucle une musique festive des années 1970. Sa maman, affairée dans la cuisine, apprêtant la dinde avec soin. Les petits biscuits qui doraient doucement dans le four et emplissaient l'air d'une douce odeur de cannelle. Toutes les lampes étaient allumées, permettant au grand salon de rayonner de mille feux. Enfin, la buée épaisse sur les vitres rappelait la chaleur réconfortante du logis, contrastant avec le froid glacial qui régnait à l’extérieur.
Pour la première fois, sa maman l'avait autorisé à finir la décoration du sapin, puis à préparer l'apéritif qui serait servi sur l’énorme table basse en bois d'acajou. Il participait également à dresser le couvert pour les convives du soir. Il se souvient surtout du plaisir et de la fierté qu’il ressentait alors qu'il préparait le plan de table, écrivant le nom de chacun des convives sur un morceau de papier.
La glue de toutes ces émotions est difficile à définir car l'effervescence de Noël est palpable.
Mais il se souvient du bonheur qui rayonnait en lui tout en participant à une activité tout simplement familiale. Le père n’était probablement pas là mais, qu’importe : la joie et les rires résonnaient ce jour-là. Qui aurait pu deviner que cette grande maison allait devenir si froide et vide quelques années plus tard. Qui aurait pu croire que la joie de cette époque serait enterrée au plus profond de son être, remplacée par la tristesse et la colère.
Cédric ouvre lentement les yeux en ayant l'impression d’avoir fait un drôle de rêve où il était question de festivités. Il a également l’impression d’avoir un goût de pain d’épice dans la bouche, comme s’il venait juste de sortir de table. Qu’importe : c’est déjà loin et confus.
Il se réveille aux aurores, l’esprit encore un peu embué. Il ouvre les yeux, se redresse péniblement et reste assis une longue minute sur le rebord du lit. Le regard perdu, il se gratte la tête et masse machinalement le poignet droit. Le pansement le ramène à la réalité de ce geste désespéré, qu’il préfère occulter pour le moment. Il finit par se mettre debout et marche en titubant légèrement, cherchant son chemin jusque dans la cuisine afin de se faire couler un café.
Il hésite à ouvrir la porte du balcon afin de boire son café à l'extérieur comme à l’accoutumé, mais les températures glaciales l’en dissuade. Il remarque l’épaisseur de buée sur la vitre du salon qui lui rappelle un souvenir familier mais aussi lointain. Il reprend progressivement ses esprits et se dirige comme un robot vers son canapé. Il s'assoit mécaniquement et reste là immobile de longues minutes, avec son café à la main en train de regarder l’écran noir de sa télévision.
Coïncidence ou non, il décide de s’octroyer une pause dans sa recherche d’emploi et refuse même d’ouvrir son ordinateur portable.
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